Les opposants sceptiques sur le format du dialogue

Ils n’ont pas tardé à donner de la voix. Ces leaders de différents courants de l’opposition, sentant leur mise à l’écart programmée des discussions de Luanda, ont bondi. De concert, ils ont poussé d’une seule voix : « Oui au dialogue », rejoignant le refrain devenu coutumier des chefs religieux congolais. Seul le dialogue inclusif résoudrait le problème congolais.

Tous les pontes de l’opposition soutiennent la médiation du dirigeant angolais, le revenant médiateur, qui avait raccroché les crampons, après avoir échoué à mettre autour d’une même table Tshisekedi et Kagame. Ce rendez-vous manqué, le président Joâo Lourenço l’avait mal vécu jusqu’à déposer sur la table son costume de principal médiateur, clamant se concentrer désormais sur ses nouvelles charges du président de l’UA. Là, il a rétropédalé pour rendosser la même toge, prenant de court le trio des facilitateurs (Hailemariam Desalegn, l’ancien Premier ministre éthiopien, Olusegun Obasanjo, l’ex-président nigérian et Uhuru Kenyatta, l’ancien président kényan), désigné plus de deux semaines après le dernier sommet conjoint de deux blocs régionaux le 8 février à Dar es-Salam en Tanzanie.

Comme une sorte de vases communicants, les déclarations des opposants se sont enchaînées le week-end, reprenant tous presque des phrases identiques comme s’ils étaient dans une même salle de classe. Tous encensent la médiation angolaise mais rejettent toute exclusion. Moïse Katumbi prévient d’ailleurs : « seul un dialogue sincère, transparent et véritablement inclusif peut mettre un terme définitif à la guerre ». Nul doute qu’il a fait allusion au processus piloté par le tandem CENCO-ECC jugé plus inclusif. Les accords partiels, à ses yeux, ne produiraient que des solutions temporaires et fragiles.

L’ex-Premier ministre, Matata Ponyo estime, lui, que les négociations de Luanda et l’initiative des évêques constituent, je cite encore, « les deux segments de la seule et unique voie, la plus appropriée pour mettre un terme définitif à ces conflits en répétition ».

De son côté, Martin Fayulu, double candidat aux présidentielles de 2018 et 2023, demeure convaincu que la démarche des catholiques et protestants constitue une occasion unique pour s’attaquer aux causes profondes des crises politiques et sécuritaires récurrentes qui entravent la stabilité et l’épanouissement du Congo-Kinshasa. Le leader Lamuka renouvelle son soutien à la médiation angolaise, une chance pour aboutir à la paix.

Le dernier, Delly Sesanga s’aligne aussi derrière l’initiative de la CENCO et de l’ECC pour un dialogue inclusif aussi bien en RDC que dans la région des Grands Lacs. « Seule une refondation institutionnelle profonde peut assurer une paix durable », affirme-t-il. Comme Katumbi et Fayulu, Sesanga encourage la médiation angolaise pilotée par le président João Lourenço, qui a réussi à rapprocher le gouvernement congolais et le M23.

La similitude de leurs approches lève le voile d’un front commun contre ceux qui tentent de les isoler d’un dialogue qui compte beaucoup pour eux en vue des échéances à venir. L’agenda de l’opposition non-armée est différent de celui du pouvoir comme aussi du M23-AFC. Les thématiques que comptent proposer l’opposition au dialogue se résument plus dans le renforcement du système démocratique : la gestion de la Commission électorale, le renforcement de la transparence électorale, la bonne gouvernance, les libertés publiques, l’indépendance de la justice, la non-révision constitutionnelle, sans oublier les sujets embouchés par le pouvoir comme la souveraineté et l’intégrité du pays, le retrait des troupes étrangères, la non-ingérence dans les affaires intérieures du Congo…. Ils envisagent se pencher également sur le retour des réfugiés congolais du Rwanda. Le dossier focalise l’attention du M23 Bertrand Bisimwa, le seigneur de guerre qui a consacré sa vie à errer dans la brousse, optant pour jouer le rôle de courtier de guerre des pays voisins. La preuve qu’il est apparu encore sur la liste des personnes sanctionnées par l’Union européenne.

Loin de Luanda où se dérouleront les travaux, les barrons de l’opposition auront une oreille collée à la capitale angolaise. Ils peuvent néanmoins compter sur la présence des hommes de Dieu catholiques et protestants qui n’ont plus quitté cette ville depuis leur arrivée, au bout d’un long marathon qui leur a permis de rencontrer tous les dirigeants de la région comme aussi les principaux protagonistes à Kinshasa et Goma. Catholiques et protestants militent pour un cadre consensuel où tous les Congolais se retrouvent : pouvoir, opposition non armée, M23-AFC, groupes armés congolais et société civile. De cette messe débouchera sûrement une solution définitive à la crise.

La venue des facilitateurs EAC-SADC semble, de l’avis de beaucoup d’observateurs, un alourdissement d’une machine déjà grippée. Le rôle du trio pourrait être utile dans une deuxième phase où les Congolais après avoir aplani leurs divergences, pourraient s’attaquer au deuxième aspect du conflit, lié principalement aux démêlées avec les voisins rwandais, ougandais et burundais.

La bataille des opposants demeure donc la participation aux pourparlers. Sinon, tout ce qui sera décidé entre belligérants sans eux, risque de ne pas les engager. Voilà pourquoi ils font le pied de grue, attendant un moindre appel des autorités angolaises.