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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 08 avril 2024
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Politique

La Balkanisation de la RDC : une mauvaise solution (Analyse d’Oasis Kodila Tedika*)

2023-02-02
02.02.2023
Economie / Chroniques & Analyses
2023-02-02
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La Balkanisation est-elle vraiment un problème pour la RDC ? On m’a posé cette question. Elle préoccupe certains esprits. Ceux qui se la posent estiment le plus souvent que le Congo serait trop grand pour nous. Ainsi, les Congolais n’en profitent pas. Tantôt ils estiment que la superficie du pays est telle qu’il est difficile de constater la présence de l’Etat ou son autorité partout. Les derniers événements au Maniema liés à la barbarie de certains sur les femmes ou les crises à répétition à l’Est constitueraient des preuves soutenant cet argumentaire. Tantôt cette grande superficie nous empêche de jouir pleinement de ce pays. Bref, il n’y aurait vraiment rien à craindre de la balkanisation, parce qu’elle nous permettrait de mieux gérer « nos » pays et mieux vivre. Pourtant, tout cet argumentaire est infondé économiquement.

En effet, au-delà de la considération « morale » ou du patriotisme qui présente la thèse de la balkanisation comme une trahison par rapport à l’esprit constitutionnel, il existe des arguments factuels pour opposer à cette argumentation. Mettons les choses en perspective, en recourant à l’économie de la croissance. L’Occident moderne qui fait beaucoup rêver a mis 300 ans pour le devenir. Le Japon, un peu moins de 100 ans. L’Asie du Sud-Est qui a rejoint le club des pays développés, approximativement 50 ans ! La vérité qui se cache derrière ce titre, hormis la considération de la traitrise, est la précipitation « légitime » vers le développement. En effet, plus le temps avance, plus la vitesse de convergence pour les pays qui rattrapent les pays développés semble s’amplifier. Dans cette veine, on est ainsi impatient de voir le Congo se développer, de rejoindre ce club. Et ce de manière légitime. Cette problématique du développement est intimément liée à la capacité de l’Etat (et donc son autorité), comme démontré dans plusieurs articles scientifiques aussi bien en économie qu’en science politique. Il est on ne peut plus clair que la solution n’est pas tant la balkanisation, mais plutôt le développement.

On va sans nul doute m’opposer « justement la balkanisation est nécessaire pour aller vite au développement. » Sous-entendu : avoir de petits Etats est un avantage pour le développement. Cet argument ne tient pas ! William Easterly et Aart Kraay ont un article scientifique qui permet de juger de la non-pertinence dudit raisonnement. Ces deux brillants économistes, de réputation planétaire, ont montré que les petits Etats ou micro-Etats n’ont pas forcément des taux de croissance différents de grands Etats. En plus, ces micro-Etats connaissent plutôt des taux de croissance plus volatiles, donc plus instables pour parler simplement. Pour faire simple, considérons les pays ayant des superficies plus importantes (à savoir le Canada, les Etats-Unis, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, la Chine, l’Algérie, l’Inde, le Kazakhstan, la Russie et le Soudan) que celle de la RDC à sa naissance. Trois (le Canada, les Etats-Unis et l’Australie) de ces pays sont actuellement des pays à revenu élevé (soit un Revenu National Brut par habitant supérieur à 13205 USD par an). Sont classés parmi les pays à revenu intermédiaire (1 086 USD - 4 255 USD pour le revenu intermédiaire inférieur et 4256USD - 13205 USD pour le revenu intermédiaire supérieur) : l’Algérie (revenu intermédiaire inférieur), l’Inde (revenu intermédiaire inférieur), l’Argentine (revenu intermédiaire supérieur), le Brésil (revenu intermédiaire supérieur), la Chine (revenu intermédiaire supérieur), le Kazakhstan (revenu intermédiaire supérieur) et la Russie (revenu intermédiaire supérieur). Il y a seulement le Soudan – lui qui était un pays à revenu intermédiaire inférieur en 2019 – qui est tombé dans la classification des pays à revenu faible. Enseigne où l’on retrouve la RDC. En somme, la taille du pays n’est pas tant un obstacle pour connaître le développement. En sus, tous ces pays n’ont pas des problèmes d’autorité de l’Etat, sauf le Soudan. Ironie de l’histoire, c’est ce Soudan, qui a été balkanisé et avec des problèmes de sécurité ou autorité de l’Etat de manière générale.

Le cas du Soudan est encore plus intéressant. Il a été à un moment plus grand que la RDC et a fini sa trajectoire dans la catégorie balkanisée. Qu’est-ce qui s’est passé depuis dans la partie balkanisée ? En 2021, les économistes Joseph Mawejje et Patrick McSharry ont apporté la réponse dans un article scientifique captivant. Ces chercheurs montrent que le choc prolongé du conflit a entrainé une perte cumulée du taux de croissance du PIB réel par habitant – mesure du développement économique – de 69,6% (soit une moyenne annuelle de 15,6%) sur la période de 2012-2018. Différemment dit, le PIB per capita du Sud Soudan n’était que 1/3 de ce qu’il aurait été en l’absence du conflit. La balkanisation n’a pas donc réglé ses problèmes. Enfonçons encore le clou, en allant au-delà de ce pays pour éviter l’étiquetage d’un probable biais de confirmation. Les économistes Jo Reynaerts et Jakob Vanschoonbeek évaluent que les effets de la sécession ou fragmentation en couvrant un nombre important des pays au cours de la période de 1940 à 2017. Ils trouvent que la fragmentation/sécession étatique a fait baisser le PIB par habitant, en moyenne d'environ 24 % au cours de 10 années suivantes. L’ampleur de l’effet diffère naturellement d’un pays à un autre, mais les pays enclavés non producteurs du pétrole souffrent davantage que les autres. En cas de balkanisation de la RDC, combien de pays sortiront de la RDC sans accès à la mer avec une dotation pétrolière nulle ? Par ailleurs, cette multiplication des frontières ne sera pas non plus sans incidence sur l’intégration et le développement de ces nouveaux Etats comme l’ont montré notamment les économistes Enrico Spolaoré et Romain Wacziarg.

On peut multiplier les évidences empiriques. Mais la vérité reste la même : la balkanisation ne va pas amener la prospérité immédiate que les Congolais voudraient avoir rapidement, lui à qui l’on ne cesse de dire que son pays est immensément riche, ni derrière elle (prospérité) la sécurité et la présence de l’Etat sur tout le territoire. Donc, la balkanisation ne constitue pas la solution économiquement au-delà de toute autre considération. Cui prodest ? En tout cas pas le peuple a priori.

*Oasis KodilaTedika est un économiste et auteur récemment du livre Financement du développement en RDC : diagnostic, opportunités et perspectives. 


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