Afrique
Au Bénin, un code électoral bien étrange et un malaise politique profond... Wathi a organisé le 10 octobre dernier une table ronde virtuelle sur les « Réformes électorales et perspectives politiques au Bénin », l’occasion d’examiner les réformes du cadre électoral et des réformes institutionnelles de manière générale mises en œuvre sous la présidence de Patrice Talon.
Oui, ce fut l’occasion aussi de se projeter dans les prochains mois alors que des élections communales, législatives et présidentielle prévues en 2026 sont déjà dans toutes les têtes. (L’exercice a d’abord permis de mieux connaître et faire connaître les nouvelles dispositions du code électoral modifié en mars 2024, des dispositions d’une telle complexité que beaucoup de citoyens sont perdus).
Ce code électoral durcit considérablement les conditions de candidature à la présidentielle et d’obtention de sièges de députés. Pour être éligibles, les candidats à la présidence et à la vice-présidence devront avoir le parrainage d’un nombre de députés et/ou de maires correspondant à au moins 15 % de l’ensemble des députés et des maires et provenant de 3/5ᵉ des circonscriptions électorales législatives. Et un député ou un maire ne pourra parrainer qu’un candidat membre ou désigné du parti sur la liste duquel il a été élu. (Un député ou maire ne pourra parrainer un candidat issu d’un autre parti qu’en cas de signature d’un accord de gouvernance conclu avant l’élection).
Ce sera par ailleurs difficile pour les partis politiques d’avoir le moindre député puisque seuls pourront obtenir des députés les partis dont les listes ont recueilli au moins 20 % des suffrages exprimés dans les 24 circonscriptions électorales législatives. Ce seuil de 20 % dans toutes les circonscriptions pour qu’un parti puisse obtenir le moindre poste de député est un record mondial.
Pour le pouvoir en place, ce code électoral est cohérent avec l’objectif assumé de structurer le champ politique autour de grands partis en nombre très limité
Oui, c’est le point de vue défendu par un de nos invités, Malick Gomina, député issu d’un des deux partis soutenant le président Talon à l’Assemblée nationale du Bénin, qui explique que « les réformes ont conduit à une réduction significative du nombre de partis politiques, passant de plus de 200 à une dizaine. Cette transformation vise à simplifier le paysage politique et à favoriser une gouvernance plus stable ». Il fallait selon lui corriger le système partisan dans son fonctionnement.
Sans surprise, le point de vue de Nathaniel Hinnougnon Kitti, enseignant-chercheur en science politique à l’université d’Abomey-Calavi mais aussi vice-président du principal parti d’opposition « Les démocrates », est très différent. Il estime que les réformes introduites depuis l'arrivée de Patrice Talon au pouvoir ont contribué à dégrader la démocratie. Ce point de vue est plutôt partagé par les deux autres invités, qui ne sont pas des acteurs politiques, Maryse Glèlè Ahanhanzo, coordinatrice nationale de WANEP-Benin, réseau de la société civile pour l’édification de la paix en Afrique de l’Ouest et Expédit Ologou, Président du Civic Academy for Africa’s future (CIAAF), un think tank béninois.
La principale recommandation est la relecture du code électoral perçue comme un facteur de crise potentiellement grave
Tout à fait et cela traduit un malaise beaucoup plus profond. C’est la paix, la stabilité politique, la cohésion nationale et l’avenir des libertés individuelles qui sont en jeu. Maryse Glélé Ahanhanzo a demandé avec gravité aux acteurs politiques de « prendre un tout petit en compte l’intérêt des populations du Bénin » ainsi que l’ouverture d’un dialogue sur le code électoral et les conditions des futures élections. Expédit Ologou a résumé sa recommandation en un mot : Talon, le nom du président. Il faut, dit-il, « encourager, inciter le président Talon à dialoguer », et il ne faut pas faire de la question de l’après 2026 une question taboue parce que les perspectives de paix au Bénin en dépendent. Malheureusement, cela signifie que les institutions du pays qui a inauguré les conférences nationales des années 1990 en Afrique se sont considérablement affaiblies.
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Gilles Yabi, responsable du Think tank Wathi © Samuelle Banga