Afrique
Alors que, jusqu’à présent, l’Afrique semble le continent le moins touché par le coronavirus, c’est à son propos que s’expriment les inquiétudes les plus vives : l’OMS « se prépare au pire » le CICR attire l’attention sur les camps de réfugiés et les migrants, le Docteur Mukwege qui, à Bukavu a pris la tête du comité de crise et préconise le confinement des plus de 60 ans, évoque le risque d’une « hécatombe »…
A Paris, une note publiée par un centre d’analyse et de prévention dépendant du Quai d’Orsay et largement répercutée estime que, pour de nombreux Etats africains, « il s’agît là d’une « crise de trop » face au discrédit des élites politiques… » Autrement dit, dans la foulée de l’épidémie, des renversements de régime sont à redouter tandis que, pour lutter contre la pandémie, de nouveaux acteurs capables de mobiliser les foules devraient être sollicités, autorités religieuses, entrepreneurs économiques, artistes populaires…
Il est certain que, sur deux plans au moins, le constat est accablant : minées par les guerres, la corruption, les politique d’austérité imposées, les infrastructures médicales sont largement insuffisantes, d’autant plus que les meilleurs médecins, au Cameroun, au Zimbabwe, en RDC et ailleurs ont depuis longtemps choisi d’exercer en Europe, où se trouvent aussi des dizaines de milliers de soignants dans les homes et les hôpitaux… Il ne s’agît que d’une moyenne : l’ Afrique compte un médecin pour 5000 habitants et les pays du continent ne consacrent que 5% de leur produit national brut aux soins de santé…
Par ailleurs, la crise économique frappera l’Afrique de plein fouet : la note du Quai d’Orsay relève que dans des pays comme le Cameroun, le Gabon, le Congo Brazzaville, l’Angola, la rente pétrolière risque de s’effondrer, poussant des opérateurs comme Total à quitter les lieux. Dans des pays comme la Zambie ou la RDC (Congo Kinshasa), la rente minière risque de s’effondrer et, inévitablement, l’ « évaporation » des revenus du cuivre, du cobalt, du coltan sera amèrement reprochée aux élites politiques tandis que le rapatriement des bénéfices des sociétés minières nourrira également le ressentiment à l’égard des expatriés…
Un troisième danger est plus évident encore -et il se fait déjà sentir dans les quartiers pauvres des villes européennes- : le confinement des populations sera tout simplement impossible à appliquer. « Mourir du Covid, ou du « poch vid ? » se demande-t-on déjà à Kinshasa, comme dans toutes ces mégapoles où les gens vivent au jour le jour, obligés de sortir pour trouver du travail dans un secteur informel qui occupe 80 % de la population. Non seulement les classes moyennes verront leurs revenus s’effondrer mais dans les cités populaires les pénuries, en eau, en électricité, en nourriture, seront inévitables. Ce qui pourrait mener à des soulèvements politiques mais plus probablement encore à des pillages dont seront victimes les classes favorisées tandis que les expatriés, entrepreneurs privés ou même humanitaires seront accusés, comme c’est déjà le cas au Sud Soudan, d’avoir importé le virus.
Dans l’immédiat, on constate que les Etats les plus solides sont ceux qui s’en sortent le mieux : le Sénégal, l’Afrique du Sud où la fermeté du président Ramaphosa est très appréciée, le Rwanda où le confinement est total, mais assorti de distributions de vivres dans les quartiers pauvres de Kigali.
Par contre, les campagnes africaines, si longtemps délaissées, pourraient devenir un refuge : dans bien des pays, la Côte d’Ivoire par exemple, les gens ont tendance à rentrer au village car là au moins les cultures vivrières permettent de ne pas mourir de faim. Cependant ce retour des citadins est lourd de dangers et il pourrait contribuer à disséminer le virus dans les milieux ruraux, même si la faible densité de population peut « diluer » le risque….
Les leçons d’Ebola
Emmanuel Boutiau, professeur à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, refuse cependant de céder à l’afro pessimisme. Rentré de Guinée à la veille de l’épidémie actuelle, il constate qu’en Afrique de l’Ouest, « les populations ont tiré les leçons de la crise d’Ebola : dans de nombreux villages, des bâtiments ont été construits, destinés à ceux qui devaient être isolés pour éviter la propagation d’Ebola. Ces locaux pourraient servir à nouveau. En outre, les « gestes barrière »évitant tout contact physique et imposant la distance sont connus de tous à la suite des campagnes de sensibilisation. En Afrique centrale, la pratique du lavage des mains a été largement répandue à la suite de l’épidémie d’Ebola et les gens en ont gardé le réflexe… »
La pyramide des âges dément également les prévisions apocalyptiques : « Ebola et le HIV Sida à ses débuts se sont avérés beaucoup plus meurtriers que le Covid 19. Ce dernier, sur une population de moins de 50 ans, ne s’avère pas plus dangereux qu’une grosse grippe et le processus d’ immunité collective se mettra sans doute plus rapidement en place qu’en Europe… »
Cet « atout démographique » est confirmé par l’Organisation mondiale de la santé : « en Afrique noire, la population dépassant les 50 ans représente 19,7% de la population totale, contre 38,4 % en Chine et 43,1 en Europe ». Avec cependant un sérieux bémol exprimé par Emmanuel Boutriau « les jeunes sont vulnérables à la malnutrition, l’anémie, la malaria, le HIV, qui peuvent représenter des facteurs de comorbidité...». Prudent, le chercheur souligne : « le corona est un virus nouveau, et on est loin d’en connaître avec précision tous les effets. Par contre, s’il se répand en Afrique, les plus agés, qui représentent tout de même une importante catégorie de la population, risquent fort d’être emportés. » Ce qui frappera aussi la classe politique…
Il faut relever aussi, en plus de la démographie et de l’étendue des territoires, que l’Afrique présente encore d’autres atouts, peu étudiés jusqu’à présent : des systèmes immunitaires plus résistants car fonctionnant dans des milieux moins aseptisés, des organismes habitués à la chloroquine, un médicament de base largement utilisé contre la malaria, le recours à des remèdes traditionnels méprisés par la médecine occidentale mais qui pourraient se révéler efficaces…Dans la province minière du Lualaba, en RDC, le gouverneur Mueij, a imposé un confinement rigoureux mais aussi autorisé des protocoles de traitement fondés sur la chloroquine…
Si la note du Quai d’Orsay suggère le recours aux leaders religieux pour sensibiliser les populations, cette arme pourrait s’avérer à double tranchant : en Ouganda les réunions de prières se sont poursuivies, au Sénégal des fidèles ont protesté contre la fermeture des mosquées, en Tanzanie les lieux de culte sont restés ouverts…Et en RDC, les pasteurs des églises de réveil ont fait savoir à leurs fidèles que si les offices étaient suspendus, il restait toujours la possibilité d’envoyer un chèque…
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