Gouvernement Ilunga : 8 mois de gestation !

Il se sera passé 8 mois jour pour jour, samedi 24 août 2019, depuis que le président de la République élu le 30 décembre dernier prêtait serment au Palais de la Nation à Kinshasa. Même s’il n’a nullement croisé les bras, sillonnant l’Afrique et le monde et prenant à bras le corps les problèmes du pays qui ne pouvaient attendre outre mesure, Félix-Antoine Tshisekedi a fonctionné sans un nouvel exécutif appelé à mettre en œuvre un programme qui épouse sa vision des affaires de l’Etat. 8 mois, c’est quasiment le temps de la gestation prénatale d’un fœtus humain qui est de 9 mois. Ce ne fut pas peu. Mais à tout bien considérer, il fallait en passer par là. En séjour à Luanda mercredi 21 août 2019 dans le cadre d’une tripartite consacrée à la réconciliation entre ses homologues rwandais et ougandais, Paul Kagame et Yoweri Kaguta Museveni, le chef de l’Etat rd congolais a annoncé aux médias la fin de la longue et éprouvante attente. « Je reçois le 1er ministre de- main avec la dernière mouture qui devait intégrer les noms d’une composante, si tout va bien, le soir pour- rait intervenir la publication », a formellement promis Félix Tshisekedi, annonçant ainsi la fin des dernières tractations politiques en vue de la composition de l’équipe gouvernementale. Des tractations commencées il y a plusieurs mois entre sa coalition, le CACH et le FCC de Joseph Kabila avec lequel il a fait une coalition qui fonctionne non sans quelques accrocs heureusement surmontés par un vouloir-faire-ensemble vigoureusement affirmé jusque-là.

Difficultés surmontées

Ces difficultés-là aussi, les coalisés en parlent aujourd’hui sans complexes. «C’est une première expérience en RDC. C’est normal et je demande l’indulgence de la communauté nationale et internationale vis-à-vis de ce qui est apparu comme tergiversations. C’était une façon de se connaître, d’aller ensemble, en toute confiance, en partenariat dans ce défi qui sera énorme », a dit Félix Tshisekedi mercredi der- nier à Luanda. Le chef de l’Etat estime en effet, que « le temps qui s’est écoulé pour former ce gouverne- ment n’est pas un temps qui a été gaspillé. Ce temps a été mis à profit pour se connaître d’abord. Comme vous le savez, jusqu’avant les élections, le camp sortant est un camp avec qui on se regardait en antagonistes. Il fallait mettre de côté cet antagonisme et accepter de mettre nos énergies, nos intelligences et nos forces ensemble ». Un jour auparavant, au cours de la rentrée politique du FCC, Emmanuel Ramazani Shadary, le secrétaire permanent du PPRD, le principal parti politique du regroupement kabiliste assurait lui aussi qu’il n’y avait «pas de conflit entre les cadres du FCC et ceux du CACH. J’étais parmi les négociateurs.

Nous avons travaillé pendant 5 mois. Il y avait des réunions presque chaque jour. Ni le FCC et le CACH n’ont fait que le gouvernement sorte avec retard. Mais ce n’était pas facile d’arriver aux résultats que nous avons présenté ». La longue gestation de l’équipe gouvernementale des adversaires d’hier semble donc avoir commencé par un consensus autour des idéaux politiques qui sous-tendent les visions partagées de leurs leaders. Aussi étonnant que cela puisse paraître au regard de l’hostilité qui avait caractérisé les rapports entre les kabilistes au pouvoir et leur opposition politique durant de longues années, le rapprochement fut peu laborieux. C’est encore le nouveau président de la République qui l’a révélé aux médias mercredi à Luanda en assurant que « nous avons une même fibre idéologique, la social démocratie. Il fallait discuter de tout ça. Il fallait aussi discuter du programme de gouvernement. Il y avait également des discussions autour de la composition du gouvernement ». C’est à peu de choses près ce que soutenait à Kinshasa, le juriste Néhémie Mwilanya, coordonnateur du FCC, en déclarant que « pour nous, la première fondation et la plus solide demeure la proximité idéologique (…) je pense que jusqu’à preuve de contraire nous nous définissons comme du même bord idéologique de la gauche. Nous en avons parlé ».

Acquis fondamental

C’est manifestement sur la base de cet acquis et de ce fondement idéo- logique communs qu’un programme, également commun, de gouvernement a été élaboré à Mbuela Lodge, le centre de villégiature qui a hébergé les négociations au Kongo Central. Il est entièrement consacré à la résolution des problèmes fondamentaux du pays, à l’amélioration des conditions de vie des populations de la RDC. «Nous avons mis trois jours (…) pour discuter du pro- gramme. Ce n’est qu’après que nous avons évoqué la nomenclature des ministères et le partage des responsabilités », a encore révélé Mwilanya. Ni Félix Tshisekedi, ni Joseph Ka- bila n’y font expressément allusion, leurs représentants encore moins. Mais il semble que la répartition des responsabilités, qui a abouti à l’entente sur la formation d’une équipe gouvernementale de 65 membres, dont 42 du FCC et 23 du CACH ait quelque peu retardé les échéances. Dans l’opinion, d’aucuns se souviennent de la visite du président honoraire à son successeur dans sa résidence du domaine de la N’Sele en périphérie de Kinshasa début août 2019. Suivie quelques heures plus tard de l’annonce de l’accord intervenue sur la taille du gouvernement et le partage des responsabilités. « Il avait fallu que les deux chefs de file des coalisés se rencontrent pour que les derniers obstacles soient levés », confie au Maximum un négociateur de Mbuela Lodge. Traduire la représentativité parlementaire en représentativité gouvernementale semble ainsi avoir accaparé des mois de gestation de l’équipe Ilunga Ilunkamba.

Répartition des responsabilités

La conversion de la même représentativité à l’interne au niveau des familles politiques coalisées n’a pas été chose aisée. Jusqu’au début de la semaine dernière, lorsque le 1er ministre rencontrait le pré- sident de la République en son cabinet de travail de la Cité de l’Union Africaine, il ne semblait pas que tout le monde ait été prêt à cet égard. Mercredi à Luanda, Fatshi faisait encore allusion à l’incorporation dans la dernière mouture de l’équipe gouverne- mentale de la liste d’un regroupement politique en retard. Des sources contactées par nos rédactions indiquent qu’il s’agit des listes de sa propre coalition, le CACH, où le partage entre l’UDPS/T. et l’UNC de Vital Kamerhe aurait connu des couacs de dernière minute. Jeudi 22 août 2019, un accord semblait avoir été trouvé, selon les mêmes sources. Côté FCC, il ne se posait pratiquement plus de problèmes particuliers. Une liste reprenant 3 noms au regard de chaque poste de responsabilité avait déjà été transmise au 1er ministre qui n’avait plus qu’à choisir, a déclaré Néhémie Mwilanya le 20 août à Kinshasa. « L’autorité morale du FCC a donné des orientations précises afin que ce grand rassemblement politique puisse s’impliquer davantage dans la promotion des valeurs positives autour des axes fondamentaux tels que la consolidation de la paix, la promotion de la démocratie et l’amélioration des conditions de vie de nos populations par l’assainissement du cadre macroéconomique et la croissance économique », avait encore expliqué le coordonnateur de la plateforme politique kabiliste au cours de son point de presse.