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Une enquête détaille comment cette entreprise a manipulé l'opinion américaine par le biais de Facebook. L'affaire a été l'objet d'un documentaire du journaliste Thomas Huchon.
Comment résumer cette affaire Cambridge Analytica ?
Thomas Huchon : Plusieurs chercheurs de l'Université de Cambridge ont mis au point des tests de psychométrie, c'est-à-dire des outils de mesure des aspects de la personnalité à des fins scientifiques. Dans ce cadre précis, ils ont développé des applications pour Facebook devenues populaires : entre 2008 et 2012, les données psychologiques de 6 millions de volontaires ont ainsi été recueillies légalement.
Deux experts vont sortir de ce cadre : Aleksandr Kogan et le lanceur d'alerte, Christopher Wylie, pour créer leur propre application en se faisant toujours passer pour des chercheurs de Cambridge. Sauf que cette fois, ils sont payés par des boîtes de défense et de technologie. Aleksandr Kogan, en particulier, travaillait pour la maison mère de Cambridge Analytica, la firme de marketing Strategic Communication Laboratories (SCL). Elle est notamment connue pour avoir mené des psy ops, des opérations de manipulations psychologiques en temps de guerre.
Facebook, qui a suspendu vendredi leurs comptes, était au courant de l'affaire depuis 2015 : ils avaient même demandé à l'époque la suppression des données récoltées sur 50 millions de comptes amis connectés à leur insu.
Quel éclairage apportent les nouvelles enquêtes du Guardian et du New York Times ?
Le travail d'investigation de mes confrères confirme tout un tas d'éléments sur lesquels je m'étais penché en tournant Unfair Game : Comment Trump a manipulé l'Amérique, après l'élection présidentielle de 2016.
Ces enquêtes prouvent surtout que la récupération des données, notamment au travers de Facebook, s'est faite dans des conditions qui ne sont pas prévues par la loi américaine. Ces informations ont servi à mieux choisir qui était ciblé par les fake news et par la machine de guerre politique qu'est le média Breitbart News, du milliardaire Robert Mercer.
La France planche justement sur un texte de loi traitant des fake news...
En effet, et le gouvernement français ferait bien de tirer une leçon de cette histoire. Le problème n'est pas l'usage des réseaux sociaux mais l'outil marketing qu'il cache: ses clients ont accès à des filtres très précis pour catégoriser les populations. On arrive à cibler aujourd'hui le fait que des utilisateurs ont un comportement plutôt nerveux, sont angoissés sur certaines thématiques ou susceptibles de changer d'avis.
En septembre 2017, Facebook a par exemple identifié 470 comptes associés à de la propagande originaire de Russie qu'ils ont supprimé. L'enjeu est énorme : au moins 126 millions d'Américains ont été exposé à ces tentatives de manipulations de l'opinion, d'après les estimations.
Je pense que la nouvelle règle européenne sur les données personnelles (RGPD) peut changer la donne. En tout cas, elle va contraindre ces entreprises clientes de Facebook à s'adresser à tout le monde, pas seulement à celles et ceux jugés influençables.
Comment le journalisme peut-il lutter contre ces désinformations ?
"C'est dingue, on dirait une théorie du complot", m'ont dit des téléspectateurs à la fin d'une projection la semaine dernière à Genève, au Festival du film et forum international sur les droits humains. C'est justement le métier du journaliste que de révéler ces malversations.
Et depuis les développements de ce week-end, c'est un peu la folie autour de ce sujet. Nous sommes d'ailleurs l'un des six sélectionnés pour un autre festival de documentaires et reportages, le Figra, mercredi.
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