Femme
Le changement climatique ainsi que les crises qui en découlent contribuent à intensifier les inégalités femmes/hommes, affectant particulièrement les femmes et les filles dans les pays en développement. Ces faits attestent les limites de l’approche « sexuée » de la question du genre dans les débats et dans les efforts de réduction des inégalités basées sur le genre, suscitant la nécessité de mieux élucider la question des inégalités basées sur le genre dans le contexte particulier du changement climatique. Il s’avère opportun, en ce moment où des voix s’élèvent pour exiger le respect des droits des femmes, d’identifier les différents liens entre le genre et les politiques climatiques, en mettant en lumière les inégalités structurelles et les solutions basées sur une approche « intégrée du genre », particulièrement en Afrique et République Démocratique du Congo.
Les effets du changement climatique et des perturbations environnementales ne sont pas neutres en termes de genre. Selon ONU Femmes, d’ici 2050, le changement climatique risque de plonger jusqu’à 158 millions de femmes et de filles de plus dans la pauvreté et 236 millions de plus dans l’insécurité alimentaire. Ces données attestent que la crise climatique contribue davantage à intensifier les inégalités femmes/hommes dans le monde. Ces faits soulignent également l’urgence d’intégrer une approche de genre dans les politiques climatiques en vue d’en atténuer les impacts différenciés par genre et promouvoir une gouvernance climatique inclusive et équitable.
En effet, en ce qui concerne l’impact financier, les inégalités de genre entrainent des coûts considérables pour l’économie mondiale. Selon l’OCDE, la discrimination fondée sur le genre dans les institutions sociales coûte jusqu’à 12 000 milliards de dollars à l’économie mondiale, ses estimations plus récentes suggèrent que « les institutions sociales discriminatoires freinent l’égalité des sexes et constituent un obstacle à la croissance économique, avec un coût pouvant atteindre 12 000 milliards de dollars pour l’économie mondiale ».
Dans certains pays comme la France par exemple, d’après un Rapport, de Lucile Peytavin, et Ginévra Bersani, membres de l’Institut Genre & Statistiques, les inégalités de genre impliquent une perte estimée à 118 milliards d’euros par an. D’où la nécessité d’une transformation structurelle des politiques publiques afin de réduire les discriminations systémiques et indirectes, bien qu’elles sont très souvent invisibles, mais qu’elles demeurent profondément ancrées dans les structures sociales et économiques.
En ce qui concerne le changement climatique, ce dernier affecte différemment les femmes et les hommes en raison des rôles sociaux genrés, des inégalités économiques et des normes culturelles. Les femmes, en particulier dans les pays en développement, dépendent souvent davantage des ressources naturelles (au sens large) pour leur subsistance, ce qui les rend plus vulnérables aux dégradations environnementales. La Banque mondiale estime que 80 % des réfugiés climatiques sont des femmes et que celles-ci ont quatorze fois plus de risques de mourir lors de catastrophes climatiques que les hommes. De plus, il s’avère que la pollution de l’air intérieur (dans les habitations) due à l’utilisation des combustibles polluants entraîne plus de 4 millions de décès annuels, principalement chez les femmes et les enfants.
L’approche du gender mainstreaming présentée par Cornet (2014) propose d’intégrer la dimension de genre dans toutes les étapes du cycle des politiques publiques. Elle considère en effet que les inégalités de genre ne résultent pas uniquement de discriminations directes, mais aussi de décisions et structures qui perpétuent ces inégalités de manière indirecte. Cette approche appliquée aux politiques climatiques implique : une analyse exhaustive et genrée des risques et des vulnérabilités dans les stratégies d’adaptation et d’atténuation du changement climatique, une participation de plus en plus équitable des femmes et des hommes dans la prise, le suivi teste l’évaluation des décisions portant sur le climat ainsi qu’une évaluation systématique de tous les impacts différenciés des politiques climatiques.
