Interviews
A
l'issue du scrutin crucial du 29 octobre dernier, Eric des Pallières,
Adjoint du chef de la Mission d'observation électorale de l'Union européenne(MOE)
en RDC, décrit la composition et l'action de la MOE. Par la même
occasion, E. des Pallières livre à mediacongo.net ses impressions
quant au déroulement du processus électoral.
Eric des Pallières, vous êtes l'adjoint de Philippe Morillon,
chef de la Mission d'observation électorale de l'Union européenne(MOE).
Précisez-nous exactement le rôle de la MOE ?
Nous sommes ici à l'invitation de la Commission électorale indépendante.
Compte tenu de l'importance de ces premières consultations pluralistes
en République démocratique du Congo depuis plus de quarante ans,
la Commission européenne a décidé, en concertation avec
ses Etats membres, de déployer une mission d'observation électorale
pour observer les élections présidentielle, législatives
et provinciales. Près de 300 observateurs venant des 25 pays membres
de l'UE, mais aussi de Norvège, Suisse et Canada, ont été
déployés à travers les 11 provinces du pays pour observer
le déroulement des scrutins bien sûr, mais aussi pour évaluer
de manière objective et documentée l'ensemble du processus électoral,
de l'enregistrement des électeurs à l'établissement des
résultats, en passant par les préparatifs techniques, la campagne
électorale, le comportement des médias, etc. La Mission d'observation
électorale suit donc l'ensemble du processus jusqu'à son terme
et ne s'achève qu'avec la publication d'un rapport final détaillé
comprenant nos conclusions et nos recommandations.
Quelle est la durée de cette mission au Congo ?
Pour le référendum constitutionnel de décembre 2005, nous
avions déployé une première Mission de dimension plus réduite
dès le début du mois de novembre... L'actuelle Mission d'observation
des élections présidentielle, législatives et provinciales
est présente au Congo depuis le 9 juin dernier et les équipes
d'observateurs de long terme sont restées dans le pays jusqu'à
la fin de la compilation des résultats des législatives. Entre
les deux tours de l'élection présidentielle, nous avons maintenu
une présence à Kinshasa tandis que près de 300 observateurs
revenaient au Congo dans le courant du mois d'octobre. Ainsi, nos observateurs
de long terme ont-ils rejoint leur lieu d'affectation, dès le 10 octobre
pour rester en place jusqu'à la proclamation des résultats provisoires
par la Commission électorale indépendante (CEI). La présence
d'observateurs internationaux impartiaux, comme celle des témoins des
candidats, dans les Centres locaux de Compilation des résultats (CLCR)
durant toute la phase d'établissement des résultats constitue
évidemment un élément essentiel de transparence. Quant
à la publication des résultats, de façon décomposée
par bureau de vote, elle est indispensable à l'intégrité
comptable des résultats nationaux et par circonscription.
Quelle est la composition de votre équipe et quel est le budget alloué
à la Mission ?
Les 300 observateurs dont une centaine de long terme sont encadrés par
une équipe d'une quinzaine de personnes installée à Kinshasa.
Cette équipe cadre est composée d'analystes dans les domaines
électoraux, politiques, juridiques et des médias, elle gère
également la logistique et donc le déploiement sécurisé
de nos observateurs dans l'ensemble de ce pays- continent. Comme vous le savez,
la plupart des déplacements de Kinshasa vers l'intérieur du pays
ne peuvent s'effectuer qu'en avion. L'équipe cadre coordonne tous les
observateurs et mène des contacts permanents avec l'ensemble des acteurs
du processus électoral, la Commission électorale indépendante,
la HAM, les partis politiques et les candidats, les réseaux d'observation
nationale et internationale. Elle gère, par ailleurs, quelque douze analystes
congolais qui assurent le monitoring des médias durant tout le processus
électoral. Enfin, l'équipe cadre entretient des relations régulières
avec les journalistes, les partis politiques, la société civile
et le public. Le budget alloué à l'ensemble de la Mission est
d'environ 6,8 millions d'euros.
Quelle méthodologie avez-vous mis en place ?
Cela fait une bonne dizaine d'années que l'UE déploie des Missions
d'observation électorale comme celle-ci non seulement en Afrique, en
Asie, mais aussi au Moyen Orient ou en Amérique latine et leur méthodologie
est maintenant éprouvée. Toutes les MOE UE opèrent conformément
à la Déclaration de principes pour l'observation internationale
d'élections et au Code de conduite à l'usage des observateurs
électoraux internationaux. Elles disposent de critères objectifs
pour effectuer une évaluation documentée du processus électoral
selon les standards internationaux auxquels la République démocratique
du Congo a adhéré. J'ajoute que cette Mission en RDC est la plus
importante jamais déployée par l'Union européenne.
Quel est, selon vous, le sentiment de la population envers la MOE ?
Pratiquement, cela fait un an que nous sommes ici. Un an de rencontres avec
les responsables politiques, les médias, les responsables des partis,
la société civile,
Un an de présences sur le terrain
autour du processus électoral ne passe évidemment pas inaperçu.
Dans la mesure où nous contribuons à légitimer le processus
électoral et à dissuader la fraude, nous pensons que nous renforçons
la confiance du public dans ce processus et dans le travail que nous accomplissons.
Pourquoi l'Union européenne a-t-elle choisi le Congo comme partenaire
privilégié, notamment en finançant, en grande partie, l'organisation
des élections en RDC ?
C'est aux représentants de l'Union européenne qu'il faudrait poser
la question. Nous ne sommes qu'observateurs
Comme Mission d'observation
électorale de l'Union européenne au Congo, nous sommes en effet
totalement indépendants des instances européennes et, entre autres,
de la Délégation de la Commission européenne ici. Nous
sommes évidemment fiers de travailler sous la bannière européenne,
mais, j'insiste, comme observateurs électoraux, nous avons un mandat
très particulier et nous agissons en toute indépendance. Nos rapports
ne sont dictés que par nos observateurs, par ce qu'ils ont vu, analysé
et évalué sur le terrain. Finalement, nous ne devons rendre des
comptes qu'aux seuls Congolais et Congolaises. Oui, nous sommes redevables vis-à-vis
de la population de la RDC. C'est tout.
Si vous deviez qualifier, en quelques mots, le déroulement des scrutins
du 29 octobre, que diriez-vous ?
Avec l'aide de ses partenaires internationaux, comme le Projet d'appui au processus
électoral au Congo ou la Division électorale de la Monuc, la Commission
électorale indépendante (CEI) a montré sa capacité
à organiser des scrutins particulièrement complexes dans un pays
immense mais pauvre en infrastructures. Par rapport aux élections du
30 juillet, la CEI a consenti de solides efforts pour améliorer et clarifier
ses procédures. Et, en dépit des affrontements du mois d'août
et d'un climat délétère, elle a gardé le cap du
29 octobre pour le deuxième tour et les provinciales. Cependant, nos
observateurs ont pointé plusieurs lacunes ou manquements, dus notamment
à la publication tardive de certaines procédures qui n'ont pas
pu être appliquées. Nos observateurs ont notamment pointé
une utilisation intempestive des listes d'omis, listes électorales spéciales
et registres de dérogation pour des électeurs non admis à
voter.
La MOE UE devra aussi évaluer l'incidence sur les scrutins de l'assistance
fréquente des témoins aux électeurs analphabètes
ou handicapés. Quant aux grands médias audiovisuels, ils sont
loin d'avoir assuré une couverture équilibrée de la campagne,
certains se plaçant même au service exclusif d'un candidat ou relayant
des messages de haine et d'incitation à la violence. La MOE UE a aussi
pointé le rôle de la RTNC qui a violé son obligation d'égalité
d'accès des candidats à l'antenne, au seul profit du président
sortant. Et si, durant la campagne, la Haute Autorité des Médias
(HAM) a fait preuve d'une grande fermeté vis-à-vis des chaînes
privées, elle s'est montrée plus timorée à l'égard
de la RTNC.
En marge de votre mission d'observation électorale, quelle image
gardez-vous du Congo et de sa population ?
Une image d'enthousiasme et de détermination. Oui, je garderai l'image
d'une population qui a donné une solide leçon de civisme à
ses dirigeants et témoigné au monde de sa volonté d'entrer
démocratiquement dans une ère de paix et de stabilité.
J'ai été impressionné par la mobilisation dans tous les
bureaux de vote de très nombreux témoins des partis politiques
et par le nombre d'observateurs nationaux. J'espère désormais
que les dirigeants se montreront à la hauteur des attentes de la population
congolaise en adoptant, à l'égard de leurs adversaires politiques,
des comportements de respect mutuel.
Eric des Pallières dans son bureau à Kinshasa
Eric des Pallières dans son bureau à Kinshasa
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