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Chroniques & Analyses

Botswana : un modèle de développement pour la RDC ? (Analyse d’Oasis Kodila Tedika*)

2023-05-24
24.05.2023
2023-05-24
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A Jwaneng, Le président Félix Tshisekedi veut s’inspirer du Botswana pour relancer l’industrie du diamant en RDC (© Photo Présidence RDC)

 

En séjour au Botswana, le Président de la République s’est vu dans l’obligation de reproduire le modèle de ce pays. Probablement à cause de résultats engrangés par ce pays. Si vision il y a lieu, ce retournement alors de la situation augure des défis importants. Ne serait-ce de l’intelligence à consacrer de la part de son staff économique pour considérer notamment la littérature scientifique dense sur ce pays. Mais en quoi sommes-nous identiques et différents pour que ce pays serve d’exemple au Congo de Lumumba ?

A de nombreux égards, la RDC et le Botswana diffèrent. Le Botswana est à vrai dire un succes story. Il tient ce titre au regard de ses performances par moment au-delà de tous les autres pays du monde. Entre 1980 et 2009, ce pays a connu la croissance moyenne du PIB la plus élevée au monde, soit 6,8 %. Et oui, ce n’était pas la Chine ! A voir le graphique ci-dessous – conçu avec les données de World Development Indicators, le cliché est clair : le Botswana a fait nettement la différence comparée à la RDC. Un botswanais vit 12,7 fois mieux qu’un congolais en 2021. A l’indépendance de la RDC, le rapport était en faveur de la RDC : 1 congolais valait 3,2 botswanais. Derrière ce changement de rapport se cache un différentiel de croissance énorme : entre 1961-2021, le PIB par habitant a cru en moyenne de 4,84% au Botswanais contre -1,3% en RDC. De ce fait, le PIB par habitant ($ US constants de 2015 - pour éliminer l’effet de l’inflation) botswanais s’est situé à 6.367 USD contre 501 USD pour le congolais moyen en 2021. Ce n’est donc pas pour rien que la RDC a été classée parmi les tragédies de la croissance pour reprendre l’expression de William Easterly et Ross Levine ou les tragédies économiques du XX siècle pour reprendre l’expression de Elsa V. Artadi et Xavier Sala-i-Martin. Si on considère la Parité de Pouvoir d'Achat (PPA) afin d’égaliser le pouvoir d’achat entre pays, le PIB par habitant  ($ PPA internationaux constants de 2011) botswanais s’est élevé à 14.841 USD, alors que le congolais moyen n’avait que 1.074 USD, soit 13,8 moins que celui du pays comparateur.

La différence ne tient pas seulement sur le plan de la richesse ou le développement économique. Le stock du capital humain Botswanais demeure plus élevé par rapport à la RDC. En effet, les données les plus récentes des Nations-Unies indiquent le nombre d’année moyenne de scolarisation est de 10,3 ans dans le premier pays contre 7 ans en RDC. Et si l’on ajuste ce nombre d’année en fonction de la qualité d’apprentissage (Learning Ajusted Years of Schooling – LAYS), le score du Botswanais est à 5,1 ans selon les données de la Banque mondiale. A contrario, la performance congolaise s’établit à 4,5 ans. Quant à la santé, l’espérance de vie est de 61,1 ans contre 59,2 ans. En des termes de développement humain de manière générale, l’IDH botswanais se situe à 0,693 contre 0,479 pour la RDC selon les dernières informations. Tout compte fait, il est clair que la RDC est moins avancée que le Botswana.

Cela dit, l’enjeu est de comprendre le soubassement de ce différentiel qui s‘est imposé dans le temps. En cause, plusieurs facteurs naturellement. La similarité entre les deux pays se dégage dès lors que l’on considère les ressources naturelles. Ces deux pays ont une dotation importante en ressources naturelles, notamment dans le diamant. En RDC, cela s’est traduit par une belle illustration de la théorie de la malédiction des ressources naturelles, avec notamment les conflits qui en découlent. Curieusement, le Botswana s’en tire sans heurt. Un beau démenti pour tous ceux qui souffrent du syndrome d’Adam pour ne pas assumer l’échec collectif du pays depuis son indépendance ! 

Si le Botswana réussit à s’immuniser contre la malédiction des ressources, c’est parce que le pays a visiblement trouvé l’antidote ou le vaccin. Déjà, à la base, le Botswana n’est pas un pays très divisé ethniquement et a trouvé comment contrôler les tensions ethniques. L’ethnie domi­nante (Tswana) regroupe 79 % de la population. L’indice de la fragmentation ethnique d’Alesina et al. (2003) – qui mesure la probabilité de tirer au hasard deux personnes appartenant à deux ethnies différentes – permet de classer le Botswana à 86ème position avec une probabilité de 0,4102 contre la RDC qui se positionne à la 186ème position avec un indice de 0,8747.

Une telle situation a facilité l’adoption des institutions politiques inclusives au Botswana. A son tour, ce soubassement a conduit notamment à développer visiblement un « marché des élites pour le développement » du pays pour reprendre l’expression de Stefan Dercon dans nouveau livre Gambling on Development. Ainsi, la structure économique a complètement changé au fil du temps. Au Botswana, alors que la part de l’agriculture dans l’économie dépassait 40 % à l’indépendance, elle ne représente plus que 1,7 % du PIB en 2021. En RDC, la valeur ajoutée de l’agriculture représente encore 19% du PIB. Dans un livre récent, Elliott D. Green explique que ce changement structurel de l’économie botswanaise a sensiblement réduit les tensions ethniques et la problématique de l’identification ethnique au profit de l’identification nationale.

Aussi, pour gérer la malédiction des ressources, il faut des institutions de qualité comme l’ont démontré Halvor Mehlum et al. et toute la littérature académique y relative. En développant des institutions relativement inclusives, le Botswana a su gérer cette malédiction. En effet, dans le classement en termes de gouvernance des ressources naturelles de 2017, le Botswana occupe la 18ème place avec une note de 61 sur 100. Au Congo démocratique, la note a été de 25 sur 100, plaçant en conséquence le pays à la 84ème position. Pour le classement le plus récent (2021), la RDC a gagné 13 points. La performance demeure toujours faible. La corruption perçue y est importante, soit 20 sur 100 reléguant ainsi le pays à la 166ème place sur 180 pays classés selon les données de Transparency International en 2022. Au Botswana, le score s’élève à 60 sur 100. Le pays occupe la 35ème place.

Par ailleurs, au-delà de ces considérations, le Botswana a exploité différentes politiques publiques (politiques industrielles, politiques de change, poli­tiques commerciales et politique budgétaire beaucoup plus volonta­riste) pour lesquels il est apprécié. Néanmoins, tout n’est pas parfait, en témoigne à titre indicatif le déclin de la part de l’emploi industriel sur l’emploi total, qui est passé de 26% en 1990 à 15% en 2021. S’inspirer du Botswana est un changement de paradigme dans le narratif de la vision et constitue un vrai défi, d’autant plus que le transplant institutionnel est un exercice difficile. Bonne chance ! Si on réussit, ça sera à l’avantage du pays.

*Oasis KodilaTedika est un économiste et auteur récemment du livre Financement du développement en RDC : diagnostic, opportunités et perspectives.

 


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