Société
En République démocratique du Congo, des milliers d'enfants travaillent dans les mines pour extraire le cobalt au profit de grandes marques électroniques. Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse revient sur le manque de contrôle et de transparence de la part de ces industries.
Comme plus de 90 % de la population suisse, j’ai un téléphone portable et un ordinateur. Au bout d’à peine quelques années, les modèles sont dépassés, et on nous dit qu’il vaut mieux en racheter de nouveaux plutôt que de les réparer. Comme la plupart des gens, je trouve cela agaçant.
Car la consommation mondiale croissante de téléphones, d’ordinateurs ou de voitures électriques provoque des conséquences désastreuses. Le cobalt utilisé pour produire les batteries lithium-ion provient essentiellement des mines en République démocratique du Congo (RDC), dans lesquelles travaillent des milliers d’enfants.
Mes collègues et ceux d’Afrewatch, l’Observatoire africain des ressources naturelles, ont visité cinq mines congolaises l’an dernier. Plusieurs enfants y travaillaient, dont un d’à peine 7 ans. Ce n’est malheureusement pas un cas isolé, puisqu’il y aurait à l’échelle de la RDC plusieurs milliers d’enfants qui travaillent dans des mines. Des enfants qui ne peuvent pas aller à l’école car leurs parents ne sont pas en mesure de payer les frais de scolarité. Sans parler de la longue liste d’abus dont ces enfants sont victimes : ils travaillent jusqu’à 12 heures par jour, et même davantage, parfois sans manger. Ils portent de lourdes charges, n’ont pas d’équipements de protection, sont victimes de violence de la part des adultes et finissent souvent par tomber dans la toxicomanie.
Les négociants achètent le cobalt et le vendent à la Congo Dongfang Mining (CDM), filiale détenue par le géant chinois de l'exploitation minière Huayou Cobalt. Ces entreprises traitent le cobalt avant de le vendre à trois fabricants de composants de batteries en Chine et en Corée du Sud. À leur tour, ceux-ci vendent leurs composants à des fabricants de batteries qui affirment fournir des entreprises du secteur de la technologie et de l'automobile, notamment Apple, Microsoft, Samsung, Sony, Daimler et Volkswagen.
Amnesty International a contacté seize multinationales inscrites sur la liste des clients de ces fabricants de batteries. La plupart n'ont pas pu dire avec certitude si elles achètent du cobalt provenant de la RDC ou s’il leur est fourni par Huayou Cobalt, ou ont même carrément nié en acheter, alors qu’elles figurent sur les listes de clients.
Tant que les gouvernements n'obligeront pas légalement les entreprises à contrôler leur chaîne d'approvisionnement, il ne sera pas possible de mettre un terme aux abus. C’est ce que demande en Suisse une coalition de plus de 75 organisations avec l’initiative « Multinationales responsables ». Il faut des règles contraignantes pour que les entreprises respectent les droits humains. Sinon, comment pourrons-nous être sûrs que nos téléphones ne contribuent pas à exploiter des enfants ?
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Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse