Sport
Annoncée comme une grande fête dans un grand pays de foot avec de grands passionnés du ballon, la CAN 2022 au Cameroun tarde à drainer du monde dans les stades. À Douala, où le stade Jappoma sonne creux malgré la présence de l’Algérie et de la Côte d’Ivoire, les explications sont nombreuses, mais le vaccin contre le Covid a été le plus pointé du doigt.
Un pays qui respire le football avec des supporters qui le vivent à fond. Le Cameroun du foot a souvent été présenté sous ces traits. Mais depuis le début de cette Coupe d’Afrique à la maison, tant attendue par les supporters après la dernière organisation en 1972, le public reste un des grands absents de la fête. « On a fustigé les clubs européens parce qu’ils ne voulaient pas libérer les joueurs africains, mais à quoi cela sert de libérer des joueurs s’ils viennent jouer dans des stades vides ? s’interroge l’ex-Lion indomptable Joseph-Antoine Bell. Sadio Mané dans un stade avec 100 personnes, ce n’est pas imaginable. (Riyad) Mahrez à Douala, avec 25 personnes, ce n’est pas possible ».
La passion camerounaise du foot a, en fait, pris un coup avant le début de la CAN à cause des restrictions. Le protocole sanitaire de la Confédération africaine de football (CAF) stipule en effet que les supporters ne pourront accéder aux stades dans lesquels se joueront les matches que s'ils sont entièrement vaccinés ou présentent un test PCR négatif de moins de 72 heures ou un test antigénique négatif de moins de 24 heures.
Il faut dire que la volonté d’adosser la vaccination à l’accession aux stades a été ressentie comme un « piège » sinon un « chantage » par de nombreux supporters.
Peu d'affluence au centre de vaccination internationale de Douala. © RFI/Ndiassé SAMBE
La CAN…dope la vaccination
M. Melingui, inconditionnel du foot, croisé à la fanzone de Douala dans le quartier Bonamoussadi, est un suiveur des Indomptables. Il adore aussi voir jouer le Sénégal, le Nigeria, où l’Algérie. Pour autant, il n’est pas allé voir les Fennecs face à la Sierra Leone mardi dernier. « Je ne vais pas au stade à cause du vaccin, lance-t-il d’emblée. Dans les pays d’où proviennent ces vaccins, les gens sont obligés de prendre trois doses, et même ceux qui sont vaccinés meurent. Alors non, je ne le ferai pas ». Et le test ? Le quadragénaire avoue qu’il fera l’effort « pour aller voir le choc Algérie-Côte d’Ivoire ».
Aujourd’hui, les chiffres au Cameroun font état de 3,4 % de vaccinés sur une population de 25,5 millions d’habitants et 4,1 % ayant reçu au moins une dose. Paradoxalement la CAN a…boosté la vaccination à Douala, confie le docteur Nina Belinga de la Délégation régionale de la santé publique. « Les gens ont peur de la vaccination, mais on a eu une petite affluence à la veille de la CAN. Les gens étaient principalement motivés pour se faire vacciner afin de pouvoir aller au stade», explique le médecin trouvé au Centre de vaccination internationale de Douala.
« On n’a pas pu vraiment chauffer les troupes »
Au stade Jappoma, cet engouement pour la vaccination est loin d’être visible dans les gradins lors des rencontres du groupe E; Algérie-Sierra Leone (0-0) et Guinée équatoriale-Côte d’Ivoire (0-1). Un membre du comité d’organisation de la CAN ne cache pas sa déception face aux tribunes clairsemées. « C’est énormément décevant, lâche l’officiel de CAF, qui veut garder l’anonymat. Le Cameroun est un pays de foot et de passionnés, on l’a suffisamment clamé, mais là, on n’a pas pu vraiment chauffer les troupes ». Il estime comprendre ses compatriotes réticents à la vaccination. « Je suis vacciné parce que travailler dans cette CAN m’y a contraint, sinon je ne l’aurai pas fait », avoue-t-il.
À la fanzone du quartier Bonnamoussadi de Douala, environ un millier de personnes étaient présents pour suivre la rencontre entre le Cameroun et l’Éthiopie. © Pierre René-Worns
Loin de Japoma, l’ambiance est donc dans les fanzones de Douala comme celui de Bonnamoussadi où environ un millier de personnes étaient présents pour suivre la rencontre entre le Cameroun et l’Éthiopie. L’entrée est gratuite, ni le test ni le vaccin ne sont obligatoires même si un chapiteau invite les supporters à se vacciner ou se tester.
Alexis, qui n'a d'yeux que pour les Lions Indomptables, n’a jamais effectué de test anti-covid, mais serait tenté de le faire si le Cameroun venait à Douala pour disputer une éventuelle demi-finale. Mais la vaccination « pas question ». Même en échange d’un billet gratuit pour aller voir le Cameroun en finale ? « Même si tu rajoutes miss Cameroun, je n’y vais pas », conclut-il…
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