Economie
La Banque centrale du Congo (BCC) serait-elle allée à l’encontre des sanctions financières des Etats-Unis en actionnant des comptes en devises des personnalités congolaises ciblées par Washington ? Dans les milieux financiers congolais, le sujet fait débat. Les difficultés de la BCC sont qu’elle doit impérativement transiter par les banques commerciales pour certaines de ses opérations en devises. Les sanctions américaines creusent déjà des fissures dans le système financier congolais.
Malgré les pressions du gouvernement de Joseph Kabila, bien avant son départ du pouvoir au terme des élections du 30 décembre 2018, les Etats-Unis n’ont montré aucun signe d’assouplissement des sanctions financières qui frappent certains dignitaires de l’ancien régime. Bien au contraire, Washington a fini par durcir le ton en intégrant sur la nouvelle liste de personnalités sanctionnées, à savoir le président de la Ceni, Corneille Nangaa, son vice-président, Norbert Basengezi, Marcellin Basengezi, conseiller au cabinet du président de la Ceni, Aubin Minaku, ancien président de l’Assemblée nationale et Benoit Lwamba, président de la Cour constitutionnelle.
En réalité, les Etats-Unis ne font pas les choses à moitié. Ils sanctionnent et en même temps ils mettent en place un mécanisme de vérification pour juger de la pertinence de leurs sanctions financières.
Au début, les autorités bancaires, en ce compris la Banque centrale du Congo et certaines banques commerciales, ont pris les choses à la légère en continuant à traiter avec des personnes sous le coup des sanctions. À Washington, l’alerte a vite été lancée, obligeant Kinshasa à se mettre au pas. Malheureusement, le mal était déjà fait. Si bien qu’à ce jour, Washington semble avoir renforcé son dispositif de répression qui s’étend désormais sur l’ensemble du système monétaire congolais. À la BCC, les premiers signes de friction sont visibles.
Si la haute direction de la BCC s’est recroquevillée pour empêcher toute fuite d’informations, dans les couloirs de l’Institut d’émission, les bruits commencent à remonter à la surface. Ce dernier est en difficulté, pas de doute. Des sources internes rapportent que la BCC éprouve de sérieuses difficultés pour accéder à son compte en devises, si bien qu’elle est obligée de recourir aux banques commerciales pour actionner certaines de ses opérations en devises.
Or, les banques commerciales qui entretiennent des relations avec des personnalités sous le coup des sanctions sont suivies de très près par les services américains. Leurs opérations en monnaie étrangère et en franc congolais font l’objet de nombreuses restrictions.
La banque centrale et l’épilogue de la BGFI
La Banque centrale du Congo n’est pas à ses premiers égarements. On se rappelle encore des révélations faites en 2016 par Jean-Jacques Lumumba, un des cadres de la BGFI Bank, aujourd’hui en exil, sur des opérations financières opaques mettant en cause la Ceni et l’institut d’émission.
Dans ses révélations, largement relayées dans la presse internationale, ce haut cadre de la BGFI, une institution très proche de l’ancien régime Kabila, faisait état des opérations financières douteuses impliquant la Ceni et la Banque centrale du Congo, avec la complicité de la haute direction de la BGFI.
Dans une de ces éditions, le journal français Le Monde circonscrivait les faits en ces termes : « Bien que disposant de moyens financiers non négligeables – au moins 55 millions de dollars en mai 2016, selon les documents consultés par Le Monde Afrique – la Ceni a obtenu, en mai toujours, un prêt à la BGFI de 25 millions de dollars, au taux de 8,5 % par an, agrémenté d’une commission d’arrangement de 0,5 %, d’une commission de notification de 2,5 % et de frais de dossier de 1 %.
L’opération est d’autant plus ́tonnante que la Ceni est mise à l’index par la banque centrale congolaise pour des impayées auprès de fournisseurs. Cela devrait lui interdire le recours à des prêts et à des décaissements. Pourtant, dès la mi-mai, 2 millions de dollars sont prélevés par la banque. Entre mai et septembre, 7,5 millions de dollars sont retirés par trois questeurs de la Ceni pour payer leurs agents. »
Quoi qu’habilitée à poser son veto, la BCC a laissé faire, préférant fermer les yeux. Par complicité certainement. Aujourd’hui, la BCC se trouve dans le collimateur du Trésor américain qui prend le temps de compiler toutes les opérations financières irrégulières actionnées depuis le siège de l’Institut d’émission à Kinshasa.
Dans les milieux financiers congolais, les premiers signes d’essoufflement se font déjà sentir. À terme, des spécialistes craignent que le système financier national ne se retrouve au bord de l’asphyxie.
Comment sauver le système financier congolais ? Faut-il solliciter un allégement de sanctions américaines qui frappent certains dignitaires de l’ancien régime et de hauts cadres de la Ceni ? Autant de pistes qu’on appelle le gouvernement à explorer pour éviter une hécatombe qui aura des effets dévastateurs sur l’ensemble de l’économie congolaise.
Le prochain round se joue au FMI
Des sources généralement bien informées rapportent qu’au terme de son dernier séjour aux Etats-Unis, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, avait posé le problème auprès des autorités américaines, sans toutefois demander la levée des sanctions financières qui frappent certains dignitaires du régime Kabila.
Autant devant le sous-secrétaire d’Etat américains aux Affaires africaines que devant les principaux responsables du Trésor américain, Félix-Antoine Tshisekedi a soulevé le danger d’une asphyxie généralisée qui guetterait le système monétaire de la RDC. Pour l’instant, les mêmes sources indiquent que Washington ne s’est pas clairement prononcé sur la demande du chef de l’Etat congolais.
Selon l’administration Trump, il y aurait des préalables à vider avant de remettre la question sur la table des discussions. D’autres sources parallèles indiquent que c’est vers le Fonds monétaire international (FMI) que les Etats-Unis ont renvoyé les autorités de la RDC pour voir dans quelle mesure éviter le naufrage du système monétaire congolais. Ce qui justifierait, soutiennent-elles, les discussions entamées dernièrement à Washington entre les autorités congolaises et le département Afrique du FMI. Cela dans la perspective de la conclusion d’un nouvel accord formel.
L’on se rappelle qu’au terme des échanges qu’il a eus avec le président Félix-Antoine Tshisekedi, le FMI a posé le préalable d’un audit des comptes de la RDC au terme de l’article IV des statuts du FMI avant d’ouvrir les négociations en vue de la conclusion d’un nouveau programme économique. En réalité, tout se tient.
C’est dire qu’entre les Etats-Unis et le FMI, il y a une complicité qui s’est créée autour du dossier de la RDC. À la suite de leurs sanctions, les Etats-Unis soupçonnent Kinshasa de s’être rendu coupable de complicité avec les personnalités ciblées par le Trésor américain. Finalement, c’est la BCC qui en paie le prix. Il y a risque que tout le système monétaire financier n’entre en ébullition.
Au niveau des banques commerciales, les sanctions américaines font déjà des victimes. Sans compter, en même temps, l’institut d’émission qui doit solliciter le concours de ces mêmes banques pour ses opérations en devises. Il y a panique à bord. C’est le moins que l’on puisse. À Washington, le président Félix Tshisekedi n’a pas pu désamorcer la bombe.
C’est finalement au niveau du FMI que se décidera le sort de la RDC. Pour le moment, l’urgence est de sauver la Banque centrale du Congo, d’un côté, et de l’autre côté, tout le système monétaire congolais déjà au bord de l’asphyxie.
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