Dossier
Les contestations contre la Monusco (Mission de l'ONU pour la stabilisation en RDC), accusée d'inefficacité dans la lutte contre les groupes armés, sont loin d'être un fait nouveau et la présence de cette force de la paix en RDC pendant si longtemps a toujours fait débat au regard des moyens mis à la disposition; des faibles résultats obtenus sur terrain dans la lutte contre des dizaines de groupes armés locaux et étrangers qui déstabilisent l'Est du pays depuis près de 30 ans; et enfin, en comparaison à l'opération Artémis - l'opération menée en juin 2003 par l'Union Union européenne en Ituri pour empêcher une catastrophe humanitaire et globalement sauver le processus de paix en RDC et mettre ainsi un terme au conflit armé.
Ainsi, les violentes manifestations contre la présence de la Mission des Nations Unies au Congo (Monusco) qui se sont déroulées fin juillet à Goma, Butembo, Uvira, visant les installations et les contingents de la Monusco et qui sont soldées par le décès de 30 Congolais, trois Casques bleus et au moins 61 blessés dans plusieurs de ces villes de la province du Nord-Kivu, ainsi que par le pillage des installations onusiennes, y compris par des militaires, ne sont qu'un de ses multiples rappels sur une force de maintient de la paix inefficace.
Présente en RDC depuis 1999, la Monuc (Mission de l'ONU au Congo) qui est devenue la Monusco (Mission de l'ONU pour la stabilisation en RDC) en 2010, compte actuellement plus de 14 000 soldats de la paix; c'est l'une des plus importantes et des plus coûteuses missions de l'ONU au monde, avec un budget annuel d'un milliard de dollars.
Ressentiment général d'une inefficacité de la Monusco
"Malgré la présence de ces troupes, beaucoup de violences ont continué à être commises. C'est un ressentiment qui date de longtemps. A l'époque de Joseph Kabila, il était déjà question du retrait de la force onusienne à la demande du gouvernement congolais, mais il n'y a jamais eu de consensus", explique le politologue Dieudonné Wamu Oyatambwe.
Outre d'inefficacité, elle est aussi accusée au RD Congo de complicité avec des réseaux exploitant les ressources naturelles du pays. "Il y a de plus en plus de cas connus ou dénoncés, impliquant des agents de la Monusco dans des stratégies d'exploitation de certains groupes, ce qui a encore ajouté au discrédit qui pèse sur la mission", fait savoir ce spécialiste de l'Afrique.
Si la contestation de cette mission n'est pas neuve, jamais elle n'avait été aussi violente. "Cela intervient dans un contexte de ressentiment et de colère généralisée, depuis la réapparition du mouvement M23 et les tensions avec le Rwanda. Il ne faut pas non plus oublier les mouvements de contestation de la présence de certaines forces étrangères dans d'autres pays comme au Mali et en Centreafrique, dont les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs de la population. Tout cela fait tache d'huile et a un impact sur ce qu'on observe aujourd'hui en RDC", poursuit Dieudonné Wamu Oyatambwe.
Par ailleurs, pour le professeur José Adolphe Voto, enseignant à l’école de journalisme de Kinshasa, "On a atteint un niveau qu’on a jamais atteint concernant les revendications contre la MONUSCO et vis-à-vis des Nations unies de manière générale" car ces évènements tombent aussi dans "des circonstances où il y a eu des résolutions des Nations unies qui confirment encore l’embargo sur la RD Congo alors que le pays se dit attaqué et le Congo n’a pas le droit de s’approvisionner en armement pour se défendre, mais par contre, la même Monusco, qui représente les Nations unies au Congo, déclare que les rebelles auraient des armes plus sophistiquées que l’armée congolaise, et même plus que la Monusco."
Débat sur le désengagement de la Monusco
Pourtant, pour faire face à l'insécurité grandissante à l'Est et la guerre asymétrique que livrent les groupes armés, et nations voisines à la RDC dans cette région, l’armée congolaise, elle-même, est reconnue comme impuissante et considérée par beaucoup comme infiltrés. En raison justement de ces faiblesses, les FARDC se sont, à juste titre, jusqu'à présent, toujours appuyées sur la MONUSCO qui lui procure les soutiens multidimensionnels : logistiques, militaires, opérationnels, voire des renseignements... sans oublié, une sorte de porte-voix de la RD Congo auprès des grandes puissances siégeant au Conseil de sécurité des Nations Unies par ses divers rapports et expertises qui détaillent la situation sur le terrain des opérations. D'où les différents débat sur le moment du départ effectif de cette force onusienne de la paix que soulève plusieurs experts avec comme arguments: un retrait planifié et non précipitée et une réorganisation complètes des structures de l'armée nationale.
Ainsi, pour le politologue Dieudonné Wamu Oyatambwe, il faudrait plutôt redéfinir cette mission de l'ONU et ses axes d'intervention sur le terrain, "pour qu'elle soit plus opérationnelle, plus au front, avec des résultats plus tangibles. Si c'est pour rester là 20 ans, avec une présence symbolique et contre-productive qui n'apporte pas de résultats, elle va continuer à être décriée. Il faut redéfinir on garde quoi, où et pourquoi".
Pour l'heure, le gouvernement et la Mission de l'ONU pour la stabilisation en RDC ont annoncé avoir ouvert une enquête conjointe afin de faire la lumière sur ces violentes manifestations mais, Kinshasa envisage également de la manière la plus sérieuse, la possibilité d'accélérer le processus de désengagement de la Monusco par un départ anticipé...
Source: RTBF/BBC Afrique/Thinking Africa
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