Politique
Jusqu’à la dernière minute, Joseph Kabila aura maintenu tout Kinshasa en haleine sur son avenir politique. Même les proches du chef de l’Etat et les membres de sa plateforme politique n’ont pas été tenus informés du choix du président congolais. Deux petites heures avant la clôture des candidatures à la présidentielle, Joseph Kabila a annoncé qu’il renonçait à se présenter aux élections et a désigné le candidat qui porterait les couleurs de la majorité présidentielle aux élections.
Rassurer la communauté internationale
C’est le numéro deux du parti présidentiel (PPRD) qui aura la lourde tâche d’être le candidat du Front commun pour le Congo (FCC), la plateforme électorale créée par Joseph Kabila. Emmanuel Ramazani Shadary sera donc le « dauphin » tant attendu du camp présidentiel. A 57 ans, ce haut cadre du PPRD n’est pas un poids lourd du parti, comme Aubin Minaku, lui aussi pressenti, ou comme l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, lui aussi sur la short-list du président congolais.
En faisant le choix de ne pas passer en force et de ne pas briguer de nouveau mandat, ce que lui interdisait la Constitution, Joseph Kabila joue tout d’abord l’apaisement avec la communauté internationale qui demandait une alternance pacifique à la tête de la République démocratique du Congo (RDC). Joseph Kabila aura donc tenu parole et « respecté la Constitution ». Mais le choix de Ramazani Shadary est étonnant. Quitte à caresser la communauté internationale dans le sens du poil, le chef de l’Etat aurait pu porter son choix vers Augustin Matata Ponyo, un technocrate bon genre, très introduit dans les institutions économiques internationales et « sécurisant » pour les investisseurs étrangers.
Un sécurocrate très exposé
Joseph Kabila a plutôt fait le choix d’un cacique du parti, tournant le dos aux ralliés de la dernière heure du FCC, préférant un sécurocrate à un « politique ». Car le candidat du camp présidentiel n’a pas laissé que des bons souvenirs aux opposants congolais. Ministre inflexible de l’Intérieur de décembre 2016 à février 2018, il a coordonné la répression sanglante lors des manifestations anti Kabila, qui ont fait plus d’une centaine de morts. Un poste très exposé, qui lui a valu des sanctions de l’Union européenne pour « violation des droits de l’homme et entraves au processus électoral ». C’est donc un faucon du régime qu’a propulsé sur le devant la scène Joseph Kabila.
Des élections…pour les gagner
Si un « dauphin » est maintenant sur les rangs des candidats à la prochaines présidentielle, pas sûre que celle-ci se tiennent dans les délais. Joseph Kabila restant président jusqu’à l’élection de son successeur, certains observateurs à Kinshasa redoutent un nouveau glissement du calendrier, alors que l’organisation du scrutin reste encore très incertaine. Mais si élections ont bien lieu fin 2018, il y a de forte chance que Joseph Kabila souhaite avant tout les gagner. Et pour cela, le président congolais a tout prévu. Avec une Commission électorale (CENI) à sa main et une Cour constitutionnelle dont il a récemment changé plusieurs membres, la majorité présidentielle peut donc décider à sa guise du choix des candidats et statuer sur de possibles litiges pré ou post-électoraux. En mettant hors-jeu l’opposant Moïse Katumbi, en l’empêchant de déposer sa candidature, tout en facilitant celle de Jean-Pierre Bemba, un opposant plus clivant pouvant diviser un peu plus l’opposition, le candidat du FCC maximise ses chances de virer en tête dans une présidentielle à un seul tour.
Des élections qui manquent de transparence
Enfin, si besoin, Emmanuel Emmanuel Ramazani Shadary peut compter sur un possible « tripatouillage » du scrutin, comme ce fût le cas en 2011 pour la réélection très contestée de Joseph Kabila. Il y a 7 ans, l’Union européenne et les Nations unies avaient dénoncé des résultats « non crédibles et entachées de fraudes massives ». Cette fois-ci, le pouvoir peut compter sur « les machines à voter » dont la fiabilité (jamais testée) inquiète les experts internationaux et surtout sur un fichier électoral des plus douteux. L’actuel fichier contiendrait près de 10 millions « d’enrôlés fictifs, représentants près d’un quart des électeurs ». Et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a détecté 16 % d’électeurs sans empreintes digitales.
Grand ménage dans l’armée
Après avoir verrouillé le scrutin, Joseph Kabila a également remis de l’ordre dans ses forces de sécurité. Deux vagues de nominations au mois de juillet ont réorganisé intégralement le commandement des FARDC (armée régulière congolaise), remettant en selle deux généraux très controversés et accusés de nombreuses violations des droits de l’homme. Au cas où le scrutin tournerait mal, le président Kabila a voulu s’assurer de pouvoir compter sur ses soldats les plus fidèles.
Kabila part, mais le système reste
Sur le plan économique, Joseph Kabila garde la main sur les principales entreprises congolaises. La Gécamines, le géant minier, est dirigée par un proche, Albert Yuma, un moment pressenti pour succéder à l’actuel chef de l’Etat. L’ONG Global Witness, qui a épluché les comptes du géant des mines, affirme que le Trésor national congolais a perdu plus de 750 millions de dollars en revenus miniers entre 2013 et 2015. Des millions évaporés, dont une partie au moins « a été répartie entre plusieurs réseaux de corruption liés au régime du président Joseph Kabila » estime Global Witness. Selon le Groupe d’Étude sur le Congo (GEC), Joseph Kabila et ses proches sont propriétaires, partiellement ou en totalité, de plus de 80 sociétés. L’immense fortune du président congolais et de ses proches, jumelé à un important réseau d’affaires international pourrait expliquer les raisons pour lesquelles Joseph Kabila a refusé de quitter le pouvoir, alors que son dernier mandat s’est achevé le 19 décembre 2016.
En ne se représentant pas, Joseph Kabila donne quelques gages à la communauté internationale et entend ainsi faire baisser la pression diplomatique qui pèse sur Kinshasa, notamment au niveau de ses voisins les plus proches. Mais Joseph Kabila entend bien rester aux manettes. L’actuel chef de l’Etat garde la haute main sur la justice, l’appareil sécuritaire et l’économie. Et la récente loi sur le statut des anciens chefs d’Etat, dont il est le seul à bénéficier, devrait le faire rentrer au Sénat et lui permettre également de garder un oeil sur la politique congolaise. Une position qui pourrait ainsi le faire patienter cinq petites années avant de retenter sa chance pour la présidentielle de 2023.
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