Dossier
Complètement défait il y a 9 ans (en novembre 2013) après avoir été vaincu dans l’est du pays, le Mouvement du 23-Mars a refait parler de lui en mars 2022, en attaquant des positions de l’armée congolaise à Chanzu et à Runyonyi dans la nuit du 27 au 28 mars 2022. Cette renaissance est en partie liée aux promesses non tenues de Kinshasa mais surtout au rôle du Rwanda qui est fortement pointé du doigt en raison de sa la lutte d’influence avec l’Ouganda depuis vingt-cinq ans dans l’est du Congo.
Pourtant, dès son accession à la tête de la RDC, en janvier 2019, le président Félix Tshisekedi avait manifesté sa volonté de rapprochement avec le Rwanda, à contre-courant d’une large partie de l’opinion nationale qui considère l’État voisin comme belliqueux. N’hésitant pas à plusieurs reprises à désigner Paul Kagame comme son « frère », Tshisekedi avait notamment déclenché une vive polémique au Congo en s’affichant main dans la main avec le président rwandais lors d’une rencontre à Kigali en 2019. Matérialisé par la signature d’accords économiques en juin 2021.
Néanmoins, dès février 2022 suite à l'opération conjointe entre les FARDC et l'armée ougandaise contre les ADF, le président rwandais Paul Kagame avait brandi la menace d’une intervention militaire rwandaise sur le territoire congolais, sans l’autorisation de Kinshasa, pour combattre les forces hostiles telles que les FDLR. « Le problème que nous avons avec la RDC, et nous insistons, ce sont les FDLR et ceux qui cherchent à coaliser avec les ADF contre le Rwanda. Nous avons un temps pour observer, négocier, mais pour notre sécurité, on n’a pas besoin d’une autorisation pour intervenir », avait-il alors déclaré, avant de conclure : « Nous souhaitons la paix à tout le monde dans la région, mais quiconque nous souhaite la guerre, nous la lui donnons. Nous avons des professionnels formés pour cela. Le Rwanda est de petite taille, notre doctrine est d'aller combattre le feu à son origine; en territoire ennemi quand cela l’exige. Nous faisons ce que nous devons faire, avec ou sans le consentement des autres. »
Lors de l’ouverture de la 12e conférence diplomatique à Kinshasa, quelques jours après ces déclarations particulièrement mal perçues en RDC, Félix Tshisekedi avait rétorqué : « Il est irréaliste et improductif, voire suicidaire, pour un pays de notre sous-région de penser qu’il tirerait toujours des dividendes en entretenant des conflits ou des tensions avec ses voisins. »
Le gouvernement désigne explicitement le Rwanda comme l’agresseur
Depuis lors, au niveau du territoire de Rutshuru, les FARDC et les rebelles du M23 s’affrontent dans l’est du pays où des éléments de l'armée rwandaise auraient aussi été aperçus pendant les affrontements, témoigne habitant du territoire de Nyiragongo qui avait fui les combats avec sa famille. Par ailleurs, pour bien démontrer sa détermination à éradiquer cette force obscure, le 30 mai, le gouvernement a exclu toute négociation avec les membres du M23, qu'ils ont depuis qualifié de terroristes. Le même jour, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Kinshasa contre le Rwanda, réclamant le départ de son ambassadeur et la fin des relations diplomatiques, voire même, pour certains, déclarer ouvertement la guerre au Rwanda. « C’est la première fois en 20 ans que notre gouvernement désigne explicitement le Rwanda comme l’agresseur dans l’est du Congo », a déclaré à Al Jazeera la militante basée à Kinshasa Maud-Salomé Ekila, l’une des organisatrices de la manifestation.
Suite à ces affrontements, Kinshasa accuse officiellement Kigali de soutenir les rebelles du M23, et affiche comme preuve, la capture de 2 militaires de l’armée rwandaise dans les rangs de ces terroristes. Ce que Kigali dément, soutenant que la RDC a plutôt « enlevé » ses soldats. Le gouvernement, en guise de protestation, a suspendu le 28 mai les vols de la compagnie Rwandair.
De son côté, les autorités rwandaises n’ont pas dévié de leur ligne. Elles parlent d’un conflit « intra-congolais », dans lequel elles ne seraient impliquées « ni politiquement ni militairement ». Le 23 mai dernier, le Rwanda a même demandé une enquête du Mécanisme conjoint de vérification élargi, affirmant que des roquettes venues de RDC avaient fait plusieurs blessés en territoire rwandais. Concernant les 2 militaires arrêtés, Kigali évoque une agression provocatrice. Or, selon un rapport de 300 pages du Groupe d’experts de l'ONU sur la RDC, « le Rwanda et l'Ouganda ont servi de base pour la réorganisation du M23 » qui ont pu ainsi, non seulement disposé d’armes « avec une puissance de feu et des équipements de plus en plus sophistiqués », mais aussi d’instructions et de formation dans des camps.
Pourtant, dans les semaines qui ont suivi l’intégration de la RDC dans la Communauté de l’Afrique de l’Est, l’EAC, lors d’un sommet à Nairobi sous l'égide de son président en exercice, le chef d'Etat du Kenya Hururu kenyatta, et du président Felix Tshisekedi, avait entamé des négociations avec des dizaines de groupes rebelles dans l’est de la RDC – dont le tristement célèbre M23 – pour discuter des conditions d’un accord d’amnistie. Mais, 2 jours seulement après le début de ce forum, la délégation congolaise avait demandé et obtenu l'expulsion du M23 des négociations de Nairobi après l’annonce d’une reprise des combats dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu.
Solution diplomatique ou escalade militaire ?
Désormais, « Nous sommes à l’heure du choix: Soit on opte pour la solution militaire et on y va jusqu’au bout sans aucune possibilité de retour à la table des négociations; Soit on se rend compte qu’on n’a pas assez de moyens pour mener le combat jusqu’au bout, et là il faudra se résoudre à appliquer les accords de Nairobi 8 et revenir sur des points sur lesquels le gouvernement s’était engagé à travailler », estime pour sa part le député national Juvénal Munubo. De la même manière, Bintou Keita, la représentante spécial de l’ONU en RDC, a invité, devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, « le Rwanda et la RD Congo à taire leur divergence afin de mutualiser leurs efforts contre les incursions de ce groupe armé. »
Tout laissant la porte ouverte au dialogue diplomatique, le président Felix Tshisekedi n'exclut pas les autres options. « Le fait de vouloir la paix, la fraternité et la solidarité n'est pas une faiblesse ». Mais « Cela ne doit pas constituer une occasion pour des voisins de venir nous provoquer » , a-t-il affirmé...
Source: Afrique XXI, 24hcongo.net, JA
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