Recherche
  Home Actualités Petites annonces Offres d’emploi Appels d’offres Publireportages C'est vous qui le dites Medias & tendances Immobilier Recherche Contact



Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 08 avril 2024
mediacongo
Retour

Monde

Un général émirati tortionnaire à la tête d’Interpol ? La crédibilité de l’institution policière en prend (encore) un coup

2021-11-25
25.11.2021
2021-11-25
Ajouter aux favoris
http://www.mediacongo.net/dpics/filesmanager/actualite/2021_actu/11-novembre/22-28/interpol.jpg -

Avis de tempête à Interpol… L’organisation, en charge de la coordination des polices de la planète se réunit en ce moment à Istanbul, en Turquie. Une assemblée générale où il sera question notamment de la nomination d’un nouveau président. Et le bât de blesser encore une fois dans les arcanes de l’institution policière. Déjà mise à mal à cause de son manque de transparence, des tentatives de manipulation d’Etat peu démocratiques, de ses liens douteux avec des associations et des firmes privées… L’institution fait encore une fois parler d’elle.

Bien que la présidence soit de nature honorifique, le grand favori au poste – dont l’élection aura lieu ce jeudi – est, selon de nombreux observateurs, plus que contestable. Il s’agit d’un général émirati, Ahmed Nasser al-Raisi.

Une réputation pour le moins sulfureuse lui colle à la peau : l’inspecteur général du ministère de l’Intérieur des Emirats Arabes Unis, qui se targue de ses 40 ans d’expérience à la tête de la police de son pays est accusé de pratiquer des méthodes peu orthodoxes… Ainsi, le journal français Libération, qui fit de l’affaire son gros titre de mardi, cite des ONG : "Sous sa direction, ses services se sont rendus responsables de détentions arbitraires et d’actes de tortures répétés et systématiques infligés aux prisonniers d’opinion et défenseurs des droits humains en toute impunité ".

La méthode forte


Le Major général Ahmed Nasser al-Raisi (à gauche), inspecteur général au ministère de l'Intérieur des Émirats arabes unis et candidat à l'élection Interpol de 2021, s'entretient avec des membres de la délégation le premier jour de la 89ème Assemblée génér © AFP

Accusé d’actes de barbarie, le militaire du Golfe est sous le feu des critiques. Plusieurs plaintes pour torture ont été déposées en France, dont celle d’un militant pour les droits humains, Ahmad Mansoor, condamné en 2018 à dix ans d’emprisonnement pour " atteinte à la réputation de l’Etat ". Le Monde précise qu’il est depuis sa parodie de procès maintenu à l’isolement strict dans une cellule de 4 m2.

Des appels d’avocats, d’ONG, mais aussi de politiques, notamment de députés français (se sentant concernés également par le fait que le siège d’Interpol est basé à Lyon) retentissent un peu partout. Pour l’Hexagone, on demande au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de s’opposer fermement à cette nomination. Du côté européen, trois députés dont Marie Arena, présidente de la sous-commission des droits de l’Homme au Parlement européen, ont écrit à Ursula Von der Leyen. Mentionné par TV5 Monde, le texte dit notamment ceci : "Nous sommes profondément convaincus que l’élection du général Al-Raisi porterait atteinte à la mission et à la réputation d’Interpol et affecterait lourdement la capacité de l’organisation à s’acquitter efficacement de sa mission"

Opacité

Le hic c’est que le processus décisionnel au sein de l’institution est assez simple : un pays, une voix. Une élection à la majorité simple, à huis clos. Les pays peuvent proposer des candidats jusqu’au tout dernier moment mais, cerise sur le gâteau policier, la liste de prétendants n’est pas rendue publique.

Complètement opaque, cette élection provoque une importante rumeur. Ahmed Nasser al-Raisi serait donc grand favori à la présidence d’Interpol. Malgré la bronca dans des sphères démocratiques, l’inquiétude est de mise dans les rangs de nombreuses chancelleries.

Pourquoi ce choix ? Comment fonctionne et que se passe-t-il au sein de cette prestigieuse institution qu’est Interpol, qui regroupe 195 pays ?

Tout d’abord, à quoi sert Interpol ? Sous son nom très évocateur, l’institution n’est pas un gigantesque commissariat qui grouperait des super-flics les plus chevronnés au monde dans des bâtiments ultra-sécurisés dignes d’un James Bond. Le siège, situé le long du parc de la Tête d’Or de Lyon, est certes très bien protégé. Mais il sécurise avant tout des banques de données. Dix-neuf précisément. Les polices des différents pays membres peuvent les consulter quand elles le veulent. Y sont fichés les criminels et leurs actes, les suspicions…

L’ONU façon police

Le terrain d’action : la Terre entière. A l’exception de la Corée du Nord et d’une poignée de micro-états du Pacifique, tous les pays du globe – dont la Syrie, qui y a fait récemment son grand retour, décrié, après des années de bannissement — en font partie.

