Politique
Acteur politique et homme des médias, sénateur honoraire et président du Parti des démocrates pour la bonne gouvernance (PDG), Modeste Mutinga n’est pas insensible à l’actualité qui défraie la chronique au pays. Dans un interview au journal Le Potentiel, il fait sa lecture du discours du chef de l’État prononcé à l’occasion du 60ème anniversaire de l’indépendance. Un discours « responsable » qui, dit-il, apporte « un éclairage sur sa vision républicaine de l’État de droit ayant pour socle les cours et tribunaux ».
Le sénateur honoraire note, par ailleurs, que le chef de l’État a manqué de mettre le doigt, notamment, sur la Céni et le processus électoral. De même qu’il regrette la volonté du président Tshisekedi de « ne pas fouiner dans le passé du régime Kabila ». M. Mutinga se réjouit, cependant, que ses derniers ouvrages «aient eu un retentissement dans l’action de l’actuel président de la République, en particulier, le respect du rôle régulateur de la justice et des libertés fondamentales. Bref, la promotion de la bonne gouvernance ».
A ne pas fouiner dans le passé, « Le chef de l’Etat a raté l’occasion d’ordonner l’interpellation de tous les détourneurs des deniers publics et autres délinquants connus qui ne cessent de le défier. »
LE POTENTIEL : L’actualité, c’est le contenu du discours du président de la République à l’occasion du 60ème anniversaire de l’indépendance. Quels sont les axes principaux qui s’en dégagent ?
Modeste Mutinga: Le président de la République est allé au-delà d’un discours protocolaire des voeux. Il a particulièrement apporté un éclairage sur sa vision républicaine de l’État de droit ayant pour socle les Cours et Tribunaux. Ferme sur la controverse autour de l’indépendance de la magistrature, il a rejeté en se fondant sur la théorie de séparation des pouvoirs et en évitant toute tentative d’inféodation du Parquet à l’exécutif.
J’ai noté par contre que le chef de l’État n’a pipé un mot sur la Céni et le processus électoral. Il n’a pas projeté dans un avenir proche la fin de l’occupation des pans entiers de notre territoire par les forces étrangères.
Les autres questions pertinentes de gouvernance économico-financièreet de la lutte contre lamisère du peuple ont fait l’objetde la confirmation idéologique du slogan « Le Peuple d’abord », soutenue par la volonté de revitaliser les régies financières e td’exercer un contrôle plus rigoureux de la chaîne de dépenses.
En dénonçant la mafia qui s’est installée comme mode de gestion entretenu par les cadres et dirigeants politiques, je m’attendais à ce qu’il revienne sur sa décision incompréhensible impopulaire de ne pas fouiner dans le passé récent du régime Kabila. En persistant dans cette attitude subjective, pour des raisons non élucidées, le président de la République laisse l’impression d’organiser une justice à deux vitesses.
Des réactions à ce discours sont variées. Pour le PPRD/FCC, le chef de l’Etat avait les accents d’un combattant. Ce qui veut dire que le président de la République n’a pas été « rassembleur ». Votre commentaire…
Certaines questions ne peut être taxée « d’accents d’un combattant ». Devrait-il jeter des fleurs aux mafieux, accepter la forfaiture de Tunda Ya Kasende ou sesoumettre aux stratégies funestes de Mme Mabunda, présidente de l’Assemblée nationale. Le chef de l’Etat a raté l’occasion d’ordonner l’interpellation de tous les détourneurs des deniers publics et autres délinquants connus qui ne cessent de le défier.
Les poursuites ne doivent pas s’arrêter à Kamerhe...
Le Potentiel prédisait dans un éditorial que le procès Kamerhe ouvre le procès de la chaîne des dépenses. Une ordonnance présidentielle vient d’être rendue publique pour renforcer le rôle de l’Inspection générale des Finances, notamment sur le contrôle de la chaîne des dépenses. Etes-vous satisfait ?
Les tiroirs de l’Inspection générale des Finances renferment des dossiers volumineux de mauvaise gestion des finances publiques. Les résultats accablants de plusieurs enquêtes ont été étouffés. On ne sait pourquoi et par qui. Et pourtant ce service est sous la tutelle du président de la République. C’est simple. Pour concrétiser ses bonnes intentions, le président de la République devrait ordonner la transmission de dossiers de tous les délinquants présumés au Parquet pour instruction judiciaire. Les poursuites ne doivent pas s’arrêter à Kamerhe...
