Cancer de la prostate : l'urologue Dieudonné Moningo conseille un dépistage précoce

Par ailleurs, ce Professeur de l’Unikin invite les hommes à éviter l’excès d’alcool et la consommation de viande rouge, de charcuterie. 

Le cancer de la prostate figure parmi les maladies qui causent plusieurs décès en RD Congo. Faute de statistiques disponibles, des estimations renseignent qu’un homme sur trois, âgé de 50 ans est exposé à cette maladie. Mais, quelles sont les causes de l’infection ? Est-il possible de guérir un cancer de la prostate ? Y a-t-il un lien direct entre la sexualité et le cancer de la prostate ? Pour répondre à toutes ces questions, « Forum des As » a approché le Pr. Dieudonné Moningo, médecin urologue et Professeur à la Faculté de Médecine de l’Université de Kinshasa (UNIKIN). Interview.

Forum des As : Dr Moningo, on parle de plus en plus de nos jours, de la prostate ou plus exactement du cancer de la prostate. De quoi s’agit-il ? 

Dr. Dieudonné Moningo : D’emblée, je dois préciser que la prostate n’est pas une maladie. C’est plutôt un organe masculin appelé « glace sexuelle masculine », localisé entre les voies urinaires et les voies génitales chez les hommes. C’est-à-dire, c’est par là que passent aussi bien les urines que le spermatozoïde. Et la prostate se situe au niveau de ce carrefour. Cependant, cet organe est susceptible de tomber malade.

Justement, quelles sont les différentes maladies auxquelles s’expose la prostate ?

Il existe plusieurs affections qui peuvent toucher la prostate. Mais, la principale maladie est le cancer de la prostate. A cela s’ajoutent la tumeur bénigne de la prostate, l’hyperplasie bénigne de la prostate. Il y a aussi des infections de la prostate que nous appelons les prostatites. Voilà en gros, les principales maladies de la prostate.

Une femme peut-elle également souffrir de la prostate ? 

(Sourire), les femmes n’ont pas de prostate. 

Quel est l’agent causal du cancer de la prostate ? 

Il faut savoir que le cancer ou l’hypertrophie bénigne de la prostate sont des maladies liées au vieillissement masculin. Plus l’homme s’approche de l’âge de 50 ans, plus il s’expose au risque du cancer de la prostate, soit aussi avoir une hypertrophie ou tumeur bénigne de la prostate. Donc, c’est d’abord lié à l’âge. Il y a aussi ce qu’on appelle les statiques hormonales. Nous avons les hormones masculines comme les androgènes qui jouent un rôle permissif. Soit de l’hypertrophie bénigne de la prostate soit du cancer de la prostate. Ce qui fait que, quand un homme est castré dès le bas âge, ne puisse pas attraper le cancer de la prostate. Il en est de même pour des personnes qui naissent sans testicules, appelés énuques. Ils ne peuvent pas souffrir du cancer de la prostate ni connaître de l’hypertrophie, parce que la sécrétion de l’hormone masculine par les testicules n’aura plus lieu. Il y a certes une partie secrétée au niveau de la glande urinaire… mais cette partie ne peut pas avoir un impact à ce niveau-là pour causer des maladies tumorales prostatiques. 

