La démarche du cabinet du président de la République dans l’élaboration et la conduite du « programme d’urgence » pose également un sérieux problème de redevabilité et de responsabilité. Qui doit être tenu politiquement responsable de l’échec de ce « programme d’urgence » initié par Félix Tshisekedi ? Et qui doit en répondre devant la justice ?
Ces deux questions distinctes nécessitent des réponses nuancées, même si l’opinion semble avoir trouvé son coupable désigné : Vital Kamerhe. D’autant que, les faiblesses systémiques dont a hérité Félix Tshisekedi et son directeur de cabinet ne peuvent pas leur être entièrement attribuées. Elles ont caractérisé les régimes précédents.
Dans un rapport de 2015 sur la gestion des dépenses publiques, la Banque mondiale se plaignait déjà de l’existence des « réseaux parallèles et des structures publiques fonctionnant hors budget ». « Les considérations politiques conduisent à des situations où l’allocation des crédits contourne les instructions relatives à l’exécution de la loi des finances », relevait l’institution financière internationale.
Depuis, des entretiens réalisés avec des responsables du FMI et de la Banque mondiale confirment que ces pratiques perdurent avec le nouveau gouvernement, malgré les promesses du nouveau chef de l’État de lutter contre la corruption et la dilapidation des ressources de l’État.
Le contexte politique difficile des premiers mois explique en partie le recours à des structures parallèles pour conduire le « programme d’urgence ». Mais cette mégestion est devenue un obstacle majeur dans la construction et la réhabilitation des infrastructures de base.
Ainsi, Félix Tshisekedi et son allié Vital Kamerhe n’auront pas réussi à tenir leur premier pari de construire et de réhabiliter de manière urgente quelques infrastructures de base à travers le pays.
La faute à plusieurs facteurs : absence de planification, opacité dans la gestion des dépenses publiques, climat politique de méfiance, mais surtout détournements des fonds alloués à ces travaux. C’est ce dernier élément qui justifie l’interrogation sur la responsabilité des uns et des autres devant la justice.
Le directeur de cabinet du chef de l’État serait-il le seul à répondre de cette situation ? Dans sa défense pour les deux affaires portées devant le tribunal de grande instance de La Gombe, Vital Kamerhe, lui, renvoie la responsabilité première aux ministres sectoriels : il n’aurait signé ni le contrat avec Trade Plus, ni celui avec Samibo et n’aurait agi que suivant le principe de continuité de l’État.
Ce que contestent les différents ministres, rappelant qu’ils n’avaient été associés à la procédure de sélection et n’avaient agi que pour formaliser les décisions prises à un niveau supérieur. Cette justification pourrait s’avérer insuffisante pour les dédouaner. L’Odep insiste sur la responsabilité des ministres des Finances et du Budget qui sont « deux intervenants majeurs dans la chaîne de la dépense publique de l’époque ».
Le Parlement aurait-il pu, par un contrôle effectif de l’exécutif, prévenir les dérives décriées aujourd’hui ?
Dans son discours de remerciement à ses collègues députés lors de l’élection du bureau, Jeanine Mabunda avait inscrit le contrôle parlementaire parmi ses quatres priorités, et promettait de mettre « un accent particulier sur la bonne gouvernance économique et politique ». Aucune initiative sérieuse n’a cependant été entreprise.
Dans une lettre datée du 2 mai 2020, le député de l’opposition, Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa accuse la présidente de l’Assemblée nationale d’ignorer volontairement des questions orales déposées par les élus et d’« empêch[er] de facto un contrôle parlementaire suivi par toute l’opinion nationale ».
Il y a enfin lieu de s’interroger sur la responsabilité du chef de l’État dans la gestion de son « programme d’urgence ».
À son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi et son camp politique ne semblent pas peser lourds, en terme de rapports de force, face à la coalition de son prédécesseur, Joseph Kabila, qui domine toutes les autres institutions.
Au lendemain de l’investiture, dans un communiqué daté du 25 janvier 2019, son directeur de cabinet, Vital Kamerhe, soumettait alors tous les « engagements et liquidations des dépenses publiques » à une autorisation préalable du président de la République jusqu’à la mise en place du nouveau gouvernement, en septembre 2019. Et malgré les équilibres politiques, aucun contre-pouvoir n’a semblé jouer son rôle.
Zoom-Eco / MCP, via mediacongo.net