Economie
S’imprégner des activités de la société Terra et lancer en même temps la saison agricole dans l’hémisphère sud, c’est le double objectif du déplacement de quatre ministres du gouvernement de la République dans la province du Haut-Katanga. José Mpanda de l’Agriculture, Nicolas Kazadi des Finances, Julien Paluku de l’Industrie et Jean Luvien Busa du Commerce extérieur se sont rendus dans le territoire de Kasenga, samedi 16 septembre.
Ils ont visité les installations de la société Terra appartenant à l’indo-canadien Rahim Dhrolia, qui dispose d’environ dix mille hectares consacrés à l’agriculture, mais dont 2 milles seulement sont exploités cette saison pour une production de 14. 000 tonnes de maïs grain au mois de juin dernier, soit sept tonnes par hectare.
Les quatre ministres, montés dans quatre tracteurs semoirs dotés chacun d’une capacité de semer quatre hectares dans une heure, ont lancé symboliquement la saison agricole A dans l’hémisphère sud. Au cours de celle-ci, la société Terra projette de cultiver le maïs sur tous les 3.700 hectares de sa concession situé dans le village Lubanda, en vue de produire au moins 25.900 tonnes au mois de décembre ou janvier prochain.
Pour ce faire, cette entreprise implore le gouvernement d’alléger la fiscalité et d’accorder aux producteurs locaux certaines facilités telles que les exonérations qui alourdissent la charge de production et font que le prix de revient de cette production atteigne 1500 USD l’hectare alors qu’ailleurs, c'est 1.000 USD, voire moins.
« Sinon, on ne peut être compétitif de nos voisins qui envahissent notre marché actuellement avec des importations qui sont parfois illégales, donc une compétition qui n’est pas juste. On a le climat, on a l’expertise, rien ne nous empêche de faire aussi bien, voire mieux que les autres », a déclaré Mme Gracia Kabange, Haute chargée du développement du business de Terra.
A l’en croire, Terra est déterminée à parvenir à l’autosuffisance alimentaire au Haut-Katanga dans trois ans, en ce qui concerne le maïs et tous ses dérivés. Toutefois, elle a sollicité du gouvernement non seulement un accompagnement dans l’irrigation des champs de maïs qui, si elle est faite pour pallier les perturbations climatiques, pourra aider à atteindre, avec les semences hybrides utilisées, 12 à 13 tonnes potentielles l’hectare, mais aussi pour les incitants en termes de facilités et d’allégements fiscaux.
Mettre le privé au centre de l’agriculture
Selon le ministre de l’Agriculture, Me José Mpanda, lui et ses collègues membres du gouvernement ont effectué le déplacement du Haut-Katanga dans le cadre de la concrétisation de son approche innovante apportée dans le domaine de l’agriculture. Cette approche consiste à plus impliquer les privés dans le cadre de partenariat public-privé avec comme soubassement un contrat d’agrégation en vue de booster la production locale jusque-là très faible à 5% sur toute l’étendue du pays.
« La nouvelle approche que nous avons de l’agriculture qui doit répondre à la vision du chef de l’Etat de la revanche du sol sur le sous-sol, c’est celle de mettre le privé au centre de l’agriculture. Pour cette saison (A, ndlr), on commence par ici (Au haut-Katanga, ndlr) d’une façon particulière dans une agriculture intelligente qui nous permet de voir loin. Ici, c’est une approche qui fait que l’Etat doit cesser d’être agriculteur, l’Etat doit jouer son rôle d’accompagnement, de régulation, de facilitation. C’est ce rôle-là que nous voudrions jouer avec la société Terra » a-t-il déclaré.
Il a justifié la présence de trois autres ministres par la transversalité du secteur agricole et par l’écosystème qui doit se constituer autour de ce secteur, qui, pris seul, isolé, ne pourra jamais, sans synergie, arriver à des résultats escomptés.
Pour sa part, Nicolas Kazadi, ministre des Finances, a vanté le partenaire sérieux que Terra en promettant l’accompagnement de son ministère à ce projet qu’elle développe en agriculture.
« Nous sommes ici dans un parfait exemple de collaboration et d’accompagnement qui devra nous permettre de modèle pour l’avenir. Le promoteur Terra est un promoteur de qualité qui a fait ses preuves. Nous lui avons apporté, à travers le FPI (Fonds de promotion de l’industrie, ndlr) un financement important. Ensuite, dans le secteur de l’agriculture, il faut des facilitations parce que ça coûte cher »,a déclaré à la presse Nicolas Kazadi qui a promis de voir avec les responsables de Terra comment alléger certaines charges fiscales et douanières en évitant que la fraude qui est un fléau au Congo, selon les termes de l’argentier congolais, ne s’installe.
