Politique
« Depuis 1960, quelles que soient les vicissitudes des partis, il y avait quand-même un espace serein. C’est avec la tendance des regroupements politiques, Tshombe l’a instauré en 1964 et cela nous a donné ce qui accable et assombrit l’espace politique congolais », affirme le Professeur Eugène Banyaku se confiant à la presse dans le cadre de la célébration, le 30 juin, du 61è anniversaire de l’indépendance de la RDC. Politologue d’envergure au Congo-Kinshasa, il dresse un bilan négatif de la RDC sur le plan politique.
Pour cet ancien juge de la Cour Constitutionnelle, « la réapparition des regroupements politiques avec les élections de 2006, 2011 et de 2018, constitue un grand handicap. Car, les partis politiques ayant un statut et une personnalité juridiques ne s’expriment pas suffisamment ».
61 ans après l’indépendance de la RDC, Pr. Eugène Banyaku estime que « la restauration insolite des regroupements politiques au détriment des partis politiques avec l’AMP, la MP et le FCC, a non seulement englouti toute aspiration démocratique, mais favorisé aussi une vampirisation de l’État par les chefs politiques hiérarchisés en pyramide renversée au service d’un individu ou d’un cluster de malfaiteurs politiques et leur prolongement truffé d’opérateurs économiques véreux ».
D’après Banyaku, « si l’Union sacrée de la Nation ne se donne pas la vocation d’un creuset d’alliance autour des valeurs démocratiques et républicaines consenties et convenues entre des partis politiques ayant chacun sa personnalité juridique, il n’y aura ni démocratie, ni État de droit qui constitue le cheval de bataille du Chef de l’État Félix-Antoine Tshisekedi ».
Vers les années 60, Pr. Eugène Banyaku considère que « l’émergence des regroupements politiques en 1964, avec la Confédération
Nationale des Associations Congolaise (CONACO) de Moïse Tshombe, a perverti la scène politique congolaise en muselant les partis politiques, seules formations dotées de la personnalité juridique et de droit, qualifiées pour exprimer les aspirations du peuple ». Cet analyste pense que « ce sont les regroupements politiques, fruits des montages électoraux, à titre de plateformes, qui s’expriment ».
« Si les regroupements agissent dans la vie fonctionnelle du Parlement, du Gouvernement, comprenez que l’on a perdu la boussole. C’est la situation qui nous préoccupe actuellement. En 1960, ce sont des partis politiques qui ont joué un grand rôle. L’expression politique était plus transparente et correspondait mieux à la réalité. Même si ces partis étaient à base socio-ethnique, professionnelle et confessionnelle, mais il y avait quand-même une transparence », souligne-t-il.
« On savait ce que représentait telle personne par rapport à tel enjeu », fait remarquer le professeur Eugène Banyaku. Il précise que les regroupements politiques dont il est question ici, ne sont pas des partis et leurs alliés. Il s’agit plutôt des plateformes formées à des fins électoralistes. Aussi, Eugène Banyaku Lwape rapelle que, conformément à article 6 de la Constitution, ce sont les partis politiques qui concourent à l’expression des suffrages et non les regroupements politiques.
Pour ce scientifique, de 1960 à ce jour, l’espace politique est buté à deux difficultés, à savoir, le manque de légitimité des acteurs politiques au pouvoir et de l’opposition ainsi que l’absence de transparence dans la gestion de la chose publique. « La Constitution dans son article 6 et la loi sur les partis politiques à son article 2, consacre le parti politique comme la seule formation et instance organique à même de concourir à l’expression politique. Les regroupements politiques n’ont pas de personnalité juridique pour exercer des activités politiques en dehors de temps ou moment d’élections jusqu’à la publication des résultats définitifs », soutient-il.
Banyaku rappelle, en outre, que de 1960 à 1964, la stabilité relative était due au fait que les partis politiques traduisaient les aspirations du peuple et même les rébellions se constituaient sur des bases partisanes. Et d’ajouter que l’apanage du regroupement politique s’est imposé avec la CONACO de Tshombe d’une part et le Front Commun pour la Démocratie de Cyrille Adoula, Cléophas Kamitatu, Justin -Marie Bomboko, Victor Nendaka ainsi que nombreux d’autres leaders des provinces de l’Ouest et de la Province Orientale d’autre part.
« Le vice s’est installé avec la prééminence des mandarins politiques de moins en moins préoccupés par les besoins de la population. Avec la dictature, le regroupement en parti unique érigé par le MPR et même l’AFDL comme parti-Etat, l’articulation de l’espace politique ne s’est pas améliorée aussi bien en ce qui concerne la légitimité des acteurs, que la transparence dans la gouvernance publique », explique Eugène Banyaku.
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