Exécution des travaux du stade des Martyrs : les chiffres qui éclaboussent Serge Nkonde

Les équipes de l’Inspection générale des finances entrent cette semaine dans le vif de leur travail d’enquête sur le niveau d’exécution des travaux du stade des Martyrs par rapport aux gros moyens décaissés par l’État congolais. Ils sont missionnés par le gendarme financier de la République, Jules Alingete Key auprès du ministère des Sports et loisirs, de la Banque centrale du Congo et du Stade des Martyrs.

Objectif, contrôler premièrement la destination des fonds décaissés du Trésor public du 1er janvier 2022 à ce jour pour la réhabilitation du stade des Martyrs. Deuxièmement, dresser la liste des prestataires et fournisseurs bénéficiaires des paiements effectués et vérifier le niveau d’exécution physique et financier des travaux et enfin établir les responsabilités.

Des informations reçues par Ouragan certifient que des millions de dollars sont sortis du Trésor public à la demande du ministre des Sports, Serge Nkonde pour remettre à l’état le stade des Martyrs qui courait le risque de fermeture.

La clameur publique enfle après la non homologation du stade des Martyrs. Pourtant, des fonds suffisants sont bel et bien sortis du Trésor public pour la cause. Mais là où le bât blesse, c’est ce raccommodage de mauvais goût qui y a été légèrement imprimé. Un replâtrage mené à la manière des amateurs, sans tenir compte des exigences du cahier des charges du projet de réhabilitation de l’ouvrage.

Le ministère des Sports a préféré recourir à une société de pacotille, sans expertise avérée et non agréée FIFA pour mener les travaux. Conséquence, c’est de la camelote, des bazars qui éclaboussent le ministre des Sports. Les images en circulation sur les réseaux sociaux en disent long. On y voit des compartiments nauséabonds et crasseux qui font la honte de la République.

La surfacturation

Le ministre des Sports, Serge Nkonde a préféré recourir à une société immatriculée à Cape Town en Afrique du Sud pour mener les travaux. Tenez, la pelouse dans les états de somme présentés par le ministre des Sports- documents publiés sur les réseaux sociaux devait être hybride. Montant : 1.700.000 dollars américains. Pourtant, la pelouse posée au stade des Martyrs est synthétique. Duperie. En Afrique, seul le nouveau stade Abdoulaye-Wade de Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de Dakar, a une surface couverte par cette pelouse hybride.

Première arnaque. Vérification faite auprès des experts du domaine, la pelouse hybride dans une maison agréée FIFA nage entre 1 million 100 mille et 1 million 200 mille dollars. Ce montant couvre aussi les travaux de la pose de la pelouse, les frais de maintenance pour une année et la formation du personnel local.

De l’avis des experts interrogés par Ouragan.cd, le prix de cette pelouse synthétique posée au stade des Martyrs varie entre 800 et 900 mille dollars. Où serait parti le reste d’argent ? Dans le cadre des travaux de rénovation du stade des Martyrs, le ministre avait sollicité 1 million 200 mille dollars américains pour couvrir le terrain annexe du stade des Martyrs d’un gazon synthétique. Chantier inexécuté. Jusqu’aujourd’hui, aucune trace des travaux n’y est perceptible.

Peut-être pour se couvrir, ils pourront s’exécuter dans la précipitation, question de répondre aux nombreuses interrogations de l’opinion sur la véritable destination des fonds décaissés par le Trésor, bien que le délai de livraison soit largement dépassé. Aussi bien pour le grand stade que pour le terrain annexe, le prix de la pelouse synthétique de Nkonde ne vaut pas 1 million 200 mille ou 1 million 400 mille. Clientélisme, c’est à la société K-ELICTRICAL spécialisée dans les questions d’électricité que le ministre a accordé le marché. Ladite société prétend avoir négocié et conclut le marché de la pelouse avec une société italienne dénommée LIMONTA SPORT.