Pour lui, l’on doit cesser de parler des potentialités agricoles que regorge la RDC, mais plutôt de leur reconversion en réelles riches.
Rahim guide ses invités dans la concession de Terra
Quant à Julien Paluku de l’Industrie, cette reconversion des potentialités en richesses est le combat que mène le gouvernement des warriors dans le cadre de revanche du sol sur le sous-sol en vue de diminuer sensiblement les importations alimentaires dont la RDC est à 95% tributaire de l’extérieur et lui font perdre au moins trois milliards USD.
« L’exemple que nous voyons avec Terra s’inscrit dans le cadre de la chaine de valeur agricole qui part du semi à la transformation pour réduire la facture des importations. Si nous boostons cette activité à travers le ministère de l’Agriculture, ces 3 milliards, on peut les réduire à 60% et ça nous permet de faire des économies et créer des emplois », a déclaré Julien Paluku.
Entrant un peu plus en profondeur dans les détails, il a calculé le nombre d’emplois qui peuvent être créés si on duplique Terra dans toutes les provinces.
« Si on a 10 mille hectares, il faut le multiplier par 6, ça fait 60 mille emplois qui sont créés automatiques. L’exemple que nous avons découvert chez Terra ici devra être dupliqué sur les 26 provinces pour que nous ayons au moins 26 projets pilotes et que chaque projet nous amène 60 mille emplois pour voir comment un seul projet agricole peut impacter sur la vie de la population. Donc, le président Fatshi voudrait changer le paradigme de gestion de nos ressources, qu’il s’agisse des ressources agricoles, minérales et autres. Et l’exemple de Terra qui a bénéficié de l’appui du gouvernement pourra inspirer, et des Congolais et d’autres partenaires, qu’il n’y a pas seulement de guerres en République démocratique du Congo, mais il y a aussi de l’espoir qui naît d’une volonté du président Félix Tshisekedi », a renchéri Julien Paluku.
En ce qui le concerne, Jean-Lucien Busa, ministre du Commerce extérieur, a insisté sur les incitatifs qui pourront favoriser la compétitivité des investisseurs.
« Le ministère travaille beaucoup sur la compétitivité extérieure pour voir comment pouvons-nous faire pour que l’offre exportable puisse attirer les importateurs, car on n’a pas la vocation d’être un pays importateur. Donc avec ce projet, il est possible de créer l’offre d’exportation qui permette au pays d’avoir des devises. On ne saurait pas avoir une économie compétitive si d’une part, vous avez des investisseurs et d’autre part il y a beaucoup de facteurs bloquants, beaucoup de difficultés à pouvoir émerger qui plombent nos possibilités d’investissement. Notre travail consiste à créer de conditions de compétitivité, fiscalité, autres facilités par rapport à la production intérieure », a plaidé Jean-Lucien Busa en rappelant que le gouvernement a adopté des mesures sur la diversité de l’économie qui mettent en évidence en priorité le secteur agricole.
Et de poursuivre que :
« Et lorsque le secteur agricole est mis au-devant de la scène, tous les autres secteurs se mettent en mouvement ».
Outre la concession agricole de Terra à Kasenga, les quatre membres du gouvernement ont visité à Lubumbashi la gigantesque minoterie Africa Milling et CongoOeufs, deux entreprises qui forment avec la première une plate-forme agricole intégrée avec zéro déchet dans le processus de production, étant donné que les sous-produits de l’une deviennent la matière première pour l’autre. C’est-à-dire que Terra la ferme produit du maïs qui est transformé à la minoterie African Milling ; la minoterie produit de la farine et du son de maïs. Le son de maïs à son tour est une des matières premières pour la fabrication de l’aliment pour les poules pondeuses de CongoOeufs. Les pondeuses produisent de la fiente qui est utilisée comme engrais organique à la ferme Terra pour amender le sol. Donc, c’est un système vertueux d’économie circulaire et de développement d’une chaîne de valeur du maïs que M. Rahim Dhrolia a construit.
Ces quatre Warriors ont profité de leur séjour dans le Haut-Katanga pour visiter d’autres sociétés de l’indo-canadien Rahim. Il s’agit notamment de Rainbow qui fabrique une gamme de savons dont le détergent et le liquide ; Congo Piping spécialisée dans la fabrication des tuyaux et Congo câbles qui transforment sur place à Lubumbashi le cuivre et l’aluminium en fils conducteurs du courant dans tous formats.
Décidément, la nouvelle approche de l’agriculture du gouvernement Sama Lukonde va changer la donne et réduire sur le long terme la dépendance agricole de la République démocratique du Congo des importations.
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