Route Kananga-Mbuji-Mayi : le trio du blocage?

Le président Félix Tshisekedi a initié quelques projets pour donner un peu d’oxygène à la région du Kasaï qui souffre de l’enclavement et de la pauvreté. Dommage, rien ne marche depuis son arrivée au pouvoir, il y a bientôt cinq ans.

Le cas qui agace le plus est celui de la route Mbuji-Mayi-Kananga. Sur une distance de 188 km, les travaux n’avancent pas. Jusque-là, seuls 17 km non asphaltés, aux alentours de Mbuji-Mayi, ont connu un début des travaux. Pourtant, l’État a déjà décaissé 27 millions $ US en faveur de la société égyptienne SAMCRETE pour la réalisation des travaux.

Halte à la magouille !
Les combines dans le dossier ? Rien n’est exclu. Nos fins limiers ont humé une odeur nauséabonde de mauvaises pratiques. Des officiels ne seraient pas innocents. Si les projets pataugent, inutile de chercher des boucs-émissaires. Le ver se trouve dans le fruit. Le projet 100 jours est une illustration parfaite de la magouille. Pour rappel, l’État a dépensé de l’argent, des individus s’en sont emparés et personne n’a été sévèrement puni. Jamais, un sans deux. Carte blanche ? Pathétique !

En effet, le projet de construction de la route Kananga-Mbuji-Mayi est en train de sombrer comme d’autres projets conçus à Mbuji-Mayi et ailleurs. On observe un grand retard dans l’exécution des travaux à l’instar de la construction de l’Université de Mbuji-Mayi, du port de Ndomba, de la centrale solaire de Tshipuka et de la route Kananga-Kalamba-Mbuji qui mène vers l’Angola.

Concernant la route Kananga-Kalamba-Mbuji, le gouverneur du Kasaï central John Kabeya Shikayi n’a pas hésité de tacler le ministre des Travaux publics, Alexis Gisaro en présence du chef de l’Etat le 10 septembre 2022 à Kananga lors du lancement des travaux au village Matamba. John Kabeya recadrait le ministre Gisaro qui prenait une trajectoire dangereuse et obscure avec des explications alambiquées, alors que l’entreprise NTOA Investiment avait gagné le marché et signé le contrat avec la province du Kasaï-central.

On est trahi que par les siens

Le ministre des Finances Nicolas Kazadi Kadima a déçu. Économiste et énarque, « Nico » comme on l’appelle, est un technocrate ayant fait ses preuves dans le secteur financier et dans les institutions internationales. Si ailleurs, il a été bon, que se passe-t-il en RDC ? Est-ce le système ? « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait François Rabelais. Nico a signé la lettre de confort en faveur de SAMCRETE pour se raviser un mois après. Plus grave encore, le contrat a été approuvé par le Premier ministre via la Cellule de passation des marchés publics. Voilà un “Warrior’’ qui défie le chef du gouvernement.

À cause de ses frasques, il a récemment été agressé par les fonctionnaires de l’État. La vidéo de son agression a fait le tour de la toile. Plus de championnats sportifs en RDC pour des raisons pécuniaires. Un entrepreneur hurle : la dette intérieure est payée selon sa volonté et en fonction des affinités. On l’accuse de bloquer beaucoup de dossiers sans raison, selon les fonctionnaires qui l’ont d’ailleurs surnommé « Mr 10 % ».

Nico est l’ami d’enfance et personnel du chef de l’État. Même s’il se dit membre de l’UDPS (parti au pouvoir), on ne l’a jamais vu ou entendu à l’œuvre, rappelle un cadre du parti présidentiel. A-t-il évolué dans l’ombre ? Pas du tout. Nos informateurs connaissent des héros dans l’ombre du parti d’Etienne Tshisekedi à Félix Tshisekedi. Nico n’en fait pas partie. Son entrée au gouvernement relève du choix personnel du président de la République et non du parti, précise le même cadre du parti au pouvoir. C’est pareil pour Alexis Gisaro, un ovni au sein de l’UDPS dont seul le chef de l’État connaît les raisons de sa nomination au gouvernement. Gisaro veut attribuer un autre tronçon à SAMCRETE ou sectionner celui sur lequel les Égyptiens travaillent déjà.

Le trio du blocage

Mathias Kabeya, gouverneur du Kasaï oriental, déjà sur un siège éjectable à cause des malversations financières, est entré dans la danse, alors que l’IGF vient de découvrir des comptes ténébreux qu’il a ouverts dans les banques privées. L’Inspection générale des finances a ordonné le gel de ces comptes. Ancien informaticien de la Banque centrale du Congo, Mathias Kabeya est membre de l’UDPS. Mais à cause du scandale des comptes bancaires occultes, son parti vient de le désavouer. Son sort dépend de l’Assemblée provinciale et de la justice.

Il y a quelques jours, le gouverneur a décidé d’interdire les travaux. C’est grâce à l’intervention de Peter Kazadi, vice-Premier ministre de l’Intérieur que Kabeya est revenu sur sa décision. D’après une source à la présidence, Peter Kazadi a sérieusement blâmé Mathias Kabeya au téléphone au cours d’une réunion convoquée à ce sujet par Félix Tshisekedi lundi à 20 h à la Cité de l’OUA. Après les remontrances de Peter Kazadi, le gouverneur a chargé son porte-parole pour faire le point sur le sujet avec quelques images de cette route. Objectif ? Mener une opération de diabolisation et expliquer les défaillances de SAMCRETE.

Le trio ignore que de nombreux conteneurs, pleins d’équipements, en provenance de l’Egypte sont bloqués à Matadi et à Lubumbashi. C’est l’Etat congolais qui assure le dédouanement et le transport vers un Kasaï très enclavé. À ce sujet, la Société nationale de chemin de fer du Congo (SNCC) connaît de sérieux problèmes pour acheminer les équipements vers Mbuji-Mayi. Le transporteur du trajet Matadi-Kasaï éprouve aussi des difficultés. En outre, il faut délocaliser les câbles de la fibre optique, les conduites d’eau de la Régideso et déboiser la voie. Tout cela nécessite l’implication des services de l’État.

En effet, le trio Kadima-Kabeya-Gisaro veut chasser les Egyptiens. Son argument ? Les travaux patinent. D’où, il faut résilier le contrat avec SAMCRETE pour le confier à une autre entreprise sur financement de la Banque africaine de développement. La BAD a signé un accord de financement avec la RDC sur le même tronçon. Que cache une telle démarche ? Il y a anguille sous roche. Le trio de blocage au sein duquel se trouve le juriste Gisaro, ignore que ce contrat est international et implique automatiquement un arbitrage international en cas de litige. Pour s’en convaincre, les présidents congolais Tshisekedi et égyptien al-Sissi ont parrainé l’accord. En cas de résiliation du contrat, la Chambre de commerce d’arbitrage de Paris sera saisie. Imaginez les conséquences !

Ouragan a mis la main sur plusieurs documents contradictoires signés par le trio magique du blocage. Des correspondances qui énervent. Fatshi peut-il encore faire confiance à ces hommes ?

La population gronde

Vu le retard dans l’exécution du projet et le degré de la misère au Kasaï, les voix s’élèvent. Cette route devrait être construite dans trois ans à partir de février 2021. La réélection de Félix Tshisekedi en 2023 dépend de l’accomplissement de ses promesses dont celles faites aux Kasaïens. Bloquer ses projets, c’est hypothéquer son deuxième mandat et le développement du pays.