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Dans ce vaste territoire, la population subit des massacres depuis 2014, symboles d'une guerre sans nom qui fait rage à l'est de la République démocratique du Congo.
Le 14 août dernier, le territoire de Beni subissait un nouveau massacre de ses habitants. Pourtant, face à l'ampleur de ces agressions, la réaction de la communauté internationale et du gouvernement congolais reste fantomatique, tout comme on peine à identifier les tueurs. La zone est envahie de centaines de groupes armés violents et subit un trafic illégal de ses richesses qui rend difficile l'identification de ses assaillants. Dans ce contexte, la RDC, que son lourd passé poursuit, subit une guerre silencieuse et sans nom.
La RDC : un État construit sur le modèle de la rébellion
Les violences qui touchent l'est de la RDC ne sont pas nouvelles. La tragédie congolaise qui sévit depuis 20 ans trouve en effet son point de départ dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994. À la suite du massacre, près de 1,2 million de Hutus rwandais, parfois impliqués dans le génocide, ont fui vers le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, territoires du Zaïre, aujourd'hui disparu. En effet, en 1996, l'armée du très décrié président zaïrois Mobutu fait face à l'insurrection de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), dirigée par un homme, Laurent-Désiré Kabila. Il parvient à s'emparer de la capitale Kinshasa l'année suivante : le Zaïre devient République démocratique du Congo.
Malgré ce renouveau, des rebelles déçus par l'absence de changement se soulèvent contre le gouvernement Kabila dans les deux provinces du Kivu en 1998, soutenus par le Rwanda et l'Ouganda. Le cessez-le-feu réclamé par l'ONU entre tous les belligérants est conclu en 1999, mais des milices rebelles continuent à sévir en RDC, même après l'élection de Joseph Kabila, le fils de Laurent-Désiré Kabila, en 2001. Fragilisée par cette tension politique, la RDC est le terrain de chasse idéal pour ses voisins qui connaissent ses richesses exploitables.
Des richesses qui attisent les conflits
Au moment de l'insurrection contre le gouvernement Kabila en 1998, l'Ouganda et le Rwanda ne se retournent pas contre leur ancien allié dans une simple motivation démocratique. La RDC regorge de richesses naturelles, inexploitées pour le compte des habitants, mais qui font l'objet de toutes les convoitises des États voisins. Quand les conflits s'enlisent, leur présence militaire permet de perdurer un trafic des plus fructueux. Ainsi, l'Ouganda y pille essentiellement le diamant et l'or, tandis que le Rwanda exploite surtout le coltan, mais le cuivre et le cobalt sont aussi dérobés. Global Witness a même avancé qu'entre fin 1999 et fin 2000, l'armée rwandaise avait à elle seule engrangé des revenus d'au moins 20 millions de dollars par mois.
La mine de coltan de Rubaya, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), le 28 mai 2013.
Les soldats de l'armée régulière de la RDC, les FARDC, profitent également de ce trafic. Le groupe d'experts des Nations unies sur la RDC a déclaré en 2015 avoir constaté que les FARDC ferment les yeux sur les massacres de Beni par les ADF, des rebelles islamistes ougandais, pour se consacrer au trafic de bois très lucratif vers l'Ouganda. Cette zone du Nord-Kivu, laissée sans défense alors qu'une armée y est déployée, devient un terrain de jeu pour des groupes armés en tout genre.
Des milices rebelles pullulent dans l'est de la RDC
La RDC, née sur la base d'une rébellion, est donc victime du propre système dont elle résulte. De nombreux groupes, très structurés ou comptant seulement quelques dizaines de partisans, sévissent depuis 1998 dans l'est du pays. « Le cycle de violence est entretenu par la présence persistante de groupes armés congolais et étrangers profitant de la vacance du pouvoir et du vide sécuritaire qui caractérisent l'est du pays, l'exploitation illégale des ressources, l'ingérence de pays voisins, l'impunité généralisée, des affrontements intercommunautaires et l'incapacité de l'armée et de la police nationales de protéger efficacement les civils et le territoire national et de maintenir l'ordre et la loi », déclare la Monusco, mission de l'ONU visant à assurer la paix en RDC.
Difficile d'identifier toutes ces milices. Celle qui sévissait principalement entre 2012 et 2014, le M23, a été déroutée. Aujourd'hui, des milices congolaises plus ou moins alliées à l'armée régulière comme les factions Maï-Maï et Raïa Mutumboki mènent à leur tour des actions violentes selon Jeune Afrique, mais des groupes armés étrangers attaquent également la RDC comme les Forces de libération du Rwanda (FDLR), les Forces nationales de libération du Burundi (FNL), ou encore les Forces démocratiques alliées (ADF).
Les ADF : la milice pointée du doigt
C'est cette dernière milice qui est accusée de la plupart des massacres commis dernièrement dans le territoire de Beni. Les ADF sont un groupe armé ougandais luttant à l'origine contre le régime du président ougandais Yoweri Museveni depuis 1995. Selon Jeune Afrique, des militants du Tabliq, un mouvement missionnaire musulman, ont d'abord composé les rangs des ADF avant de se radicaliser. Maintenant uniquement composé d'islamistes, le groupe armé est commandé depuis 2007 par Jamil Mukulu, un chrétien converti à l'islam. Les États-Unis l'ont placé sur leur liste d'organisations terroristes dès 2001.
Des massacres récurrents à Beni
À la fois ville de 95 000 habitants mais aussi territoire, Beni se situe dans le nord-est de la RD Congo, dans la zone très sensible du Nord-Kivu. Frontalier de l'Ouganda, il est un point de passage du trafic des ressources et de la milice des ADF.
Carte des massacres dans la région de Beni.
Le dernier massacre a fait 51 morts
Les massacres ne connaissent pas de trêve. Dans la nuit du samedi au dimanche 14 août 2016, 51 civils ont été assassinés à la machette à Beni, selon Teddy Kataliko, membre de la Coordination de la société civile. Le gouvernement parle quant à lui de 42 victimes. Encore une fois, l'armée impute le massacre aux rebelles ougandais musulmans des Forces démocratiques alliées (ADF).
Alors que Beni respectait trois journées « ville morte » en hommage aux victimes, deux personnes, dont un policier, ont été tuées mercredi, au dernier jour de ce deuil national, selon l'AFP. Ces violences ont éclaté alors que plusieurs centaines de personnes manifestaient contre l'inertie des autorités face aux massacres qui ont fait plus de 650 victimes depuis octobre 2014. La veille, la foule demandait d'ailleurs la démission du Premier ministre congolais Augustin Matata, passé furtivement à Beni après les événements tragiques.
La manifestation du 17 août 2016 montre à quel point la population, terrorisée par son insécurité, sombre elle aussi dans une certaine ambivalence entre désir de paix et violences : alors que les manifestants arboraient des bandeaux où l'on pouvait lire « Amani », soit « paix » en swahili, une femme soupçonnée d'appartenir aux rebelles des ADF a été lapidée et brûlée à Beni dans la même journée.
L'action velléitaire de la communauté internationale et du gouvernement congolais
Face à ce déferlement de violences de toute part, il apparaît plus qu'urgent d'assurer la sécurité de la population. Depuis 1999, l'ONU a déployé dans le pays une mission de maintien de la paix, appelée la Mission de l'Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco) depuis 2010.
Des soldats de la Monusco, le 23 octobre 2014 à Béni en RDC.
Pourtant, son action, tout comme celle de l'armée régulière de la RDC, est jugée dérisoire par les habitants. « Nous avons l'impression que les FARDC et la Monusco songent plus à leurs propres intérêts qu'à protéger la population locale », commente un cultivateur à Kididiwe. « Souvent, bien qu'ayant perdu des centaines de soldats dans les opérations contre les ADF qui ont eu lieu avant juillet 2014, les FARDC n'ont pas réagi à temps pour protéger la population pendant et après les événements, un manque d'initiative que l'on reproche aussi à la Monusco », déplore de son côté le Congo research group.
Un gouvernement négligent sur la question sécuritaire
L'inaction du gouvernement suscite encore plus de contestation à l'encontre des autorités actuellement en place. Joseph Kabila, président de la République démocratique du Congo, occupe ses fonctions depuis 2001 à la suite de l'assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila. Les Congolais protestent au vu du caractère peu démocratique d'un tel mandat. La Constitution l'empêche aujourd'hui de se présenter aux élections prévues en fin d'année, mais la population craint qu'il ne contourne l'obstacle en reportant le scrutin, selon l'AFP. « Trop occupés à tenter de s'accrocher illégalement au pouvoir, nos dirigeants en oublient la protection de nos concitoyens », déplore Moise Katumbi.
La confusion autour de l'identité des tueurs
Face à cette défense lacunaire et au pullulement des groupes armés dans la région, l'identité des tueurs pose question. Le groupe d'étude sur le Congo s'accorde à dire que la majorité des massacres commis entre 2014 et 2016 est due aux ADF. Il estime cependant qu'il est peu probable qu'ils agissent seuls, d'une part parce que les victimes ont indiqué que la langue des tueurs n'était pas toujours celle des ADF ougandais, d'autre part parce que beaucoup d'entre elles ont témoigné que les FARDC choisissaient parfois délibérément de ne pas secourir la population en cas d'attaque connue.
Pire encore, le groupe d'étude sur le Congo a relevé des témoignages relatant une participation active des FARDC aux massacres. Par exemple, lors des massacres successifs entre février et mars 2015 dans la contrée de Mayangose, au nord-est de Beni, un membre des FARDC a admis qu'un de ses collègues avait reçu 250 dollars au moment de son recrutement pour participer au massacre et de nombreuses victimes ont constaté que la langue des assaillants n'était pas celle des ADF.
Le groupe d'étude sur le Congo nuance cependant son propos en ne mettant pas en cause l'armée en tant qu'institution, mais en avançant que certains membres au sein des FARDC pourraient être instrumentalisés par des réseaux. De même, il juge possible que d'autres milices que les ADF soient impliquées.
Le 20 août, un effort pour identifier et punir les tueurs de la tuerie de Beni a été réalisé. Selon RFI, six hommes de différentes nationalités, deux Ougandais, un Tanzanien et trois Congolais, ont comparu devant le tribunal militaire de Béni. Lors de cette première audience, les accusés ont affirmé avoir agi au service du mouvement des rebelles musulmans ougandais ADF. À la vue des nationalités de ces auteurs présumés et de l'inaction des soldats des FARDC, de nombreuses personnes comme le président de l'ONG Convention pour la défense des droits humains aimeraient que l'enquête soit plus impartiale et tienne compte de tous les acteurs impliqués.
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