Culture
Depuis deux ans, deux Congolais animent dans le nord-est de la RDC des ateliers de théâtre destinés à d’anciens enfants soldats, qui se produisent ensuite en spectacle. Avec l’objectif de faciliter leur réinsertion dans la société, notamment en changeant le regard porté sur eux.
Selon l’Unicef, au moins 3 200 enfants sont aujourd’hui enrôlés dans des groupes armés en RDC. Mais la mission de l’ONU dans le pays (Monusco) estime qu’ils seraient au minimum 4 000 rien qu’au Kasaï et dans l’est du pays.
Depuis plusieurs années, des milliers d’entre eux sont cependant parvenus à quitter ces groupes, grâce à des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration impliquant les autorités congolaises, l’ONU et des ONG.
Mais ces programmes ne convainquent pas Joseph Tsongo, un journaliste et blogueur qui vit en territoire de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu (nord-est), où se trouvent plus de 70 groupes armés.
"Les anciens enfants soldats sont souvent rejetés par leur communauté"
La plupart des programmes de réinsertion sont axés sur la dimension économique : on aide les enfants à apprendre un métier, mais l’aspect social n’est pas assez pris en compte à mes yeux.
En effet, les anciens enfants soldats sont souvent rejetés par leur communauté, qui pense qu’ils sont bizarres ou dangereux. Par exemple, leurs parents ont parfois peur qu’ils les tuent. Et le risque est alors qu’ils retournent dans les groupes armés.
De plus, quand des groupes armés recrutent des enfants, ils leur apprennent à tuer, les droguent, ils utilisent les filles comme esclaves sexuelles… Du coup, quand des jeunes parviennent à quitter un groupe, ils sont détruits et peinent souvent à se réintégrer, puisque leur mental a été forgé par la guerre. Par exemple, certains ont occupé des postes de commandement, donc ils ne supportent pas de se retrouver au même niveau que tout le monde ou de se faire gronder par leur mère.
Afin de favoriser la réinsertion des ex-enfants soldats, Joseph Tsongo a lancé son propre programme avec son ami Eliezer Kasereka : le "théâtre forum participatif" dans la zone de Rutshuru, depuis début 2016, avec le soutien de l’ONG APRED-RGL.
"Nous proposons aux jeunes de jouer ce qu’ils ont vécu"
Depuis deux ans, une centaine de jeunes ont participé à ce projet, dont une vingtaine de filles. En moyenne, ils sont âgés de 16 à 20 ans. Certains ont été recrutés de force par les groupes armés, d’autres les ont rejoints car toute leur famille avait été tuée… Certains ont passé une dizaine d’années en brousse. Mais nous avons aussi quelques jeunes qui n’ont jamais combattu.
Nous organisons des ateliers de théâtre au moins une fois par semaine. Lorsque nous avons un nouveau groupe, nous demandons toujours aux jeunes de raconter ce qu’ils ont vécu, pour qu’ils puissent exprimer leurs émotions. Et lors des ateliers suivants, nous leur proposons de jouer ce qu’ils ont raconté précédemment.
Nous organisons également des spectacles, tous les deux mois environ, souvent dans des églises. Ils sont généralement en langue kiswahili et comportent toujours deux parties. Dans la première partie, ce sont les jeunes qui jouent, en reproduisant ce qu’ils ont vécu en brousse.
"Si un jeune est bâillonné sur scène, cela signifie qu’il ne va rien dire et juste obéir si on lui ordonne de tuer"
Par exemple, dans la vidéo ci-dessus, des jeunes surprennent une femme en train de cultiver (0’28). Cela montre ce qu’il se passe quand un viol est commis. On voit aussi un jeune qui touche une croix sur un cercueil (2’10), symbolisant la violence, la mort et la souffrance. Puis il pleure en disant que sa sœur a été tuée à la machette (4’00).
Dans cette autre vidéo, on voit un jeune bâillonné : cela signifie qu’il ne va rien dire et juste obéir si on lui ordonne de tuer par exemple (0’02). Il y a aussi un jeune qui surgit pour tuer une femme portant un bébé, avec une machette (2’48). Généralement, nous stoppons la scène à ce moment-là : les acteurs restent alors figés.
Les spectateurs désarment les acteurs
Puis dans une seconde partie, les spectateurs interviennent. Nous leur demandons s’ils ont vécu ce qui a été joué par les acteurs, pour qu’ils puissent témoigner (3’07). Ensuite, nous leur demandons de changer ce qu’ils veulent chez les acteurs – toujours figés – pour qu’il y ait moins de violence sur scène. Généralement, ils enlèvent alors la machette que l’acteur tient en main, etc.
Les spectateurs sont souvent émus. Ils comprennent que les jeunes n’ont généralement jamais voulu combattre et qu’ils ont été victimes de la guerre, comme eux. Une femme m’a déjà dit : "Je pensais que c’était des barbares, mais j’ai compris qu’ils avaient été manipulés".
Quant aux jeunes, ils disent que le théâtre les aide à changer, à réaliser qu’il existe une vie en dehors de la brousse. Cela les rapproche de leur famille, et ils se sentent davantage aimés et intégrés au sein de leur communauté.
Cela dit, nos ateliers n’ont pas fonctionné avec tous les jeunes. Certains n’ont pas réussi à se réintégrer. Et nous les avons revus plus tard dans les groupes armés.
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