Economie
Un montant évalué à la hauteur de 370 millions de dollars américains a été défalqué des réserves de change de la Banque centrale du Congo (BCC) pour payer aux prestataires, dans le cadre de l’exécution des travaux du projet de 100 jours du président de la République, Félix Tshisekedi. La révélation a été faite par le gouverneur de cette banque Deogracias Mutombo et appuyé par le conseiller principal en matières économiques et finances du chef de l'Etat.
C’était au cours de l’audience de ce jeudi 4 mai, organisée en chambre foraine à la prison de Makala, dans le cadre du procès de l’affaire Vital Kamerhe et consorts contre la République démocratique du Congo.
Il s’agit d’une pratique qui, selon certains spécialistes, qui ne favorise pas l’augmentation du matelas de devises, exposant ainsi le pays à des risques pouvant détruire le tissu économique du pays.
Selon le gouverneur de la BCC, qui est également intervenu en tant que témoin, il s’était opposé dès le départ lorsque cette proposition avait été faite pour payer les prestataires estimant qu’il y avait la possibilité de procéder autrement. C’est le cas notamment de l’emprunt auprès de banques commerciales locales.
Ce qui permettrait de garder le niveau des réserves internationales déjà faible, afin d’espérer satisfaire à certaines exigences notamment celles du Fonds monétaire international (FMI), une des conditions à remplir pour que le pays bénéficie d’un quelconque appui financier.
Les avances fiscales rejetées
De son côté, le ministre des Finances de l’époque avait envisagé une autre piste de solution consistant à recourir à des grandes entreprises pour obtenir les avances fiscales afin de constituer des fonds nécessaires pour financer ce programme.
« Afin de ne pas toucher aux réserves de change, j’avais fait une proposition concrète, indiquant que certains opérateurs économiques pouvaient payer anticipativement ce qui est dû à l’Etat et qu’on déduirait au moment de paiement de leurs impôts et taxes », a indiqué Henri Yav Mulang, ministre des finances à l’époque des faits.
Toutefois, l’option politique de recourir aux possibilités budgétaires a visiblement obéi à la logique de l’urgence de la mise en oeuvre du programme d’urgence du chef de l’Etat.
En ce moment là, le niveau des réserves de change ne représentaient que trois semaines d’importations. Ce qui est insignifiant, surtout quand la norme voudrait, d’après Yav Mulang, que les réserves internationales représentent trois mois d’importations en ressources propres pour le FMI et six mois pour la SADC.
Il y a eu tripatouillage dans la coordination
Dans sa déposition, le conseiller en charge de l'Ecofin du Chef de l'Etat, Marcelo Bilomba, a chargé du début à la fin le directeur de cabinet du Chef de l'État Vital Kamerhe. Selon lui, c'est Vital Kamerhe qui est responsable du saga financier du programme de 100 jours du Chef de l'État.
"On a sorti 208 millions - dont 66 millions ont été versés à Samibo - de la BCC sur les réserves internationales, avec toutes les conséquences, alors que nous n’avions que 800 millions en réserve ! [...] Il y a eu tripatouillage dans la coordination ! C'était une coordination de façade ! Et le responsable c'est le Directeur de Cabinet qui n'a pas su coordonner et faire acte de transparence dans ce dossier", a-t-il déclaré lors de son temoignage.
Que ce soit le ministre des Finances ou le gouverneur de la banque centrale du Congo, chacun a agi en exécution des instructions émanant du directeur du cabinet Kamerhe sur ordre du président de la République.
Au 27 avril 2020, les statistiques de la BCC indiquent que les réserves de change se situent à 978,35 millions USD, correspondant à une couverture d’importations de 3 semaines. Rapportées à leur niveau de fin mars 2020, il s’observe un accroissement de 287,06 millions USD porté par le rachat, par la BCC, des appuis budgétaires obtenus par l’Etat au près du FMI au titre de la facilité de crédit rapide.
Pour rappel, les réserves de change sont des avoirs en devises étrangères et en or détenues par une banque centrale. Elles prennent généralement la forme de bons et obligations du Trésor d’États étrangers, ce qui permet à ces réserves de rapporter un intérêt.
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