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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 08 avril 2024
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Culture

Renaud Barret : « Kinshasa est une ville de science-fiction »

2020-01-10
10.01.2020
2020-01-10
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Après « Benda Bilili », le réalisateur nous plonge dans le quotidien de la scène contemporaine kinoise dans « Système K », en salle le 15 janvier.

Pour Renaud Barret, la rencontre avec Kinshasa est une révélation. C'est en 2003, il n'est absolument pas réalisateur, ne sait pas plus que quiconque se servir d'une caméra, connaît un peu l'Afrique, mais sans plus. Il travaille dans la publicité, il y est photographe. Un jour, sa vie bascule, il débarque en République démocratique du Congo. Ce qu'il en dit aujourd'hui ? « Cette rencontre m'a changé : j'ai tout lâché et je suis parti m'installer là-bas pendant plusieurs années. » Après son film Benda Bilili, Renaud Barret a éteint pour quelques minutes ses caméras et a parlé au Point Afrique de sa vision des rues de Kinshasa, qu'il raconte en images dans Système K, au cinéma le 15 janvier.

Le Point Afrique : quelle a été votre première impression en arrivant à Kinshasa ?

Renaud Barret : je suis arrivé à Kinshasa et j'ai tout de suite été frappé par quelque chose : toutes les personnes que je rencontrais étaient des personnages. De 7 à 77 ans, tout le monde est porteur d'une odyssée. J'écoutais les gens me raconter leur vie et je me disais : il y a mille histoires à raconter ! J'ai acheté des caméras et j'ai commencé à filmer.

En quoi cette ville vous a « changé » ?

Elle m'a apporté une évidence : je devais faire des films. Quelque chose que je n'avais jamais ressenti de ma vie, chez moi en France. Kinshasa m'a donné la possibilité d'être « réalisateur ». J'utilise les guillemets parce que si j'avais prétendu vouloir faire ça ici, on m'aurait dit : « Ah non, il faut d'abord faire une formation, ou une école…. » sous entendu : mais où te crois-tu ? Or, Kinshasa m'a offert de brûler toutes les étapes ! Et de vivre une passion intense. J'ai eu un coup de foudre pour la ville et son énergie créatrice.

Qu'est-ce qui vous émerveille dans cette énergie créatrice ?

Quand j'ai réalisé que je voulais faire des films à Kinshasa, j'ai opté pour le documentaire. De toute façon, la réalité de Kinshasa est bien au-delà de tout ce que j'aurais pu écrire comme fiction ! D'une certaine manière, elle est presque dans la science-fiction, cette ville… J'étais sans cesse épaté par le mode de débrouille, l'informel, les irruptions de musique dans le fonctionnement de la ville. Il y a une folie, un groove permanent ! Je me suis laissé embarquer en me disant : ma vie est ici. C'est un endroit que je connais sans jamais le connaître à la fois : depuis quinze ans que j'y vais, je ressens à chaque fois la même extase. Elle m'a envoûté ! Notamment parce qu'elle est très visuelle, et très contrastée, et que l'art y fait irruption en permanence.

Donc Kinshasa, ça ressemble à Système K, avec de l'art de rue partout, tout le temps ?

Là-bas, tout le monde est un créateur ambulant. Au départ, c'est une question de survie : on galère à avoir de l'électricité par exemple, et ça se transforme en une installation tellement rocambolesque qu'elle en devient une œuvre d'art. Ça, on le voit absolument partout en ville. En plus, chaque jour, il y a des performeurs. Des artistes qui n'attendent ni public ni caméra pour sortir de leur atelier et faire un happening en pleine rue. C'est une forme de protestation, pour interpeller la population sur ce qu'il se passe dans le pays.

Accéder aux artistes, les rencontrer, les filmer, ça s'est passé comment ?

Pour ce film, j'avais l'expérience de Benda Bilili, donc je faisais déjà partie du décor de la rue. Les artistes disaient de moi : « On le connaît, ça va, c'est pas un journaliste. » J'ai commencé à les rencontrer dans l'Académie des beaux-arts, où tout le monde se retrouve, puis je suis allé vers le ghetto parce qu'il y a beaucoup de créateurs aussi. Mais ce n'est pas facile, les gens ont peur de se faire escroquer. La caméra est vue comme quelque chose qui vole des intimités et qui marchande sans retour. Il y a eu des obstacles, beaucoup d'artistes ont refusé, d'autres ont arrêté en cours de route. Moi, mon discours, c'était : je ne connais rien à l'art, je ne sais pas ce que vaut une performance… Mais je suis là, vous êtes là, et peut-être que ce film finira au cinéma et vous apportera de la visibilité. Pour tous les artistes qui l'ont fait avec moi, on a négocié un cachet.
Le but de ce film, c'est de parler de la politique derrière l'art contemporain ?

Moi, le contemporain…, j'en ai pas grand-chose à faire. Ce qui m'intéresse, c'est de prendre le temps avec eux, de comprendre leur quotidien, de voir comment ils décident de prendre la rue par leur performance. J'ai ressenti l'art à Kinshasa comme une action des artistes destinée à leur population, c'est quelque chose que je ne retrouve pas dans l'art en France, que je trouve très codifié, très monétisé. Là il y a quelque chose de plus primal, de l'ordre de la survie. Ce sont des gens qui ne sont pas dans une monétarisation de ce qu'ils font. Et puis je me suis demandé : pourquoi quand tu galères comme ça, tu sors dans la rue ? Qu'est-ce que tu as à gagner ? Qui va te payer pour ça ?

Et alors, pourquoi ?

Au fur et à mesure que je suivais ces artistes, j'ai compris leur vie et leurs revendications. La plupart ont connu l'âge d'or de Mobutu : une époque de « ville modèle », où le Zaïre avait de la valeur, où l'argent circulait… La plupart des parents des artistes du documentaire faisaient partie de la classe moyenne, qui n'existe plus aujourd'hui. Avec le départ de Mobutu, tout s'est effondré du jour au lendemain. C'est toute une génération de gens (nés dans les années 1980-1990) qui ont vu leurs parents se retrouver sans rien. C'est le début des pillages, des milices qui rentrent chez vous, du chaos. Ce que les artistes racontent, dans leur art, dans le documentaire, et autour de nos discussions, c'est ce monde qui marche à peu près et qui tout à coup disparaît pour laisser place à une réalité glauque. Cette scène artistique marginale, c'est le reflet de ce ras-le-bol maximal. D'après mon expérience là-bas, l'art est la seule contestation politique visible à Kinshasa.


Le Point / MCP, via mediacongo.net
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