En ce qui concerne le cancer de la prostate, il y a aussi un autre facteur lié à la race. Les Noirs sont beaucoup plus exposés au cancer de la prostate que les Blancs ou les Asiatiques. Pourquoi ? Parce qu’on pense que nous les Noirs avons beaucoup d’hormones masculines que les autres races. Il y a aussi les habitudes alimentaires. Souvent, nous les Noirs, lorsque nous migrons, nous adoptons un nouveau régime alimentaire de type occidental. J’ai fait une Thèse sur les cancers de la prostate et j’ai constaté que les Noirs antillais font beaucoup le cancer de la prostate que les Noirs restés ici. Et même les Noirs américains font beaucoup le cancer de la prostate par rapport à nous qui sommes restés ici, parce qu’ils ont changé leur style de vie. L’alimentation de type occidental comme la charcuterie, la viande rouge augmente les risques de développer un cancer de la prostate. Il y a aussi le soubassement génétique. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, il existe des familles à cancer. Si parmi les parents ou grands-parents, l’un a fait le cancer de la prostate, dans la lignée familiale il est possible d’avoir des enfants qui peuvent faire le cancer de la prostate. Il y a aussi plusieurs gènes qui sont impliquées dans la genèse du cancer de la prostate. Il y a aussi beaucoup d’autres facteurs. En l’occurrence certaines substances qu’on appelle sémo-biométique qui sont des substances étrangères qui entrent dans l’organisme et qui sont capables d’entrainer des modifications génétiques au niveau de la prostate et qui peuvent entrainer la genèse du cancer. Donc, en gros, il y a plusieurs facteurs. Raisons pour laquelle maitriser cette maladie, c’est vraiment un problème sérieux. Mais en ce qui concerne les tumeurs bénignes, c’est guérissable parce que ce n’est pas un cancer. Toutefois, pour le cancer proprement dit, c’est un casse-tête. C’est pourquoi nous avons créé ici chez nous, une ASBL appelée Prostate Cancer Vigilance. Afrique centrale...pour pousser les hommes à venir se faire dépister du cancer de la prostate au stade précoce, parce que nous avons constaté chez nous que plus ou moins 70% ou 75% des gens viennent déjà avec une maladie au stade avancé.

Quelles sont les différentes manifestations cliniques ou symptômes du cancer de la prostate ? 

Il n’y a pas de signe au début de la maladie. C’est lorsque la maladie a évolué qu’on a des problèmes pour pisser. On se lève la nuit pour pisser régulièrement et en petite quantité, jusqu’à ce qu’intervienne un blocage total des urines. Voilà en gros, ce que je peux vous dire à ce stade.

Que conseillez-vous aux hommes pour éviter le cancer de la prostate ?

Généralement, nous prodiguons des conseils simples qui permettent de réduire le cancer de la prostate. Notamment l’alimentation, éviter beaucoup de viande rouge, beaucoup de lait, de charcuterie, l’excès d’alcool… qui sont, entre autres, des facteurs de croissance de risque du cancer de la prostate. On devra donc privilégier des aliments riches en lycopène telle la tomate, les alliacés comme l’ail, l’oignon, la ciboulette, le poireau, l’échalote, les produits du soja, les sources de la vitamine E (fruits sec, huile végétale, les aliments riches en sélénium (thon, sardine, blé complet, riz, brocolis, champignons), les fruits et les légumes bio, les poissons, le thé vert, le poivre noir, le jus de grenade…

Une étude scientifique conseille aux hommes vingt et une éjaculations mensuelles pour se mettre à l’abri du cancer de la prostate. Partagez-vous cet avis ? 

Effectivement, il y a aujourd’hui le problème de la sexualité. Là aussi, c’est une ambiguïté parce que les hommes qui entretiennent des rapports sexuels non protégés avec plusieurs partenaires, peuvent également courir le risque d’attraper le cancer de la prostate. Parce que certains microbes peuvent entrainer des modifications que nous appelons épi-génétiques au niveau de la prostate et provoquer la maladie. Les gens qui éjaculent fréquemment diminuent le risque de cancer de la prostate. C’est un paradoxe. Mais, le problème majeur, c’est le dépistage précoce. Lorsqu’on a atteint l’âge de 50 ans, il est souhaitable de se soumettre à l’examen une fois l’an pour vérifier si l’on a ou pas, les indices du cancer de la prostate. C’est très important. Et comme je l’ai dit tantôt, si dans la famille, les parents ou les grands parents ont souffert du cancer de la prostate, dans ce cas, il faut déjà se faire dépister à partir de 40 à 45 ans.