Comme pour la pelouse, K-ELICTRICAL a fourni les 354 projecteurs pour la lumière de l’aire de jeu à un prix exorbitant de 1 million 965 mille dollars. Vérification faite, le prix des équipements pour faire jouer les matches de nuit pour de telles enceintes reviendrait, selon les fournisseurs agréés FIFA, à une somme variant entre 400 mille et 500 mille dollars américains.

Là encore les écarts sont énormes. Le ministre Nkonde doit des explications aux limiers d’Alingete. Dans cette opération de saignement du Trésor public, la même société a fourni les chaises à 30 euros la pièce. Alors que sur le marché, elle revient à 17 dollars. Pour un total de 65 000 chaises devant couvrir le reste du stade, l’État a sauvagement été sucé.

Inexpertise K-ELICTRICAL

Sans expertise nécessaire, la société s’est permise de perforer les gradins, prétendument pour bien fixer les chaises. Malheureusement, les murs n’ont pas été épargnés de fissurations très prononcées, faisant ainsi suinter des eaux des pluies. Ce qui a fait tomber les plafonds des vestiaires de l’infrastructure. Les inspecteurs de la CAF ont été sidérés de constater tant de dégâts. Ni aucun effort pour essayer de corriger ces ratés lamentables. Indignés, les inspecteurs ont désapprouvé cet état de choses.

Marché de gré à gré

Le ministre des Sports, Serge Nkonde a attribué le marché de la réhabilitation du stade des Martyrs de gré à gré à K-ELICTRICAL, une société immatriculée en Afrique du Sud. Elle ne paye pas l’impôt au Congo. Ce qui est une violation très grave de la loi sur la passation des marchés publics. Des millions reçus, rien n’a été versé par K-ELICTRICAL au fisc congolais. Incroyablement inadmissible.

Crasse et puanteur au Stade des Martyrs

Quelle n’a pas été la surprise des inspecteurs de la CAF de trouver le stade, le jour de la visite, dans un état piteux. Une insalubrité indescriptible dans presque la plupart des pavillons du stade. La visite est intervenue deux jours après la rencontre du pape François avec les jeunes dans la même enceinte.

L’État congolais venait à l’occasion de décaisser une bagatelle de 75 000 dollars pour l’entretien de l’infrastructure. Curieusement, vérification faite, zéro dollar n’est parvenu au comité de gestion du stade, selon les informations reçues de bonne source. La saleté a été la première impression qui a dégoûté les inspecteurs de la CAF.

Des canettes de sucreries, des boîtes de sardines, des excréments et déchets insupportables un peu partout à l’intérieur et autour du stade. A cela, il faut ajouter un degré inimaginable de malodorance infernale des installations hygiéniques, si bien qu’il était difficile d’y foutre le nez.

Les exigences de la CAF

Depuis le match de barrage de la Coupe du monde Qatar 2022, la CAF avait averti la Fédération sur les menaces qui pesaient sur le stade des Martyrs en état de délabrement très avancé. En mode d’urgence, le ministre des Sports, Serge Nkonde a initié et obtenu du gouvernement les fonds nécessaires pour mener les travaux exigés par la CAF. Malheureusement, le clientélisme, le népotisme, la surfacturation ont plombé le tout.

A la visite des inspecteurs de la CAF, ils n’ont trouvé ni salle de conférence de presse, ni infirmerie à côté des vestiaires comme exigé, ni salle anti-dopage, ni tourniquets alors que ceux commandés par un de ses prédécesseurs sont bloqués au port de Matadi depuis trois ans. Aucune démarche entreprise par Serge Nkonde pour les dédouaner.

La tribune de presse ne remplissant aucune norme a été boudée par les inspecteurs de la CAF qui ont exigé de respecter les standards. En réalité, le stade des Martyrs a bénéficié de mesure de grâce, sursis, autorisation temporaire avant d’être aujourd’hui fermé. La Fecofa avait été plusieurs fois prévenue, mais les politiques n’ont pas pris les choses au sérieux. Et voilà que le grand Congo est humilié, déplumé et froissé.