Société
En République démocratique du Congo (RDC), la supposée double nationalité belgo-congolaise du Premier ministre, Samy Badibanga, est au centre d’une polémique. Pour le ministre des Relations avec le Parlement, la double nationalité pose un problème juridique et moral mais pour un dirigeant de l’opposition, ce débat n’a pas lieu d’être.
Selon un document publié par un opposant sur internet, Samy Badibanga a été naturalisé, par la Belgique, en 2002. Pour rappel, la Constitution congolaise stipule que la nationalité congolaise « ne peut être détenue concurremment avec aucune autre nationalité » et que pour occuper « une fonction officielle » dans le pays, il faut être Congolais.
Ainsi, pour le ministre des Relations avec le Parlement, Tryphon Kin-Kiey, qui a alimenté la polémique sur la toile, ce week-end, cette double nationalité du nouveau Premier ministre pose un problème juridique et moral.
Le ministre des Relations avec le Parlement, Tryphon Kin-Kiey
« Le Premier ministre nommé est sans doute pour nous qui sommes de la majorité présidentielle, le bon choix. C’est un ami, un homme affable mais là, il y a eu un problème. Je sens un débat électrique au niveau du parlement. Il faudrait qu’il renonce à la nationalité étrangère qu’il aurait acquise. Ce que je sais c’est que cela ne va être facile de passer l’étape de l’investiture si cette question préalable n’est pas réglée. Cela pose un problème à la fois sur un point juridique et moral. Vous ne pouvez pas engager l’Etat congolais tout en ayant une autre nationalité. Il faudrait donc que, dans les jours ou dans les heures qui viennent, monsieur Bdibanga règle cette question-là », a déclaré Tryphon Kin-Kiey.
« Situation inconfortable »
Olivier Kamitatu, l’un des vice-présidents du G7
« Je ne fais que relayer une information qui avait été publiée sur un site d’infos », explique à Jeune Afrique Olivier Kamitatu, l’un des vice-présidents du G7, plateforme qui soutient la candidature de l’opposant Moïse Katumbi à la prochaine élection présidentielle en RDC.
Et de rappeler : « La nationalité telle que définie dans la législation congolaise est l’un des éléments fondateurs de la paix en RDC. » Allusion faite notamment à la guerre de 1998 au cours de laquelle des Banyamulenge réclamaient la reconnaissance de leur appartenance à la communauté nationale congolaise.
Pour lui, en ayant pris des libertés avec la loi de son pays d’origine et avec celle de son pays d’adoption, Samy Badibanga se retrouve dans une « situation inconfortable ». « En Belgique, un débat est en train de s’ouvrir sur ces personnalités belges qui s’enrichissent dans leurs pays d’origine mais qui réclament la protection diplomatique de la Belgique alors qu’ils n’y payent pas d’impôts », relève Olivier Kamitatu qui jure lui n’avoir « jamais acquis une nationalité étrangère », contrairement à certaines rumeurs.
« La RDC ne peut fermer sa porte à ses enfants »
Bernabé Kikaya Bin Karubi, conseiller diplomatique du président Joseph Kabila.
À la présidence de la République, on reste, pour l’instant, serein. « Nous gardons le cap : Samy Badibanga est le Premier ministre et son gouvernement va être mis en place dans les heures ou jours qui viennent », confie Bernabé Kikaya Bin Karubi, conseiller diplomatique du président Joseph Kabila.
Pour le diplomate congolais, le législateur congolais a déjà tranché sur la question de la double nationalité de certains Congolais. « Un moratoire [le temps nécessaire pour choisir entre les deux nationalités] leur a été accordé, sinon un grand nombre de personnalités dans les institutions du pays et dans les entreprises publiques ne seraient plus en place », soutient Kikaya Bin Karubi.
« La RDC ne peut pas fermer sa porte à cette expertise avérée de ses fils et filles qui ont librement choisi de rentrer servir le pays de leurs ancêtres », conclut-il.
Du côté de l'opposition, José Makila, président de l'Alliance des travailleurs pour le développement, estime que ce débat n'a tout simplement pas lieu d'être car, depuis 2007, un moratoire décidé par l'Assemblée nationale permet de conserver sa nationalité étrangère et de tout de même occuper des fonctions officielles dans les institutions de la RDC.
José Makila, Président de l'Alliance des Travailleurs pour le Développement
« Jusqu’à présent, l’Assemblée nationale n’a pas encore levé le moratoire et c’est pour cela qu’il s’agit d’un faux débat. Seule la Constitution est claire. La nationalité congolaise est une et exclusive et le moratoire permet de pouvoir continuer jusqu’à ce que l’on puisse soit réviser cette disposition constitutionnelle soit lever le moratoire pour que tous ceux qui sont sur ce coup de double nationalité ne puissent pas exercer la haute fonction. Donc, au jour d’aujourd’hui, on ne peut pas reprocher à un Congolais d’avoir une double nationalité et d’occuper une haute fonction. Il n’y a que l’Assemblée nationale qui peut lever ce moratoire », a expliqué l’opposant José Makila.
« En fait, le fameux moratoire n’a autorisé personne à détenir la nationalité congolaise cumulativement avec celle d’un État étranger, en violation de la Constitution », souligne le député Christophe Lutundula (G7, opposition). Pour lui, cette « période de tolérance a expiré depuis 12 ans ». « Ce n’était qu’un simple appel à lever l’option définitive pour la nationalité congolaise adressé à ceux qui voulaient briguer des mandats politiques en RDC alors qu’ils n’avaient plus la nationalité congolaise. »
Pour l’instant, Samy Badibanga n’a pas réagi. Il a été reçu ce mardi par le président Joseph Kabila qui « lui a prodigué des conseils et quelques orientations », selon le site de la présidence de la République. Ont-ils abordé la question qui fâche ?
Que dit la Constitution congolaise ?
« La nationalité congolaise est une et exclusive », c’est ce qu’on peut lire à l’article 10 de la Constitution congolaise. En clair, impossible d’avoir deux nationalités en même temps. En prendre une autre revient à perdre la congolaise, mais dans la pratique nombreux sont ceux qui détiennent deux passeports.
En février 2007, le sujet avait fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale. A l’époque, un moratoire de trois mois avait été adopté pour laisser le temps aux différentes personnalités de trancher : respecter la loi et abandonner leur nationalité étrangère ou la garder et perdre leurs postes de députés ou autres. Au final, le moratoire s’est écoulé sans que ce débat ne soit tranché.
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