Monde
La Russie est à nouveau pointée du doigt à l’ONU. Le Conseil de sécurité se réunissait, mercredi 14 mars, à la demande des Britanniques qui accusent Moscou d’avoir empoisonné un ancien espion et sa fille dans la ville de Salisbury le 4 mars dernier. L’affaire Skripal, du nom de cet ancien espion, a jeté un froid sur les relations diplomatiques entre Moscou et Londres. Elle prend maintenant un tour international avec la saisine du Conseil de sécurité.
Le premier soutien est arrivé des Etats-Unis, allié indéfectible des Britanniques, rapporte notre correspondante à New York, Marie Bourreau. Quand Nikki Haley prend la parole, c’est la première fois qu’un officiel américain accuse directement la Russie : « Les Etats-Unis pensent que la Russie est responsable de l’attaque sur ces deux personnes sur le territoire du Royaume-Uni, en utilisant un agent neurotoxique de qualité militaire ».
Elle est immédiatement moquée par l’ambassadeur russe Vassily Nebienza qui salue ses qualités de chimiste avant de contre-attaquer : « Il est bien étrange de proférer des accusations contre nous. Que faites-vous du principe pro bono ? A qui profite le crime ? Peut-il réellement profiter à la Russie à la veille de présidentielle et d’une coupe du monde de football ? En revanche, il y a des pays à qui profiterait la culpabilité de la Russie », réplique-t-il.
Solidarités et appels à la prudence
« Soyez à nos côtés », a plaidé pour sa part l’ambassadeur britannique. Un message entendu par ses alliés, dont la France, qui a affirmé sa « totale solidarité » et qui craint une prolifération de ces armes. Paris a annoncé son intention de « coordonner sa réponse » avec Londres
C’est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qu’un agent neurotoxique est utilisé en public sur le sol européen. « Il ne peut y avoir d'impunité pour ceux qui ont recours aux armes chimiques », a avancé la représentante polonaise Joanna Wronecka.
Plusieurs Etats membres ont demandé des « enquêtes impartiales et exhaustives », comme la Chine, le Kazakhstan qui a aussi appelé à la « prudence avant de tirer des conclusions », l'Ethiopie qui veut « une enquête indépendante » ou la Bolivie qui a souhaité qu'elle soit « dépolitisée ».
Analyse de l'incident diplomatique
Professeur de sciences politiques à l'University College of London, Philippe Marlière revient sur les raisons de l’escalade de la tension entre Theresa May et Vladimir Poutine.
« Ce n’est pas la première fois que ça arrive, alors pourquoi une réaction si sévère aujourd’hui et pas les fois précédentes ? se demande le chercheur. Ça pourrait être effectivement la réaction du PM qui est aux abois, domestiquement faible – essentiellement à cause des négociations autour du Brexit - et qui verrait-là l’occasion de redorer son pouvoir et d’asseoir son autorité. » Mais aux yeux de Philippe Marlière, c'est isuffisant pour expiquer ces tensions.
Selon lui, il y a derrière cela des raisons historiques également. « Je pense qu’il y a une vieille histoire, un vieux contentieux, une vieille rivalité. Je pense que la Grande Bretagne est pour l’administration Poutine et pour Poutine lui-même, un problème. Parce que s’y trouvent de nombreux exilés, notamment à Londres, dont certains ont fait fortune dans les années qui ont suivi le démantèlement de l’Union soviétique et qui, par la suite, sont devenus des opposants politiques. Donc il y a effectivement beaucoup de personnes qui vivent en Grande-Bretagne et que Poutine n’aime pas. »
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