Quand on parle d’Interpol, que ce soit dans les films ou les médias, on parle souvent de l’émission de "mandats d’arrêt internationaux". Ce n’est pas tout à fait vrai. En effet, l’organisation ne prédomine pas sur les états et leurs mandats d’arrêts nationaux ou européens. L’action de l’institution, sise dans la capitale des Gaules, est plutôt d’aider à la coordination des différentes polices pour faciliter recherches et arrestations.

Par contre, ce qui est utilisé, ce sont des "notices". Il s’agit d’informations (éléments d’identification et juridiques des personnes recherchées). Elles sont classées selon différentes couleurs (bleues pour des informations complémentaires, noires pour des personnes décédées dont le corps n’a pas été identifié, mauves pour les modus operandi…). La couleur la plus connue est le rouge.

Les notices rouges


Exemple de "notice rouge", ici, des fugitifs dans des affaires de crimes contre l'environnement, en 2019 © AFP

Elles sont fameuses, ces notices rouges. Disponibles en ligne pour tout un chacun, ces signalements sont émis à la demande d’un membre de l’organisation. Elles informent les différentes polices qu’une personne est recherchée par un autre état, permettant notamment des arrestations aux frontières. Des avis de recherche donc qui sont de plus en plus nombreux. Et il s’agit même d’une véritable inflation depuis quelques années. D’environ 1400 par an au début des années 2000, on est ainsi passé à plus de 13.000 publiées par an vingt ans plus tard. Quelque 60.000 attendent, elles, leur vérification avant publication. Celle-ci se fait par une équipe composée de 30 à 40 employés, croulant sous les dossiers.

Interpol interpelle

Et certains pays se montrent particulièrement friands, de ces notices… On pense à la Chine, à la Russie, aux Emirats arabes Unis, mais aussi la Biélorussie, qui se montrent particulièrement actifs dans le domaine des signalements policiers. En 2018, par exemple, selon un rapport du Sénat américain, 38% des notices rouges auraient été émises par le Kremlin.

Égypte, Iran, Venezuela, Azerbaïdjan ou encore Inde sont également amateurs des bases de données. Fortement consultés par les services d’États à tendance autoritaire ou dont la transparence en matière démocratique est à démontrer, ceux-ci lancent de nombreux mandats d’arrêts, visant in fine à l’arrestation et l’extradition d’individus. Individus qui seraient donc parfois aussi… Des opposants politiques.

C’est ainsi que comme le souligne Libération, des "garde-fous" ont été mis en place à Interpol, les états pouvant ainsi décider de restreindre la diffusion de leurs informations à certaines chancelleries. Et de rappeler que les pays membres gardent donc le pouvoir d’appliquer ou non les notices émises par d’autres pays (ainsi, par exemple, quand Minsk envoie une notice rouge visant un prétendu opposant politique, les autres états ne sont pas tenus de mener pour autant des recherches…).

Théoriquement, Interpol doit faire preuve de neutralité. Les textes interdisent à l’institution d’intervenir dans des crimes militaires, politiques, religieux ou raciaux, ainsi que sur des faits ne concernant qu’un pays membre.

C’est ainsi que l’organisation, issue de l’imagination de pères de la police scientifique, comme Alphonse Bertillon ou Edmond Locard – médecin légiste qui inventa le premier laboratoire de police scientifique au monde, au tout début du XXe siècle, a pu se hisser au rang des plus prestigieuses institutions mondiales.

Mais elle semble en danger, tributaire de pays qui, par le biais de financement et de manœuvres, tentent de l’utiliser afin de traquer leurs opposants à l’étranger…

Le nerf de la guerre

C’est que, contrairement aux idées reçues, aussi d’allure prestigieuse soit-elle, Interpol est loin de crouler sous l’argent et les moyens. Selon le Monde, qui lui consacre aussi d’édifiants articles, son sous-financement est chronique.

Avec 700 agents et un budget d’environ 136 millions d’euros, elle souffre d'un manque criant de ressources financières. Mais il est possible d’y faire des dons. C’est ainsi que les Emirats Arabes Unis lui font une donation. 50 millions d’euros, pour cinq ans. Abou Dhabi est ainsi le deuxième plus grand contributeur au monde, après les USA. La faiblesse de la dotation de l’institution mondiale permet donc des tentatives de manipulations par des états loin d’être connus pour leur transparence démocratique (Chine, Russie…), mais aussi par des tiers. Ainsi, de l’argent a par le passé été versé par des mécènes qui se sont révélés plutôt… Gênants. On pense à la FIFA, concernant la lutte contre la corruption (accord stoppé en 2015 lors du scandale concernant le football mondial), le Comité international olympique (également touché par la corruption), mais aussi à… Philip Morris.

Une institution de plus en plus grande


L'Allemand Jurgen Stock, Secrétaire général d'Interpol depuis 2014 (ici en novembre 2018, à Lyon) © AFP or licensors

La présidence de l’institution est un poste plus honorifique qu’autre chose. Le vrai pouvoir est plutôt détenu par le Secrétariat général, qui s’occupe des opérations au quotidien. Celui-ci est depuis 2014 dirigé par un Allemand, Jürgen Stock. Celui-ci maintient vaille que vaille l’institution à flot, engageant réformes et échanges pertinents d’informations.

