Religion
Ils vivent au plus près du règne des groupes armés dans la province du Nord-Kivu. En plus de la crainte et de l’angoisse engendrées par l’insécurité permanente, les musulmans de l’Est de la République démocratique du Congo doivent composer avec la méfiance qu’ils suscitent de plus en plus auprès des autorités.
Complices présumés des ADF
Les rapprochements incessants faits par le gouvernement congolais entre les ADF et certains musulmans de la province ont installé un climat qu’on n’avait jamais connu jusqu’alors sur l’étendue du Nord-Kivu. Toujours incarcérés à Beni, les imams Hamza Baguma et Djibril Muhindo ont été condamnés à mort. Reconnus coupables d’être les idéologues et recruteurs des ADF à Butembo, ils ont toujours clamé leur innocence et bénéficié du soutien infaillible de leurs fidèles. Dans la ville de Goma, le très respecté imam Idrissa Muzammil a également été longuement détenu par les services de renseignement avant d’être finalement relâché, faute de preuves. Ses allers-retours en Ouganda, où réside une partie de sa famille, étaient jugés suspects par les autorités. À Lubero, les prédicateurs musulmans se disent scrutés, et la mosquée locale fait l’objet d’une surveillance accrue de la part des services de sécurité. Un élément ADF interrogé l’été dernier avait déclaré avoir été recruté dans la mosquée de la ville. Partout dans la province, les musulmans disent subir la suspicion intense du pouvoir, qui perçoit une partie d’entre eux comme de potentiels islamistes en puissance. Si les présumés Allied Democratic Forces (ADF), à qui l’on impute les massacres commis dans les territoires de Beni et Lubero, sont d’origine ougandaise, ils comptent bel et bien dans leurs rangs des autochtones recrutés ici et là, toutes religions confondues. Malgré l’absence de revendications de la part d’un groupe qui ne ressemble en rien aux autres organisations djihadistes mondiales, les musulmans de la région s’estiment injustement et dangereusement stigmatisés.
Butembo dans le viseur du gouvernement
Dernièrement à Butembo, ville désignée par Lambert Mende comme un terreau de recrutement de combattants islamistes, de riches commerçants musulmans indiens ont été arrêtés, soupçonnés de financer les ADF. « On ne comprend pas trop ce qu’ils nous veulent ici, nous confie un fidèle musulman, qui milite également auprès du mouvement citoyen local, la Véranda-Mutsanga. Le regard sur nous a changés, nous sommes ouvertement ciblés par les autorités, mais on continuera à se battre pour innocenter nos frères, qui n’ont rien à voir avec le terrorisme ou les groupes armés ». Du côté de la Communauté Islamique en RD Congo (COMICO), l’organe officiel de l’islam congolais, l’attitude du gouvernement agace. Si l’imam en chef de la région islamique de Butembo avait d’abord adressé une réponse officielle aux allégations de Lambert Mende, l’instance a ensuite décidé de calmer le jeu pour se concentrer sur la sensibilisation de la communauté. Consciente qu’en raison de sa forte population musulmane dans le Nord-Kivu, des éléments d’obédience musulmane, politisés ou non, endoctrinés ou pas, étaient susceptibles de rejoindre des groupes armés de tous bords, Maï-Maï y compris. Les imams ont donc lancé une vaste campagne de prévention contre les mouvements « inciviques », afin de « ne pas donner l’occasion aux politiques d’islamiser le conflit », nous a ainsi confié une haute autorité islamique congolaise.
Des victimes oubliées
ADF potentiels pour certains, complices présumés pour d’autres, les musulmans de la région sont pourtant victimes de l’insécurité au même titre que l’ensemble de la population civile. Car ceux qu’on appelle « faux-ADF » ou « égorgeurs » dans cette partie du pays, tuent sans absolument aucune distinction religieuse. Au cours du massacre perpétré à Rwangoma le 13 août 2016, le chef de l’entité islamique du Nord-Kivu a déploré la mort de 3 villageois musulmans. Dans les diverses attaques qui ont ponctué l’été et l’automne dernier, plusieurs habitants d’obédience musulmane ont été soit tués, soit blessés ou enlevés. À Oïcha, chef-lieu du territoire de Beni, les autorités islamiques aiment également à rappeler qu’un grand nombre de militaires engagés au front contre les présumés-ADF sont issus de la minorité musulmane congolaise. Aujourd’hui, au même titre que l’ensemble des civils qui peuplent les régions à risque de Beni et de Lubero, les musulmans congolais veulent se voir reconnus comme victimes à part entière, un statut bien réel, mais totalement occulté par le caractère « djihadiste » des assaillants.
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