Afrique
L'an dernier, le quotidien français Le Monde affirmait que la Chine avait espionné le siège de l'Union africaine, à Addis-Abeba. Malgré ces soupçons d'espionnage, l'UA a prolongé de trois ans son contrat avec le géant chinois des télécoms. Comment l'expliquez-vous ?
Julie Owono : Huawei ferme complètement les yeux sur ces soupçons d'espionnage. Les entreprises chinoises suivent totalement la ligne gouvernementale de leur pays, qui est de dire "on ne s'immisce pas dans les affaires internes, ce sont juste des outils, ce que vous en faites on ne s'en mêle pas".
Les Américains espèrent que ces accusations d'espionnage changeront la donne et que cela découragera la signature de contrats sur la construction du réseau 5G en Afrique par exemple.
Cela va certainement jouer dans un premier temps, effrayer des Etats qui ont envie de garder de bonnes relations avec les Américains, mais peut être que sur le moyen et long terme il faut relativiser car le besoin est trop important. Les coûts proposés par Huawei sont relativement peu élevés par rapport à ceux que proposent les entreprises européennes ou américaines.
Il faut aussi arrêter d'être naïf sur l'état de développement des relations avec l'Union africaine. Elles vont être difficiles à défaire. Les Etats-Unis vont peut-être faire monter la pression sur ses partenaires africains. Mais pour l'instant, les besoins sont extrêmement importants et Huawei a répondu à un certain nombre d'entre eux. Cela me paraît donc difficile, par guerre commerciale interposée, de revenir sur des relations établies depuis longtemps.
Huawei reste dans le viseur de plusieurs gouvernements occidentaux dont les Etats-Unis. Ils soupçonnent le groupe et le gouvernement d'espionnage à travers le matériel déployé dans ces pays pour la 5G.
En attendant, Pékin avance en annonçant jeudi 6 juin avoir attribué ses premières licences 5G commerciales en Chine.
Le déploiement de la 5G, qui permettra de transmettre beaucoup plus rapidement de très grandes quantités de données, est présenté comme le prochain grand défi en matière de télécoms dans le monde.
Comment peut évoluer cette guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis sur le continent africain ?
Aujourd'hui, il y a vraiment une guerre d'influence entre les puissances chinoises et américaines, une sorte de guerre froide. Mais il ne faut pas oublier les Russes, qui sont aussi sur le terrain africain et notamment sur le terrain numérique. Je pense que la concurrence va s'intensifier, car je ne vois pas les Etats africains couper le cordon ombilical avec la Chine, ni avec la Russie et les Etats-Unis.
Ce qui me paraît se dessiner, c'est une surenchère dans l'offre et dans la concurrence qui se joue entre ces deux puissances. Par exemple les Etats-Unis ont répondu aux milliards de dollars qui ont été mis par la Chine pour le développement d'infrastructures en Afrique. Ils ont créé un fonds de 60 milliards de dollars pour soutenir des projets de partenariats sur le continent.
Je crains qu'après cette surenchère, on verse dans la guerre commerciale. Ce sera un jeu de puissances. Les Américains, eux, ont un avantage que n'ont pas les Chinois : la coopération militaire.
Des pays comme le Kenya ou le Cameroun ont besoin que les Etats-Unis collaborent dans leur lutte contre le terrorisme, contre Boko Haram par exemple. Cet élément va bien sûr entrer en ligne de compte à un moment donné.
La coopération chinoise a apporté tellement en termes d'infrastructures sur le continent africain que cela va être difficile de dire du jour au lendemain "on arrête toute forme de coopération", sauf bien sûr s'il y avait un embargo comme sur l'Iran. Il y a trop d'enjeux, trop à perdre pour tout le monde.
Quels peuvent être les dangers de cette mainmise chinoise sur le continent ?
Il y a énormément de risques. Les Etats africains doivent urgemment prendre conscience avant qu'il ne soit trop tard. Je pense que le risque premier est que cela ne renforcera pas la démocratie mais renforcera au contraire les mesures répressives sur le numérique. Jusqu'à présent le numérique était un espace de liberté.
Quelles peuvent être les avantages, les contreparties pour les pays africains ?
La première contrepartie c'est qu'enfin, les Africains sont connectés à des prix compétitifs. Par exemple des smartphones d'entrée de gammme coûte entre 40 et 50 euros, ce qui fait une grande différence par rapport à des téléphones entre 600 à 800 euros. Il y a aussi clairement un bénéfice direct pour les Africains sur internet et sur les infrastructures. Le point important aussi, c'est le partage des compétences en ingénierie et en télécommunication.
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