Provinces
En ce mois d'août 1964, le jeune État du Congo (ex-belge), indépendant depuis quatre ans, a déjà connu une histoire troublée, faite de mutineries de l'Armée nationale congolaise (ANC), de sécessions et de rébellions diverses, annonciatrices de décennies de conflits qui perdurent aujourd'hui, principalement dans l'est.
Le Congo est dirigé par un gouvernement de salut public conduit par l'ex-leader de la sécession katangaise, Moïse Tshombé, sous la présidence de Joseph Kava-Vubu. Il est confronté à de nouveaux troubles, après une révolte qui a éclaté quelques mois plus tôt sous la direction de Pierre Mulele, au Kwilu, un district situé à l'est de la capitale, Léopoldville (devenue Kinshasa). S'y joint une rébellion partie le 15 mai d'Uvira (Sud-Kivu) sous les ordres de Gaston Soumaliot, le leader du MNC-Lumumba (le parti du premier Premier ministre du Congo indépendant, Patrice Emery Lumumba, destitué puis assassiné en janvier 1961) dans la province du Maniéma (est) et de son aile militaire, l'APL (Armée populaire de Libération) commandée par le "général" Nicolas Olenga.
Rapidement, cette rébellion Simba (lion) progresse à une vitesse fulgurante vers l'ouest, s'emparant de pans entiers du territoire congolais. Le 15 juillet, elle conquiert Kindu, le chef-lieu du Maniema, puis entre le 5 août dans Stanleyville, quasiment abandonnée par les soldats de l'ANC. Paulis, le chef-lieu du district du Haut-Uélé, situé à 350 kilomètres au nord de "Stan", tombe le 19 août.
Dans ces deux villes, les rebelles Maï-Maï convaincus de leur invincibilité face aux balles grâce à des pratiques de magie et dont les rangs ont grossi au fil de leur progression, font immédiatement comprendre aux expatriés (principalement des Belges, au nombre de 525, mais aussi quelque 50 Américains, des Britanniques, des Indiens, des Pakistanais, des Grecs, des Chypriotes, des Soudanais...) qu'il leur est interdit de quitter les lieux.
En violation de toutes les lois internationales, ils sont ainsi retenus en otages, victimes de menaces, de vols, de mauvais traitements, de brimades, de violences - parfois mortelles - commises durant trois mois et demi par la rébellion, qui s'est entre-temps rebaptisée "gouvernement révolutionnaire" de la République populaire Congo, sous la présidence de Christophe Gbenye, reconnue par sept pays dont l'ex-URSS et l'Égypte du président Gamal Abdel Nasser.
La Belgique est alors représentée à Stanleyville par un jeune consul, Patrick Nothomb, envoyé par l'ambassade de Léopoldville une semaine avant l'arrivée des rebelles et sur les épaules duquel va peser le poids de négocier au jour le jour avec les chefs rebelles pour défendre ses administrés captifs.
Jusqu'au matin du 24 novembre, quand 320 membres du 1er bataillon parachutiste, renforcés par des éléments du 2e bataillon commando et placés sous les ordres du commandant du régiment para-commando, le colonel Charles Laurent, sautent sur Stanleyville depuis des avions de transport C-130 américains venus de France. Ils viennent d'effectuer - dans un secret quasi-absolu - un long périple au Kleine-Brogel (Limbourg), avec des escales sur l'île britannique d'Ascension, dans l'océan Atlantique, et à Kamina, au Katanga.
Au sol, les troupes de l'opération "Dragon rouge" font leur jonction avec la colonne de la 5e brigade mécanisée, alias l'"Ommegang", ainsi nommée en raison de son caractère hétéroclite - elle rassemble en effet de soldats de l'ANC, des gendarmes katangais, des Cubains, des officiers et sous-officiers occidentaux, des mercenaires - sous les ordres du colonel Frédéric Vandewalle.
Les paras libèrent les otages, au prix de 24 morts, principalement lors d'une fusillade avec les Simbas.
Le 26 novembre, les paras rééditent l'opération en sautant sur Paulis sous le nom de "Dragon noir" et mettent les rebelles en déroute. Otages libérés et militaires se replient à Kamina, avant de rentrer en Belgique.
Au total, l'intervention de 569 para-commandos a permis de libérer 2.375 otages de toutes nationalités au prix de deux morts - l'un à Stanleyville, l'autre à Paulis - et de douze blessés dans leurs rangs. Mais cette rébellion a fait quelque 420 morts parmi les expatriés et des milliers de victimes congolaises, sans compter celles de la répression après la reprise en main des zones libérées par le gouvernement central.
L'association Fraternité belgo-congolaise, qui commémore cette année le 50e anniversaire des "événements tragiques" causés par les rébellions en 1964 au Congo - dont la prise de 1.600 expatriés en otages à Stanleyville (aujourd'hui Kisangani) -, organise le 20 septembre prochain une messe en la cathédrale saints Michel et Gudule à Bruxelles en la mémoire des milliers de Congolais et des 420 expatriés tués lors de cet épisode dramatique de l'histoire de la République démocratique du Congo. Cette messe sera concélébrée à 10h30 par le primat de Belgique et archevêque de Malines-Bruxelles, Mgr André-Joseph Léonard, et par l'archevêque de Kisangani, Mgr Marcel Utembi Tapa, a précisé l'association dans un communiqué.
Cette manifestation sera dédiée "à la mémoire des milliers de victimes congolaises et de plus de 400 expatriés (en grande majorité Belges), dont plus de 130 missionnaires, ainsi qu'à celle des militaires belges, congolais et d'autres nationalités tombés lors des combats contre les rebelles".
Lors des discours préliminaires, des condoléances seront présentées aux familles et aux amis des victimes. Un hommage sera également rendu à tous ceux qui se sont courageusement portés au secours des otages et autres résidents, au péril de leur vie, précise l'association, dont le président d'honneur est l'ambassadeur Patrick Nothomb, consul de Belgique à Stanleyville au moment de capture de 1.600 otages expatriés par des rebelles simbas.
Des commémorations similaires seront organisées en RDC, "au cours desquelles seront lus et diffusés, les témoignages que nous leur enverrons, exprimant notre estime et notre gratitude envers la population congolaise, pour l'aide qu'elle n'a pas hésité à nous apporter, au péril de sa vie, durant cette tragédie", conclut le texte.
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