Il existe déjà plusieurs mesures visant à lutter contre les inégalités de genre. Cependant, ces approches traditionnelles, centrées sur des mesures plutôt correctives telles que des dispositions légales portant sur l’égalité de droits entre les hommes et les femmes et les actions ciblées, ont montré leurs limites. Cornet (2014), critiquant ces stratégies dites « réparatrices », bien que bénéfiques, a souligné qu’elles ne remettent pas en question les structures et les normes sociales qui perpétuent les inégalités de genre. Dans la pratique, l’intégration d’une perspective de genre dans les politiques climatiques exige une transformation profonde des normes et processus décisionnels, ainsi que la réduction des institutions sociales discriminatoires qui restreignent l’autonomisation des femmes de manière à réduire sensiblement les inégalités ainsi que leurs conséquences qui ne font qu’exacerber les vulnérabilités des femmes dans la planète.
Depuis 10 ans, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a commencé à intégrer la question de l’égalité des sexes dans la gouvernance climatique avec comme outil le « programme de travail sur le genre » adopté en 2014 et visant à promouvoir l’équilibre entre les sexes et l’intégration du genre dans les politiques climatiques internationales. Avec les récentes évolutions, un nouveau plan d’action pour l’égalité des sexes prévue pour 2025 sera soumis à la COP 30 au Brésil, avec pour objectif de renforcer la dimension genre dans toutes les décisions et actions climatiques.
Observant les politiques climatiques élaborées par les pays africains, il est remarquable que certaines initiatives nationales affichent une volonté d’intégrer le genre dans les politiques climatiques. C’est le cas de la Côte d’Ivoire qui a développé une stratégie nationale climat sensible au genre, ou de la République centrafricaine qui a instauré une plateforme genre-climat pour équilibrer la participation des femmes et des hommes dans la politique climatique nationale. Malgré ces légères avancées, des lacunes persistent d’autant plus que les faits attestent que bien que 96 % des plans nationaux d’adaptation mentionnent les femmes, seuls 16 % de ces plans les considèrent comme des actrices du changement, ce qui atteste que la gouvernance climatique continue d’avoir une perception passive du rôle des femmes dans les enjeux climatiques.
En ce qui concerne la RDC, les statistiques de carbonbrief montrent que, comme la tendance générale des délégations d’autres pays, celle de la RDC également est en général déséquilibrée en termes de genre. En effet, à la dernière COP29 qui s’est tenue en novembre 2024 à Bakou en Azerbaïdjan, sur un total de 401 délégués envoyés par la RDC à ces négociations, 109 seulement étaient des femmes contre 292 hommes, faisant d’elle le 154ème pays sur 195 d’après le pourcentage de femmes dans les délégations des pays aux négociations climatiques. Cependant, il sied de remarquer que malgré la faible proportion des femmes dans la délégation de la RDC, le leadership Congolais a été porté à un plus haut niveau lors de ces négociations par la première ministre congolaise secondée par la ministre ayant en charge l’environnement dans ses attributions. Ces deux femmes qui ont conduit la délégation congolaise permettent de mettre en avant la possibilité ainsi que l’importance de l'engagement du pays en faveur d'une gouvernance plus inclusive (du genre) tout en maintenant une voix audible du pays dans les discussions relatives à la conception des politiques climatiques au niveau international, surtout du fait que comme documenté scientifiquement, « les changements environnementaux impactent négativement plus les femmes que les hommes ».
Enfin, une approche intégrée au genre des politiques climatiques, le « gender mainstreaming » est d’une haute importance pour assurer une transition écologique inclusive et durable. La non prise en compte des inégalités de genre de manière structurelle dans les stratégies climatiques exacerbe les vulnérabilités des femmes et perpétue les discriminations systémiques. Ceci justifie l’importance d’instaurer des réformes structurelles permettant aux femmes de jouer pleinement leur rôle dans la gouvernance climatique, et de veiller à ce que les politiques environnementales prennent en compte systématiquement, de leur conception à leur évaluation, les impacts différenciés du changement climatique sur les sexes. Ceci ne peut réussir que sur base d’un engagement politique fort et d’une volonté de transformation des structures décisionnelles aux niveaux national et international.
* Caleb Bonyi Mukadi Mukandila est économiste (Université Grenoble Alpes-UGA/Toulouse School of Economics-TSE/Université de Kinshasa-UNIKIN). Ce point de vue est strictement personnel et donc n’engage aucune de ses institutions d’appartenance
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