Musique
Le hip-hop et le rap gagnent en popularité en République Démocratique du Congo ; mais leur expression est principalement liée au Lingala, langue dominante à Kinshasa. Alors qu’ailleurs, le rap s’exporte facilement, le nôtre peine à le faire. Ces difficultés pourraient-elles être intéressantes ? À l’heure où le mouvement rap est en ébullition à Kinshasa, la question se pose : le Lingala est-il un atout ou une limite pour le développement du rap rd-congolais ?
« Personnellement, je ne pense pas que le Lingala puisse être un frein pour le rap », affirme Marshall Dixon, pionnier du rap rd-congolais.
« Parce qu’au départ, je ne crois pas qu’une langue soit forcément un obstacle pour la musique. Nous avons dansé sur “Despacito” de Daddy Yankee, qui fait de la musique en espagnol. Nous avons chanté des chansons en anglais dont nous ne comprenions pas les paroles. Je pense que la langue n’est pas un frein pour la musique en général et encore moins pour le rap. Il y a des artistes comme Fally Ipupa et Koffi Olomide qui exportent leur musique dans des pays où l’on ne parle pas Lingala. Cela ne peut pas être un frein ; bien au contraire, c’est une identité », a-t-il déclaré.
Ne pensez-vous pas que le succès du Lingala soit plus évident dans des genres comme la rumba ou le ndombolo, où la musique est souvent plus dansante et moins axée sur des messages explicites ? En revanche, le rap, qui est souvent associé à une dimension sociale et politique, pourrait rencontrer davantage des défis pour s’imposer à l’international avec le lingala.
« Après, selon ta réflexion, cela dépend du type de rap dont on parle. Il y a du rap commercial et un autre plus engagé où seul le message prime. Donc quand c’est commercial, on se moque du message ; ce rap est fait pour amuser et divertir », a-t-il dit.
Il a ensuite précisé : « Quand c’est du rap commercial, il n’y a pas de barrière tant que ça fait danser. En revanche, lorsque le rap est engagé, il véhicule un message ; quand une personne fait un rap conscient, il est normal que sa portée soit limitée parce que la force de cette musique réside dans son message. Si le message ne peut pas être compris, la musique n’a pas d’impact. Sur ce point-là, on peut dire que la langue peut avoir un impact, mais à condition qu’il s’agisse d’un rap engagé ou porteur d’un message ».
Marshall Dixon reconnaît cette nuance et souligne l’importance de conquérir d’abord le marché local avant de viser l’international. Il prend l’exemple d’Innoss’B pour illustrer comment un succès national peut ouvrir les portes de la scène internationale. « C’est bien et bon qu’un artiste pense à l’international, mais pour percer à l’international, il y a une obligation : l’international t’ouvre la porte lorsque le national t’a déjà complètement ouvert celle-ci. Le respect que l’on te donnera ou la place que l’on te donnera à l’international dépend de ce que tu vaux d’où tu viens ; c’est un fait. Tous les artistes africains qui ont percé en Europe ont déjà confirmé leur valeur dans leur pays d’origine. Peu importe la langue qui porte leur musique. Je t’ai donné l’exemple de « Yo Pe » d’Innoss’B qui a fait un carton partout dans le monde parce que ce morceau a d’abord fait bouger Kinshasa », a-t-il déclaré.
Le choix du Lingala est aussi une question d’identité. Pour beaucoup de jeunes rd-congolais, le rap en Lingala est un moyen de s’exprimer, de revendiquer leurs racines et de créer un sentiment d’appartenance à une communauté. C’est un enjeu qui dépasse la simple question de la diffusion internationale. De toute façon, un rap entièrement en français n’intéresse pas vraiment les auditeurs rd-congolais.
La musique urbaine en général se porte bien et surpasse même des styles plus typiques. Mais pour Marshall Dixon, le rap dans sa forme originale — avec prise de position et message à l’appui — est presque inexistant ; celui qui est plus commercial, entraînant et parfois théâtral fonctionne bien, et ce n’est pas seulement en Rd-Congo.
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