Dossier
L'Europe a basculé, l'armée russe est entrée en action contre l'Ukraine sur plusieurs fronts simultanés, ce jeudi vers 4 heures du matin. L'invasion tant redoutée et sans doute le pire conflit en Europe depuis 1945 a débuté. Cette crise ukrainienne ravive les tensions entre Moscou et les Occidentaux. Mais comment les régions de Donetsk et de Lougansk sont devenues l'épicentre de ces tensions ? Avec ce dossier, MediaCongo vous dresse les origines de ce conflit.
Dans un discours diffusé à la télévision nationale, Vladimir Poutine semble ainsi avoir enterré les dernières lueurs d'espoir d'une quelconque désescalade du conflit, en affirmant notamment « reconnaître l'indépendance des républiques de Donetsk et de Lougansk ». Si ces territoires se trouvaient déjà sous l'emprise de Moscou depuis quelques mois, cette annonce marque un tournant dans la crise. Il s'agit d'une attaque directe au droit international, ainsi qu'à l'intégrité territoriale de l'Ukraine. L'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont par ailleurs pris des sanctions contre la Russie mais sans que cela n'annihile la volonté du président russe d'intervenir en Ukraine.
Des révolutions de palais entre les Viktor sur base d'influences occidentales ou de la Russie ?
Pendant sa présidence, Viktor Iouchtchenko (à gauche) entretient une forte rivalité avec son Premier ministre Viktor Ianoukovitch (droite).
Des mouvements de troupes russes en novembre dernier à la frontière ukrainienne, jusqu'à la menace d'une invasion jugée imminente par les Occidentaux, les tensions n'ont cessé de s’intensifier depuis plusieurs mois. Tiraillée entre des influences occidentale et russe, l'Ukraine reste divisée depuis plus de huit ans.
Ancienne république soviétique, l’Ukraine joue le rôle d'État tampon entre la Russie, à l’est, et l’Europe, à l’ouest, depuis sa déclaration d’indépendance en 1991. Si le pays conserve malgré tout de puissants liens avec Moscou, les tensions russo-ukrainiennes jaillissent dès 2004.
Le 21 novembre, l’élection du candidat pro-russe, Viktor Ianoukovitch, -victoire soupçonnée d'avoir été truquée- provoque la foudre parmi les Ukrainiens. Offusqués de l'appui médiatique et politique de Moscou à Ianoukovitch, les habitants mènent une série de manifestations politiques soutenue par les Occidentaux: la révolution orange.
Ces protestations contraignent la Cour suprême d’annuler le précédent scrutin et d'organiser un nouveau vote le 26 décembre 2004. Avec 52% des voix, Viktor Iouchtchenko devient le nouveau président. Cet événement marque le préambule du rapprochement de l'Ukraine avec l’Occident, l'Otan ou encore l'Union européenne, et ce n’est pas du goût de Vladimir Poutine. La perspective de cette adhésion est entre autres à l'origine de l'aggravation de la crise ukrainienne, le Kremlin ayant exigé des garanties de la part de l'OTAN afin d’acter l’arrêt de son élargissement vers l'est.
Pendant sa présidence, Viktor Iouchtchenko entretient une forte rivalité avec ses Premier ministres Ioulia Tymochenko et Viktor Ianoukovytch, son rival pro-russe. Il ne parvient pas à résoudre les problèmes économiques et sociaux, ce qui suscite une forte vague de déception chez le peuple ukrainien. Candidat à sa réélection en 2010, il est battu dès le premier tour de l’élection présidentielle, où il arrive en cinquième position avec 5,5 % des voix.
C'est alors le candidat pro-russe, Viktor Ianoukovitch, qui parvient finalement à accéder à la présidence en 2010. Proche et sous pression du gouvernement russe, le nouveau chef de l’Etat signe tout d'abord des accords de rapprochement avec son homologue russe de l'époque, Dmitri Medvedev, dont un traité portant d'une part sur le prolongement pour 25 ans du bail de la flotte russe de la mer Noire à Sébastopol en Crimée.
