Economie
À quoi serviraient les quelque 432 millions de dollars nécessaires, selon la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), à l'organisation des élections du 23 décembre 2018 en RDC ? Le magazine Jeune Afrique, qui a eu accès au Budget détaillé des opérations électorales sous le sceau « confidentiel », en révèle les spécificités et notamment, le prix de 1.500 USD pour la « Machine à Voter ».
Jeune Afrique, qui a eu accès au Budget détaillé des opérations électorales sous le sceau « confidentiel », livre ligne après ligne, toutes les sommes à prévoir pour chaque dépense liée à l’organisation des trois scrutins d’ici la fin de l’année 2018. Ainsi, le prix de la « Machine à Voter » tant attendu par le peuple congolais est révélé. 1 500 USD la pièce! Il en faut 105.149 exemplaires à la Centrale Electorale pour organiser les 3 premiers scrutins prévus le 23 Décembre 2018.
« Confidentiel. » Le mot revient en bas de chacune des neuf pages du budget des élections présidentielle, législatives et provinciales prévues le 23 décembre 2018 en RDC. Le document, élaboré par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), a été transmis début décembre au gouvernement congolais et aux partenaires internationaux du pays. Ce jour-là, seul le coût global de l’organisation de ces trois scrutins a été rendu public : 432 642 693 dollars américains, soit environ 365 millions d’euros.
Incontournables machines à voter …
Pour organiser les élections attendues le 23 décembre 2018, la Ceni ne compte pas transiger sur son « option » de recourir aux machines à voter. Peu importe le prix pour les acquérir : il en faut quelque 105 149 exemplaires pour un prix unitaire de 1 500 dollars, comme repris dans notre datavisualisation. Ce qui porte leur coût total à 157 723 500 dollars. C’est d’ailleurs la ligne budgétaire qui mobilise le plus de fonds. La raison est évidente du côté de la Ceni : pas de machines à voter, pas d’élections dans les délais impartis !
« Si nous revenons à l’ancien système, nous ne pourrons pas commander les bulletins de vote à temps, car il faudrait, dans ce cas, attendre l’enregistrement du dernier candidat certifié », argue notre source au sein de la Ceni, qui souligne aussi l’importance de ces machines à voter « pour faire l’économie des moyens et des délais ».
À ceux qui s’opposent encore au recours inédit à ces engins en RDC – certains détracteurs les qualifient déjà de « machines à tricher » -, elle rétorque que ces appareils « font partie des accessoires que la Ceni place dans les bureaux de vote, à l’instar de calculatrices, de stylos ». « Les machines à voter viennent résoudre entre autre le problème de bulletins pharaoniques. Ce débat n’avait pas sa place ni au sein de l’Assemblée nationale ni au Sénat », conclut ce proche de Corneille Nangaa.
A cela faut rajouter tous les accessoires nécessaire au bon fonctionnement de la machine et à sa communication (Panneau Solaire, Kit Vsat,...) ainsi que les salaires des techniciens et informaticiens.
…mais aussi pagnes, parapluies, t-shirt Ceni…
À côté de ces machines à voter, d’autres éléments, rassemblés sous l’intitulé de « matériel et équipement électoraux » ne tarderont pas à susciter la controverse à Kinshasa et dans les autres grandes villes de la RDC. En cause : les sommes allouées à certains d’entre eux (voir l’infographie) au moment où le pays traverse une période économique difficile. Il est par exemple prévu 2,6 millions de dollars pour des pagnes, 400 000 pour des t-shirts, 350 000 pour des jackets, 100 000 pour des képis, 75 000 pour des parapluies, 50 000 pour des porte-clés, 75 000 pour des drapeaux. Tous estampillés « Ceni », bien entendu.
En fait, rien n’a été oublié. De la formation des journalistes aux forfaits de crédits GSM pour les chefs de centre, en passant par les déjeuners de travail avec les médias, les sketchs ou autres spots dans le cadre de l’éducation civique, la sensibilisation ou la communication, les per diem, la collation pour travaux intensifs, jour férié ou dimanche, l’achat des cartes SIM Thuraya, des véhicules, des motos, du carburant pour hors-bords…
A tout prendre, la procédure de commande de ces matériels devrait se faire en toute transparence et en respect de la loi de passation de marché public.
Quid du financement ?
Se voulant schématique, la Ceni a également transmis à ses partenaires nationaux et internationaux un autre document récapitulant les sommes attendues pour chaque composante du budget électoral. Objectif : « Que chacun puisse voir où et à quelle hauteur il peut intervenir pour nous appuyer financièrement », explique un proche de Corneille Nangaa.
« Si le financement n’est pas rendu disponible au moment où il est requis (…), le processus en subira certainement un coup », prévenait ainsi, le 7 décembre, le président de la Ceni, lassé par la réticence de la communauté internationale à mettre la main à la poche. Moins d’une semaine après ces propos de Corneille Nangaa, la réaction de l’UE est tombée le 11 décembre : il n’y aura pas d’appui aux élections en RDC sans une évaluation de la mise en œuvre des mesures contenues dans l’accord signé fin 2016 entre le camp du président Joseph Kabila et l’opposition. Et qu’il est de « la responsabilité première » du gouvernement et de la Ceni de « garantir le respect du calendrier électoral ».
Pour Kinshasa qui a alloué 912,2 milliards de franc congolais (environ 500 millions de dollars) aux opérations électorales à venir, la position de l’UE rappelle la situation de 2011.
« La corbeille des apports promis par la plupart des partenaires extérieurs de la Ceni (…) est restée vide jusqu’à ce jour », a réagi, ce jeudi 21 décembre, Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, lors d’une conférence de presse dans la capitale congolaise.
« Une fois de plus, les promesses mirobolantes par les plus bruyants de ces partenaires à la centrale électorale prennent chaque jour la forme des contes de fées pour enfants sans aucune réalisation effective », a poursuivi Lambert Mende devant les journalistes, dénonçant « un nuage de conditionnalités et d’ultimatums surannés » de la part de l’UE.
Mais l’État congolais, seul, peut-il aujourd’hui financer les trois scrutins prévus en 2018 ? Beaucoup d’observateurs avisés n’y croient pas...
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