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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 08 avril 2024
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Diaspora

Ouganda: la nouvelle vie des rescapés de l'Ituri

2018-06-13
13.06.2018 , Ituri
Provinces
2018-06-13
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Des rescapés des massacres de villages d’Ituri sont pris en charge par des agents de MSF, le 10 Mars 2018. (© MSF)

Fuyant l’insécurité en Ituri, des dizaines de milliers de Congolais traversent depuis le début de l’année le lac Albert pour gagner l’Ouganda. Le pays pratique une politique de portes ouvertes pour accueillir les réfugiés du Soudan du Sud et de la République démocratique du Congo (RDC).

Sebagoro est au bout de la route. Ceux qui viennent de Kampala, la capitale ougandaise, ont traversé un majestueux paysage de savane verdie par les pluies de mai, peuplé d’antilopes et de vaches à longues cornes. Ceux qui fuient la province congolaise de l’Ituri, de l’autre côté du lac Albert, ont rejoint le petit port ougandais, après trois heures de barque à moteur.

Sur la grève, les pêcheurs cousent leurs filets fabriqués à partir de moustiquaires. Une embarcation qui a amené des Congolais – moyennant 10 dollars par personne ou quelques vêtements – se nomme « Petit à petit, l’oiseau fait son nid. » Comme un encouragement pour les dizaines de milliers de réfugiés qui ont fui depuis le début de l’année le conflit en Ituri. Celui-ci oppose, autour des villes de Bunia et de Tchomia, les éleveurs hemas et les cultivateurs lendus. « Plus de 80 000 personnes sont arrivées depuis le début de l’année. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) a doublé ses prévisions et attend 150 000 Congolais pour cette année. Nous redoutons d’en voir arriver beaucoup plus, avec l’approche des élections en République démocratique du Congo (RDC), prévues pour la fin de l’année » résume Delphine Pinault, directrice de l’ONG Care à Kampala.

À Sebagoro, l’ancien marché aux poissons a été transformé en centre de réception des réfugiés. On peut voir les hautes collines vertes de l’Ituri, de l’autre côté du lac. Beiza ne compte pas y retourner de sitôt. Ce « fils aîné » de 21 ans, au turban blanc, a confié à l’imam de Bunia sa sœur de 12 ans et son frère de 7 ans. Il en avait la charge depuis la mort de ses parents. Il raconte : « Je faisais le moto-taxi à Bunia et j’avais pris deux clientes. Nous sommes tombés dans une embuscade. Pendant qu’ils violaient les femmes, j’ai pu détacher mes liens et m’enfuir. » Il poursuit, en montrant ses plaies : « J’ai arrêté une voiture qui m’a emmené à l’hôpital. Mais j’avais laissé là-bas la moto et mon employeur m’a réclamé de le rembourser. Je n’avais plus que la solution de partir. J’ai vendu mes téléphones pour payer le bateau. Je reviendrai chercher mon frère et ma sœur quand j’aurai gagné de quoi rembourser mon employeur. »

En attendant, Beiza monte dans le car du HCR qui va l’emmener jusqu’au centre de réception du camp de Kyangwali, géré par l’Office du premier ministre (OPM), avec le soutien de quelques ONG dont Care. Ce camp a vu passer des Palestiniens, des Soudanais du Sud, des Kényans, des Somaliens et, depuis 1997, des Congolais. « L’Ouganda a une politique de portes ouvertes aux réfugiés. Ici, nous donnons aux nouveaux arrivés une parcelle à cultiver de 50 m sur 100 m, une bâche et des piquets pour construire un premier logement. Nous avons assez de terres pour eux et ces terres appartiennent au gouvernement », explique Julian Kamuza, responsable de l’OPM.

Kyangwali est un paysage vallonné de champs de maïs, ponctués de bâches siglées HCR. Simon habite ici depuis une dizaine d’années. « J’ai commencé par un toit de bâche, puis de paille et maintenant de tôle », dit ce réfugié qui est agent de santé dans le camp. « Mais je dois maintenant partager mon champ, car il y a trop de réfugiés. C’est un problème, car le maïs me faisait un revenu annexe même si les Ougandais ne nous l’achètent pas cher. »

Pas loin de Simon, une mère et ses cinq enfants, tous yeux grands ouverts, sont assis muets devant la caméra d’un ordinateu r qui les prend en photo pour les enregistrer. On leur délivrera la carte qui leur permettra d’obtenir leurs rations alimentaires. Les 800 nouveaux réfugiés qui attendent une bâche et un emplacement dorment à même le sol dans de grands hangars depuis deux semaines. « Le plus difficile, c’est la nourriture. On souffre de manger tous les jours leurs quelques haricots et leur farine de maïs », explique Thomas, professeur de français, assis à côté de sa femme qui a accouché au cours de leur fuite. Ils ont dû laisser à une parente trois autres de leurs enfants.