L'intervention de la Russie
Face à une Russie particulièrement attachée à son ex-satellite, il annonce, par la suite, la fin de la coopération et des échanges avec l’Union européenne et de « relanceer un dialogue actif avec Moscou » au détriment de l'Otan. En fevrier 2014, une vague de protestations pro-européennes, provoqué par cette décision de suspendre l’accord d'association, envahit la capitale du pays, puis l’ensemble de l'Ukraine.
Ce mouvement de révolte populaire contre le pouvoir russe, connu sous le nom de « Révolution du Maïdan » pousse le président ukrainien à la fuite vers sa ville natale et son fief politique de Donetsk avant de terminer en Russie, puis à sa destitution par le Parlement avant d'être condamné par contumace en Ukraine.
le 13 avril 2014, Viktor Ianoukovytch accuse les États-Unis, en particulier la CIA, d'être directement impliqués dans les événements en Ukraine, affirmant qu'ils doivent assumer « une part de responsabilité pour le déclenchement de la guerre civile dans ce pays ». Il ajoute que l'Ukraine a un pied dans la guerre civile, à cause de « nationalistes », et qu'elle se dirige « vers la faillite »
En guise de représailles, Vladimir Poutine décide d’annexer la Crimée dès le mois de mars. Dans la foulée, à l'Est de l'Ukraine, dans le courant du mois d'avril, les pro-russes prennent d'assaut les bâtiments de plusieurs villes de l'oblast de Donetsk et de l'oblast de Louhansk et proclament l'indépendance des deux régions en tant que République populaire de Donetsk et République populaire de Louhansk.
Des référendums d'autodétermination sont organisés le 11 mai 2014 afin de « valider » ces déclarations d'indépendance, référendums qui, sans surprises, ont recueilli selon les autorités qui les ont organisés une très large majorité de voix favorables. C’est là qu’a débuté la guerre du Donbass, entre séparatistes d’un côté et armée ukrainienne de l’autre.
Création d'« une zone d'instabilité permanente »
Depuis huit ans, en dépit des accords de Minsk - signés en 2014 et 2015 afin d'accorder un statut spécial aux deux entités et devait conduire à des élections et à une très large autonomie de ces deux territoires en échange d'un retour dans le giron ukrainien - le processus de paix n'a guère progressé. Les accrochages entre les séparatistes et l’armée ukrainienne restent quotidiens dans ces deux territoires du Donbass, contrôlés par les rebelles. Si Moscou le nie encore, Kiev et ses alliés occidentaux l’accusent de soutenir militairement et financièrement les séparatistes prorusses.
Après de violents affrontements en septembre 2021, Vladimir Poutine décide de mobiliser ses troupes, afin de « protéger » les combattants prorusses. Aujourd'hui, les bombardements ne cessent de s'intensifier sur la ligne de front entre les forces gouvernementales ukrainiennes et les séparatistes prorusses dans les régions sécessionnistes. Ce conflit affichait déjà à ce jour un bilan de plus de 14.000 morts et d’1,5 million de déplacés.
« La Russie veut l'autonomie de ces territoires dans la Constitution ukrainienne, des élections au Donbass puis une démilitarisation – ces points figurent dans cet ordre » dans le texte, explique Alexandra Goujon, maître de conférences à l'université de Bourgogne et auteur de « L’Ukraine : de l’indépendance à la guerre ». Mais, « l'Ukraine considère qu'il est impossible d'organiser des élections tant que la zone ne sera pas démilitarisée. »
« Ce conflit est fait pour ne pas être résolu », analyse-t-elle. « L'objectif russe est de déstabiliser l'Ukraine en profondeur, afin que le pays ne puisse pas faire ses propres choix en matière de politique étrangère, par exemple avec une adhésion à l'Otan ou à l'UE. »
De son côté, « L'Ukraine n'a pas très envie non plus de réintégrer ces territoires et l'opinion est très remontée à l'égard des populations de ces territoires séparatistes, considérés comme des traîtres », analyse Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences en science politique et spécialiste des sociétés post-soviétiques.
En résumé, Kiev est peu enclin à des concessions pour récupérer ces territoires, et Moscou compte exploiter le dossier aussi longtemps qu'il en aura besoin.
Challenges / France TV Info / Le Parisien
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