Politique
En faisant visionner, le 24 avril 2017, la vidéo de 6mn 17s par un groupe de journalistes convoqués à la radiotélévision congolaise, les autorités de la RDC ont-elles voulu tout de suite brouiller les pistes et orienter les recherches ?
Il fallait avoir le cœur bien accroché pour suivre jusqu’au bout cette séquence horrible tournée à l’ombre d’un bosquet sur la plaine frissonnante de Bounkodé.
On y voyait en effet les corps de Michael Sharp, un Américain de 34 ans, de Zaida Catalan, une Suèdo-Chilienne, ainsi que de leurs trois chauffeurs et interprètes congolais.
Quelque temps auparavant, les deux experts onusiens, qui enquêtaient sur les violences dans les provinces du Kasaï, ont été assassinés le 12 mars 2017 et probablement mutilés.
Par qui ? Telle est la violente question.
Mais la séance vidéo de Kinshasa n’avait sans doute d’autre but que de permettre aux autorités centrales de s’en laver les mains pour mieux pointer un doigt accusateur sur les miliciens Kamuina Nsapu qui sévissaient dans la région.
Quelque dix-huit mois après la diffusion de ces images insoutenables qui ont très vite fait le tour de la Toile, une enquête conjointe de plusieurs médias occidentaux semble confirmer ce que beaucoup de personnes subodoraient depuis longtemps, à savoir l’implication plus ou moins directe du pouvoir par le biais des Forces armées de la RDC (FARDC) ou de ses supplétifs dans cet innommable forfait.
RFI, Le Monde, Foreign Policy, Süddeutsche Zeitung et la télévision suédoise ont en effet exploité ensemble un filon médiatique constitué de milliers de pages de documents confidentiels de l’ONU sur cette ténébreuse affaire.
Des fuites documentaires sans précédent qui rappellent d’autres du même genre comme les fameux « Panama Papers » (1). C’est de plus en plus une nouvelle forme de coopération médiatique.
Ce qui va passer à la postérité sous le nom de « Congo Files » évoque, documents à l’appui, les pistes et les options des différents enquêteurs sur ce crime et les multiples obstacles qui n’ont pas manqué de se dresser sur leur chemin entre mars 2017 et septembre 2018.
Un véritable travail de bénédictin et bien circonstancié qui repose, une fois de plus, la question de l’implication du gouvernement congolais.
Cette gigantesque investigation journalistique lève encore un peu plus le voile qui entoure cette histoire.
Mais pour précieux et crédibles que soient les sources de ce dossier, le timing de sa publication interroge, alors que la campagne électorale pour les élections générales du 23 décembre prochain bat son plein. Et ce gros pavé médiatique dans le fleuve Congo déjà très trouble pourrait éclabousser, à n’en pas douter, un régime qui, il est vrai, n’a jamais été un exemple de démocratie et de respect des droits de l’homme.
Reste à savoir si ces nouveaux rebondissements auront un quelconque impact sur les joutes électorales.
Rien n’est moins sûr, car, quand bien même Joseph Kabila et son candidat, Emmanuel Ramazani Shadary, pourraient être gênés aux entournures par ce nouveau tournant dans cette affaire, il y a peu de chances que le malheureux sort de deux experts onusiens intéresse l’électeur lambda et puisse conditionner son vote.
C’est donc tout au plus l’image, déjà écornée, du pouvoir qui en sortira davantage salie aux yeux de la communauté internationale.
C’est donc dire que le « Congo Files » aura l’effet d’une tempête dans un verre d’eau électoral. Et il faudra bien plus que ça pour que le sol se dérobe sous les pieds du FCC, la coalition qui soutient le candidat du pouvoir.
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