Economie
La RDC a confié le contrôle des flux téléphoniques à AGI, une entreprise non référencée et sans expertise vénérée. Ce contrat laisse 85% des recettes collectées à ce prestataire privé et des miettes au Trésor public. Pire, dès son entrée en vigueur, il va occasionner la hausse des prix des appels, SMS et internet de l’ordre de 60%. RDC-AGI est visiblement un contrat qui va éclabousser le gouvernement.
La primature s’apprête à publier un décret sur la mise en place d’un « nouveau système de contrôle des flux téléphoniques des réseaux des opérateurs des télécommunications en RDC ». Ce projet de décret est déjà signé par le Premier ministre, Bruno Tshibala, et par le ministre des Postes, télécommunications et Nouvelles technologies de l’information et de la communication, Emery Okundji, selon des informations en notre possession. La signature qui manque est celle du ministre des Finance, Henri Yav Mulang, tout simplement parce qu’il est en deuil. C’est ce qui a retardé l’entrée en vigueur de ce décret, pourtant prévue au 1er décembre 2018. Le problème ? Ce décret vient concrétiser ce projet de contrôle des flux téléphoniques que la RDC a confié à un prestataire privé sans expertise avérée à travers un contrat visiblement léonin.
RETOUR SUR UN CONTRAT SCANDALEUX
Le 15 janvier 2018, la RDC, à travers le ministre des PT-NTIC, Emery Okundji, et la société African General Investment Limited (AGI), représentée par sa Gérante, Mme Poonam Keenoo Seegoolam, ont signé un contrat de partenariat portant sur la mise en place d’un nouveau système de contrôle des flux téléphoniques des réseaux des opérateurs des télécommunications. A travers ce contrat, Kinshasa a confié l’exclusivité, pendant 10 ans, à AGI de « Contrôler de manière durable et permanente : le volume d’appels locaux, le volume des SMS émis et reçus, le volume des data déclaré par les opérateurs Télécoms pour mieux répondre aux exigences de la RDC ». L’annexe 1 de ce contrat fixe les tarifications des appels locaux à 0,0115 Usd (1,5 Cents) par minutes, de SMS à 0,01 USD (1 Cent) par SMS émis ou reçus, du volume data à 5% sur les revenus bruts générés par le service des données.
C’est pour matérialiser ce deal que le Premier ministre doit publier un décret devant définir les nouvelles taxes que les opérateurs des télécoms devront payer dès la mise en place de ce nouveau système de contrôle des flux téléphoniques par AGI. En effet, ce projet de décret prévoit la création de deux nouvelles taxes dans les télécommunications, l’une portant sur la gestion des réseaux des services des données et l’autre sur les flux téléphoniques (trafic voix, trafic SMS, trafic data).
Ces taxes n’existent pas dans la nomenclature des taxes officielles de l’Autorité de régulation des postes et télécoms (ARPTC). Le contrat entre la RDC et AGI s’est conclu en marge des lois de la République. L’ARPTC n’a jamais lancé un appel d’offre publique pour soumettre le contrôle des flux téléphoniques à tous les prestataires intéressés. Il s’est fait de gré à gré, foulant au pied les procédures sur la passation des marchés entre la RDC et les organismes privés.
UN CONTRAT LÉONIN
La Société AGI n’est pas référencée à l’international parmi les prestataires de contrôles des flux téléphoniques. Son expertise n’est pas établie non plus. Tout porte à croire que AGI est une société écran créée pour le besoin de la cause. C’est à une telle entreprise que Kinshasa a confié la gestion et la conservation des flux téléphoniques qui sont des données sensibles.
Selon les projections faites par les experts, avec ces nouvelles taxes, le contrôle des flux téléphoniques vont générer mensuellement 27 millions USD. Selon la clé de répartition définie dans le projet de décret du Premier ministre, 85% (22,9 millions USD) seront payés au seul prestataire privé AGI, 10% (2,7 millions USD) à l’ARPTC, 5% (1,35 million USD) à la « Commission mixte » non autrement identifiée.
AGI va investir, pour la mise en œuvre de son système de contrôle des flux téléphoniques, à peine 1 million USD et aura des charges opérationnelles mensuelles de l’ordre de 200 000 USD. Cependant, cette société va engranger, à la faveur de ce contrat, près de 2,7 milliards USD, en seulement dix ans qui est la durée du contrat. Cette bagatelle somme va aller probablement loger dans les paradis fiscaux sans que la RDC n’en bénéficie aucunement. Alors que les quatre sociétés de téléphonie cellulaire ont investi, en 15 ans, 4 milliards USD en RDC.
Quand aux 5% de recettes confiés à une « commission » non autrement identifiée, c’est tout simplement de l’argent que va se partager un groupe d’experts recrutés à la primature, au ministère de PT-NTIC et à l’ARPTC. Comment et en fonction de quoi un groupe d’une dizaine d’individus peut se partager chaque mois 1,35 millions USD chaque mois ? Ce deal ressemble totalement à un contrat léonin où les intérêts de la RDC sont bafoués au profit de ceux des individus.
HAUSSE DE PRIX DES APPELS ET INTERNET DE 60% !
La mise en vigueur de ce décret du Premier ministre va provoquer directement la hausse des prix des appels, de SMS et de la connexion internet en RDC de l’ordre de 60%, selon les experts. Concrètement, une carte de crédit de 10 USD va passer à 16 USD avec la nouvelle taxe.
Chez les opérateurs de téléphonie cellulaire, ces nouvelles taxes vont augmenter la pression fiscale sur le secteur des télécommunications par un accroissement des charges à hauteur de 27% au minimum, selon les calculs projetés. Tout aussi, il faut s’attendre à une baisse de consommation dans la clientèle. Ce qui va occasionner ipso facto une baisse des revenus dans le Trésor public. In fine, L’État Congolais va perdre de l’argent. Le pouvoir d’achat des Congolais va s’amenuiser suite à la hausse des prix des appels et internet. La conséquence logique sera la réduction des investissements dans le développement des télécommunications en RDC et donc va diminuer l’accès aux services à un plus grand nombre d’utilisateurs.
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