Dès le début du mois de novembre, les réserves d'adresses IP "classiques" viendront à manquer. Un autre protocole, encore peu utilisé, devrait prendre le relais.
L'échéance se concrétise. À compter du 7 novembre, "Internet ne cessera pas de fonctionner mais cessera de grandir", relate l'Arcep. À cette date, toutes les combinaisons possibles d'adresses IP "classiques" (les IPv4), auront en effet été générées en Europe. Résultat: une pénurie de ces cartes d'identité du Web, qui permettent à chaque machine, de l'ordinateur domestique au serveur hébergé dans un datacenter, de disposer d'un identifiant unique.
Cette pénurie est loin de prendre Internet par surprise. À sa création, en 1983, le protocole IPv4 n'a pas été conçu pour embrasser l'ensemble des objets connectés aujourd'hui actifs. Toutes les adresses IPv4 sont en effet composées de 32 chiffres binaires, constitués de 0 ou 1. Le nombre de combinaisons à créer est donc limité et avoisine les 4 milliards. Une fois ce volume dépassé, début novembre, le RIPE, l'organisme européen qui alloue des adresses IP aux entreprises des télécoms, ne pourra plus en distribuer.
Petits arrangements et marché noir
Face à cette pénurie imminente, plusieurs acteurs ont pris les devants. Certains sites Internet se spécialisent d'ores et déjà dans la vente aux enchères d'adresses IP. Ainsi d'auctions.ipv4.global ou encore des bien nommés ipv4brokers et ipv4mall. L'Arcep, le gendarme des télécoms, estime que les prix de ces adresses devraient "s'envoler", pour "doubler d'ici à deux ans". Le cap des 100 euros par adresse IP, contre 30 euros en moyenne actuellement, est lui aussi envisageable. De quoi susciter un fort appât du gain: mi-septembre, Heficed, une société spécialisée dans la gestion d’adresses IP et leur monétisation, révélait l'existence d'un détournement massif d'adresses IP, pour l'équivalent de 30 millions de dollars.
Arcep - La pénurie d'adresses IP est prévue depuis 1995.
Les fournisseurs d'adresses IP se sont eux aussi préparés à leur façon. Orange, par exemple, possède 30 millions d'adresses en réserve, relate Challenges. Constat similaire pour les trois grands autres opérateurs, qui disposent de leurs propres stocks. "Les nouveaux entrants auront du mal à obtenir des adresses IPv4. Cela constituera une réelle barrière à l'entrée pour eux", analyse auprès de BFM Tech Pierre Beyssac, président de la société de stockage de fichiers Eriomem.
Une "nécessité vitale"
D'autres fournisseurs d'accès Internet ont, eux, depuis longtemps opté pour une parade: mutualiser ces maigres ressources, en ayant recours au Carrier-Grade NAT ou CGN, qui permet de fournir la même adresse IP à plusieurs internautes à la fois. La méthode n'est pas sans risques. Elle rime avec une connexion plus lente, l'impossibilité de jouer à certains jeux mais surtout à des problèmes de sécurité. Car comment être certain, dans le cadre d'une enquête, de mettre la main sur le bon suspect si l'adresse IP qu'il utilise est partagée par plusieurs personnes ?