Il faut noter, par ailleurs, qu’à chaque fin d’exercice budgétaire, la Cour des comptes publie un rapport dont le contenu souvent accablant n’attire l’attention d’aucune institution. Le président de la République doit revaloriser les missions du Parquet près la Cour des comptes et autoriser son Procureur à agir sans contrainte politicienne.
« Je me réjouis que le nouveau chef de l’Etat et l’ensemble du peuple congolais aient levé la voix pour défendre la justice »
La lutte contre la corruption et l’enrichissement sans cause serait-elle à la base des projets de lois FCC restreignant l’indépendance de la justice ? Et que dites-vous de la « Pour la République des juges contre l’impunité », titre de l’un de vos ouvrages ?
En 2010, à l’occasion du 50ème anniversaire de notre indépendance, je publiais « La République des inconscients » pour déplorer et sensibiliser le peuple congolais et sa classe politique sur le paradoxe avilissant d’un pays scandaleusement riche dont le peuple ploie dans la misère noire tandis que sa classe dirigeante illicitement riche avec des sociétés-écrans, investit dans des paradis fiscaux, spolie les entreprises d’Etat et excellent dans la prédation des ressources naturelles de notre pays.
En 2017, lorsque je publiais « Pour la République des juges contre l’impunité », je n’imaginais pas que mon plaidoyer pour une justice juste, autonome, non soumise aux injonctions intempestives souvent politiques et subjectives du ministre de la Justice allait avoir un retentissement dans l’action du nouveau président. Je me réjouis que le nouveau chef de l’Etat et l’ensemble du peuple congolais aient levé la voix pour défendre le rôle régulateur déterminant de la justice pour garantir les libertés fondamentales, la stabilité des institutions, la protection des biens et des personnes, bref pour promouvoir la bonne gouvernance dans tous les secteurs de la vie nationale.
« l’ancien chef de l’Etat est particulièrement irrité par l’absence des honneurs officiels et la réduction sensible de sa cour. »
En tant que citoyen, que diriez-vous au président honoraire Joseph Kabila qui, aux yeux de tous les observateurs, semble être l’obstacle à l’exécution de la vision du président Tshisekedi ?
Le président Kabila est sorti par la grande porte à l’issue d’une alternance dite paisible et civilisée. Il est protégé par deux statuts. Le statut de « sénateur à vie » lui garantit des immunités et un positionnement institutionnel de haut rang. Le statut « d’ancien président de la République élu » lui assure la sécurité, les avantages sociaux et le situe dans la hiérarchie protocolaire de l’Etat.
Malgré toutes ces dispositions, l’ancien chef de l’Etat, qui n’est pas pauvre, est particulièrement irrité par l’absence des honneurs officiels et la réduction sensible des équipes de sa cour. Kabila a été fervent et rigoureux donneur d’ordre qui ne peut aujourd’hui disposer de l’armée et des services de sécurité à sa guise. Il ne peut plus mettre la main sur la caisse de l’Etat et distribuer gracieusement la manne à sa majorité qui digère mal sa sortie.
Une année après le changement de son statut, l’ancien président laisse cruellement l’impression de construire, à travers sa majorité, un stratagème pour un retour non annoncé. Proche ou lointain. Dans cet objectif, l’action du Président en exercice est chaque fois négociable et l’impérium sublimement partagé. Le nouveau chef de l’Etat négocie toujoursde manière équilibrée avant son prédécesseur et ce dernier agitant toujours sa majorité. Kabila est au regard de ces faits palpables, une épine dans le pied de Tshisekedi. Si on n’y prend garde, la gangrène va s’installer et le pire est à craindre.
La direction de la nouvelle Céni divise les confessions religieuses et suscite en même temps des suspicions. Que recommandez-vous pour obtenir un consensus sur la désignation des animateurs et la réforme de la loi électorale ?
La Céni, quoiqu’éminemment politique, vient d’être dangereusement tribalisée. Nous sommes mal partis pour les élections qui se pointent à l’horizon de 2023. Comme en 2006, 2011 et 2018, le chaos est prévisible au regard de la grogne qui s’annonce.
Le Parti des Démocrates pour la bonne Gouvernance (PDG) comme les autres partis, considérant que le renouvellement de la haute direction de la Céni nécessite un large consensus, a proposé avec un cahier des charges la convocation par le Président de la République d’une « Convention citoyenne pour les élections crédibles en RDC ». La voie royale du Dialogue doit être privilégiée au détriment de l’affrontement et de la répressionau résultat insondable.
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