Ces Congolais d’Ituri ont quitté une violence aveugle. « Quand ils descendent de la montagne, les Lendus pillent et tuent, même les soldats », affirme Marius. Ce jeune réfugié a dû abandonner en février ses études de sciences politiques à l’université de Tchomia. Ici, dans le camp, il est volontaire pour Care dans les actions de sensibilisation contre les mariages précoces. Il peut aussi être employé par un pêcheur ougandais. Celui-ci l’emmènera sur son bateau et lui prendra ses papiers, pour être certain qu’il ne partira pas du jour au lendemain. Marius peut aussi travailler avec un ami, venu avec sa moto depuis le Congo. « Je fais alors moto-taxi, mais nous nous faisons repérer par la police ougandaise car nous n’avons pas de plaque d’immatriculation. »

Ici, en Ouganda, les Congolais ne regardent plus derrière eux. Gaston et Samuel se sont connus, en mars dernier, dans le bateau qui leur a fait traverser le lac Albert. Le premier tenait un salon de coiffure à Bunia, le second avait « un business qui marchait bien ». Au camp, ils ont d’abord creusé des latrines pour l’installation de Médecins sans frontières (MSF). Avec leur salaire, ils ont acheté un panneau solaire et deux dizaines de Fanta à la fraise. Sous la bâche, où dort Gaston, ils proposent boissons, recharges de téléphone portable et coupe de cheveux avec la tondeuse que Gaston a réussi à sauver du désastre.

L’Ouganda offre une nouvelle vie à un million quatre cents milles réfugiés, selon les autorités locales. Les trois quarts sont arrivés dans les deux dernières années. Plus d’un million viennent du Soudan du Sud en guerre et sont installés dans le nord du pays. « L’Ouganda fait preuve d’une vraie générosité qui n’est pas calculée », assure le représentant du HCR, Joël Boutroue. « Le pays est fertile, ce qui permet aux réfugiés de cultiver. La pression de l’arrivée de ces Soudanais du Sud et de ces Congolais sur les infrastructures de santé, d’éducation est énorme. Le défi majeur reste l’éducation. »

Cette générosité ougandaise est parfois mise en doute par certains bailleurs de fonds. Ils soupçonnent le gouvernement d’avoir gonflé le chiffre des réfugiés pour recevoir plus d’aide de la part des organismes onusiens. Des articles ont paru dans la presse locale. Le gouvernement ougandais a limogé certains responsables. Le HCR s’est engagé dans une vérification du nombre des réfugiés « inédite à une telle échelle », reconnaît Joël Boutroue. Elle mobilise 400 personnes envoyées sur le terrain pour recenser les réfugiés. Il en coûtera au total 30 millions d’euros pour ce comptage, qui prendra six mois.

« Il est vrai que, dans certaines zones, les recomptages font remonter une différence de 20 %. Il y a aussi de la tricherie chez certains réfugiés qui arrivent à obtenir deux cartes pour mieux s’alimenter. Mais on peut les comprendre, car il est difficile de survivre avec les rations distribuées », estime Joël Boutroue. Il s’emploie à trouver des fonds auprès des donateurs pour les réfugiés sud-soudanais et d’Ituri, mais ils ne mobilisent pas grand monde. « Nous avons chiffré les besoins du HCR en Ouganda pour cette année à 400 millions d’euros.Nous n’avons reçu qu’un peu moins de quarante millions d’euros ! Heureusement, le siège du HCR à Genève a mis à notre disposition 130 millions d’euros »,poursuit-il.

Une partie infime de cette aide viendra sans doute aider la classe de Bennard, à Kyangwali. Ce lumineux Soudanais du Sud est arrivé en Ouganda en 1994, à 5 ans. Son rêve est d’aller au Canada. En attendant, il enseigne à une classe de 199 élèves, pratiquement tous réfugiés congolais. Chaque année, les cinq meilleurs d’entre eux pourront recevoir une bourse pour continuer leur scolarité dans le secondaire. Bennard explique sa vie : « Je suis payé régulièrement. Les livres nous sont fournis. Je peux comprendre certains des traumatismes de mes élèves, car moi aussi je suis réfugié et j’ai perdu beaucoup de ma famille. »

Pierre Cochez
La Croix / MCN, mediacongo.net
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