Provinces
De nouvelles recherches ont jeté un éclairage sur l'un des mystères les plus horribles de la République démocratique du Congo : le massacre de plus de 800 personnes sur le territoire de Beni qui a débuté il y a trois ans.
Plus de 120 massacres au cours desquels les assaillants ont tué des personnes méthodiquement à la hache, à la machette, ou encore par balle. L’horreur s’est poursuivie, y compris jusqu’au mois d’août 2017, d’une manière cruelle, laissant les analystes perplexes.
Mais un nouveau rapport d’investigation du Groupe d’étude sur le Congo (Congo Research Group), basé à l'Université de New York, apporte des éléments de compréhension sur la dynamique de ces violences, et permet en même temps d’espérer que les auteurs de ces crimes devront un jour faire face à la justice.
S’appuyant sur deux années de recherches minutieuses, le rapport identifie des phases distinctes de tueries et divers acteurs armés responsables des massacres : l’Alliance des Forces Démocratiques (ADF), groupe rebelle islamiste ougandais basé dans l’Est de la RD Congo ; d’anciens officiers de l’Armée Patriotique Congolaise (APC) ; la branche armée du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Mouvement de Libération (RCD-ML), groupe rebelle soutenu par l’Ouganda lors de la deuxième guerre de la RD Congo de 1998 à 2003 ; diverses autres milices locales ; ainsi que des éléments de l’armée congolaise.
Les meurtres n’ont pas été commis par un groupe unifié visant un objectif politique spécifique, mais par ces divers acteurs qui ont constamment modifié leurs alliances, combattant parfois ensemble et parfois les uns contre les autres.
Lors de la rébellion du mouvement M23 soutenue par le Rwanda dans l’Est de la RD Congo en 2012-13, des éléments de l’APC qui se trouvaient toujours dans le territoire de Beni se sont mobilisés et ont établi une alliance informelle avec les combattants du M23, selon le rapport.
Après la défaite du M23 en novembre 2013, l’armée congolaise s’est concentrée sur Beni, officiellement pour vaincre les rebelles de l’ADF, présents sur le territoire congolais depuis de nombreuses années.
Selon le rapport, d’anciens officiers de l’APC à Beni ont perçu ces opérations comme une tentative de démanteler les lucratifs réseaux politiques et économiques qu'ils avaient établis dans ce territoire, notamment par le biais de leur collaboration avec l’ADF et avec d’autres milices locales.
En réponse, ils ont orchestré la première d'une série de meurtres à petite échelle à Beni en 2013. Lorsque les tueries ont débuté, certains officiers de l’armée congolaise, sous le commandement du général Akili Mundos, ont décidé de coopter le réseau d’anciens officiers de l’APC, de combattants de l’ADF et d’autres combattants appartenant à des milices locales, selon le rapport. Au lieu de mettre un terme aux violences, l’armée a commencé à agir aux côtés des membres du réseau précisément responsable de premières tueries, permettant à celles-ci de se poursuivre à bien plus grande échelle à partir d’octobre 2014.
Une fois ouverte la boîte de Pandore, le réseau d'ennemis et d'amis a changé constamment, divers groupes locaux de milice prenant un rôle plus important alors que les massacres se poursuivaient. Pendant tout ce temps, le gouvernement congolais a rejeté la responsabilité des violences sur les soi-disant « terroristes radicaux de l’ADF ».
Bien qu'il y ait encore beaucoup de questions sans réponse, ce nouveau rapport du Groupe d’étude sur le Congo met l'accent sur les responsables des massacres de Beni. Il devrait servir de base à des enquêtes judiciaires crédibles ainsi qu'à des sanctions ciblées de la part du Conseil de sécurité de l'ONU, entre autres.
Une action forte est nécessaire pour montrer qu'il y a des conséquences pour les responsables, quel que soit leur rang ou leur position, souhaite Ida Sawyer, directrice en charge de l’Afrique centrale chez Human Right Watch (HRW).
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