Un poste "maudit"?

Le Comité exécutif, lui, est renouvelé tous les trois ans (dont à l’Assemblée générale d’Istanbul). Celui-ci, composé de 13 membres, bénévoles, qui définit la politique d’Interpol et contrôle de Secrétariat général durant trois réunions par an, est lui, beaucoup plus perméable aux manœuvres douteuses. A la tête de ce Comité, le président, qui pourrait donc bien être ce fameux général des Emirats. Ce sont 195 personnes (un membre des forces de police par pays) qui désignent ce comité exécutif. Une voix par pays.

L’occasion donc pour des états de pouvoir peser sur l’organisation.


Meng Hongwei, ancien président d'Interpol, en juillet 2017. Il disparaitra mystérieusement l'année suivante. © AFP or licensors

Précédemment, les présidents de l’Organisation n’ont pas tous connu une bonne fortune. L’avant-dernier dernier intéressé en date, le Chinois Meng Hongwei, en est un stupéfiant exemple. Elu en 2016, il… disparaît subitement à Lyon en 2018. Et on le retrouve, en 2020, condamné pour corruption par le régime Chinois. Sa famille proche est actuellement en asile politique en France, demandant à Interpol de se renseigner pour savoir si l’ex-président est toujours en vie.

En 2008, c’est le président originaire d’Afrique du Sud, Jackie Selebi, qui s’est retrouvé dans les geôles de son pays, accusé de corruption.

Eviter la casse

Le grand quotidien français parle d’un naufrage en cours de l’organisation. " Un président digne des missions d’intérêt mondial doit être désigné ", somme l’éditorial du Monde. Et d’en référer au président français "Emmanuel Macron, qui défend l’exemplarité du pays en matière de droits humains, doit tout faire pour éviter le naufrage d’Interpol".


La cheffe de la police tchèque Sarka Havrankova, le 25 novembre 2021 à Istanbul © AFP

Et l’échéance d’une nouvelle claque aux démocrates est donc brève. Demain, l’élection possible du controversé Émirati pourrait, selon les observateurs, en être une – à moins que le choix ne se porte finalement sur une probable candidature d’une Tchèque, Sarka Havránková…-.

En quête de crédibilité

En tout état de cause, il deviendrait urgent de rapidement donc sauver le soldat Interpol, qui serait en passe de s’échouer. Restaurer l’aura et la crédibilité d’une institution bientôt centenaire, qui a un rôle primordial pour la justice et la sécurité au niveau mondial. Moyens, effectifs, plus grande transparence, réformes à poursuivre les défis sont de taille pour que l’aspect prestigieux et l’efficacité d’Interpol restent de mise. Sans cela, c’est peut-être bientôt davantage vers les services d’Europol, organisation entre états du Vieux-Continent (qui collabore néanmoins avec Interpol), que se tourneront avec moins de suspicion, nos démocraties occidentales…


Le président turc R.T. Erdogan à la 89e Assemblée générale d’Istanbul © 2021 Anadolu Agency – Getty

Kevin Dero
RTBF / MCP, via mediacongo.net
C’est vous qui le dites :
8446 suivent la conversation

Faites connaissance avec votre « Code MediaCongo »

Le code à 7 caractères (précédé de « @ ») à côté du Nom est le Code MediaCongo de l’utilisateur. Par exemple « Jeanne243 @AB25CDF ». Ce code est unique à chaque utilisateur. Il permet de différencier les utilisateurs.

Poster un commentaire, réagir ?

Les commentaires et réactions sont postés librement, tout en respectant les conditions d’utilisation de la plateforme mediacongo.net. Vous pouvez cliquer sur 2 émojis au maximum.

Merci et excellente expérience sur mediacongo.net, première plateforme congolaise

MediaCongo – Support Utilisateurs


right
Article suivant Bruxelles : violentes émeutes contre le durcissement des mesures sanitaires se termine
left
Article précédent Chine-Afrique : Pékin voit rouge après les critiques de Jean-Yves Le Drian

Les plus commentés

Société Justice : l'ancien vice-ministre des Hydrocarbures condamné à 20 ans de prison

17.04.2024, 14 commentaires

Economie Acquisition de concession arable à Brazza par le Rwanda : une arme de destruction économique aux portes de Kinshasa (Analyse d'André-Alain Atundu)

18.04.2024, 11 commentaires

Politique Insécurité au Nord-Kivu : la Belgique s’oppose à l’idée de revoir les frontières congolaises sous prétexte d’une médiation

17.04.2024, 9 commentaires

Politique Spéculation autour du rôle de Maman Marthe : « Elle incarne la vision prophétique du parti, UDPS, devant guidé l’action politique du Président de la République. » ( Lisanga Bonganga)

19.04.2024, 9 commentaires


Ils nous font confiance

Infos congo - Actualités Congo - confiance