Economie
Le groupe tessinois Argor-Heraeus, un important raffineur d’or, a-t-il agi avec légèreté en achetant de l’or provenant de RDC (République démocratique du Congo)? Selon Trial, une ONG genevoise spécialisée dans les enquêtes contre les agissements répréhensibles de transnationales ou de potentats, le raffineur aurait acheté de l’or provenant de pillages. Interpellé, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ouvert une procédure pénale à l’encontre de Argor-Heraeus.
L’ONG Trial estime que trois tonnes d’or sont concernées. La matière précieuse aurait d’abord été vendue à des intermédiaires par des groupes armés ayant besoin de financer leurs opérations militaires. Ces actes se seraient produits entre 2004 et 2005.
Trafics d’or et d’armes
Trial a déposé une plainte le 1er novembre dernier auprès du MPC. «Nous avons examiné cette dénonciation et nous avons décidé d’ouvrir une procédure pénale contre la société concernée pour présomptions de blanchiment d’argent en relation avec un crime de guerre et de complicité de crime de guerre», nous a précisé une porte-parole du MPC.
Trial base notamment ses accusations sur des enquêtes menées sous l’égide du Conseil de sécurité de l’ONU à l’encontre d’hommes d’affaires africains ayant trempé dans ces trafics d’or et d’armes. «Argor-Heraeus devait savoir que l’or acheté provenait de pillages», assure Trial.
Réagissant à ces accusations, la société Argor-Heraeus les a «rejetées avec fermeté» en expliquant que l’enquête diligentée par l’ONU en 2005 l’avait innocenté. La compagnie tessinoise a encore assuré que cette enquête, à laquelle ont aussi participé le Secrétariat à l’économie (Seco) et le gendarme suisse des sociétés financières (FINMA), avait conclu que «la compagnie n’avait en aucun cas été impliquée dans cette affaire, ni directement ni indirectement».
Argor-Heraeus précise encore avoir coupé en 2005 toute relation commerciale avec la société britannique Hussar Ltd, située en Ouganda. Selon Trial, Hussar a fonctionné comme intermédiaire entre une société ougandaise proche des groupes armés et la société tessinoise. Ces bandes, regroupées au sein du FNI (Front des Nationalistes et Intégrationnistes), étaient parvenues à prendre le contrôle d’une ville aurifère et d’un gisement nommé «Concession 40». Selon Trial, le FNI avait à l’époque été accusé d’avoir commis des pillages, des massacres de civils et de nombreuses autres exactions.
Conseil bien garni
Basée à Mendrisio, Argor-Heraeus a été fondée en 1951, sous le nom d’Argor. La société a ensuite été rachetée par UBS. Les grands patrons de la banque, à l’exemple de Mathias Cabiallavetta ou Peter Wuffli, ont alors siégé au sein de son conseil. UBS a ensuite cédé la raffinerie, en 1999, à un groupe d’investisseurs, dont le géant allemand Commerzbank. Son usine est très cotée dans le petit monde du commerce d’or. Le groupe emploie 280 personnes et compte, au sein de son conseil d’administration, l’ancien conseiller fédéral Adolf Ogi. Argor-Heraeus s’enorgueillit de sa longue histoire et souligne être surveillée, en Suisse, par le bureau de contrôle des métaux précieux, à Berne, qui dépend de l’administration des douanes. Aujourd’hui, sous enquête pénale, la société voit cependant pâlir son image.
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