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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 08 avril 2024
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Société

Mohamed Ali, porte parole de tous les "nègres" du monde

2015-01-10
10.01.2015 , Ougadougou
Société
2015-01-10
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Acteur, directeur du Festival « Récréthéâtrales », qui a rassemblé à Ouagadougou plus de 150 artistes au moment même de la révolution populaire qui a chassé du pouvoir Blaise Compaoré, Etienne Minoungou présente au Théâtre « Le Public » le spectacle qu’il a créé en Avignon, « M’appelle Mohamed Ali », sur un texte de l’écrivain congolais Dieudonné Niangouna. Il prépare aussi son spectacle suivant, une adaptation de « Cahiers d’un retour au pays natal » de l’écrivain martiniquais Aimé Césaire, mais dans l’immédiat, c’est l’actualité qui le touche…

« Comme tout le monde, je suis bouleversé par l’attentat contre Charlie Hebdo. Mais sur les sites africains, je lis des réactions discordantes : des gens qui disent que les Européens, au moins savent célébrer leurs morts…En Afrique, Boko Haram a tué une centaine de personnes, de très nombreux journalistes ont été assassinés, au Burkina Faso, en République démocratique du Congo, mais la capacité d’empathie ne se manifeste pas…Il y a en ce moment un vrai débat sur Internet…Les internautes s’interrogent aussi sur les valeurs que la République française défend au delà de ses frontières… »

Au delà du combat du boxeur Mohamed Ali, qui disputa à Kinshasa en 1974 le match du siècle contre Joe Foreman, quel est le véritable sens du texte de Niangouna que vous interprétez ?

« Quand il parle de « Noirs », Dieudonné Niangouna fait évidemment référence à la lutte pour les droits civiques menée par les Noirs aux Etats Unis, mais le deuxième sens de son texte, qui m’amène à le porter, c’est d’évoquer les « nègres » du monde. Nous sommes dans une société néo libérale où le projet le plus évident c’est de rendre tous les humains taillables et corvéables à merci, les rendre « nègres ». au sens large. Dans ce sens là, le texte évoque alors la condition des exclus, des exilés, de tous ceux qui sont en marge aujourd’hui, laissés sur le bord de la route…C’est au début des années 2000 que je m’étais lié d’amitié avec Dieudonné Niangouna, écrivain de Brazzaville. En 2009, je lui ai demandé d’écrire pour moi un texte sur Mohamed Ali, car j’étais toujours interpellé à propos de ma ressemblance physique avec Cassius Clay. Lorsque j’ai découvert la dernière version du texte qu’il avait rédigé, en 2012, j’ai été saisi par l’émotion, cela collait pile poil tant il avait écrit au plus près de ma vie, de mes combats, de mes rêves. Il était venu au village sur la tombe de ma mère, nous avions tant parlé et je retrouvais tout cela dans la pièce…A Paris, nous avons eu une seule discussion, à propos de Mohamed Ali, du sport , de son combat. Des 47 pages du texte très dense, j’en ai retenu 27, sur lesquelles j’ai travaillé, monté la dramaturgie. Lorsque j’ai joué à Brazzaville, avec de l’autre côté du fleuve, les silhouettes de Kinshasa et du stade où s’était passé le vrai combat contre Foreman, Niangouna était en larmes, comme si j’étais entré dans son imagination… J’étais rassuré. »

Comment avez vous fait pour vous identifier au personnage de Mohamed Ali, rendre compte de sa vie, de ses combats ?

« C’était de l’ordre de la rencontre…J’ai relu le livre magnifique de Norman Mailer, « le combat du siècle », j’ai regardé les films, dont « When we were kings » (quand nous étions rois), où Mohamed Ali joue son propre rôle, essayé, en, regardant You tube, de retrouver les jeux du visage, de la tête, la gestuelle de la main, la manière de parler, de retrouver ses défis, son impertinence, son humour… J’ai regardé les films de tous ses combats, essayé de comprendre pourquoi Ali était toujours plus fort que les autres : c’est parce qu’il menait un autre combat que la boxe seule. Foreman était plus noir que Mohamed Ali, mais lui, il avait une conscience politique de son art. Pour lui, la boxe c’était un prétexte ; il ne se battait pas seul mais avec un peuple. C’est pourquoi à Kinshasa, il est sorti, il est allé dans les marchés, à la rencontre de la population et les Congolais –100.000 spectateurs présents au stade- se sont reconnus en lui…

Moi aussi sur scène, je n’ai pas voulu sauver ma peau d’acteur, réaliser une performance, mais exprimer le rêve que portait Mohamed Ali. J’ai vu, à Avignon, que cette clé fonctionnait…Sur le ring, il parlait beaucoup et soignait particulièrement son allure physique, il veillait sur sa beauté, sa grâce, afin d’exprimer la dignité et j’ai essayé de travailler cette élégance…

J’ai joué à Ouagadougou, Abidjan, Cotonou, et découvert que les gens s’identifiaient encore à Mohamed Ali, il demeurait comme une incarnation de ceux qui n’ont rien, mais tentent de conserver leur dignité. D’exister sans nécessairement choisir l’exil. L’une des phrases du texte, « l’Afrique, c’est l’avenir du monde… » a particulièrement touché les jeunes…

A Ouagadougou, dans votre pays, vous avez fondé les « Récréthéâtrales », cette résidence d’écriture et de théâtre suivie d’un festival, qui a joué un rôle particulier durant les derniers évènements menant à la chute de Compaoré…

En 2002, j’ai créé les Récréthéâtrales comme un espace de travail, de réflexion pour tous les professionnels du théâtre en Afrique. Auparavant, y avait des festivals, mais pas d’espace « résidence », où les compagnies pouvaient venir travailler, se former, mener des recherches autour de l’écriture, de la mise en scène, du jeu d’acteurs. Au fil du temps, c’est devenu l’un des plus grands espaces de création en Afrique où j’au accueilli entre 200 et 250 artistes, scénographes, comédiens, techniciens. C’est en 2008 que nous avons décidé de quitter les lieux institutionnels consacrés au théâtre pour nous rapprocher des gens et investir les quartiers populaires et en particulier les cours familiales, espaces traditionnels des relations sociales, les demandes en mariages, les funérailles… Le théâtre devait trouver son vrai public, son véritable sens. Dans ma langue, en moré, on dit que le théâtre est un espace de discussion sociale pour « élargir la parenté ». Nous devions donc sortir des théâtres pour jouer dans les parcelles, lieux de la vie sociale. Il fallait aussi créer les conditions techniques pour que ce déplacement n’appauvrisse pas les conditions de travail de l’artiste, et nous avons mis en place un laboratoire de réflexion sur la scénographie, qui a fini par créer des structures mobiles, montables et démontables. Cela nous a amenés à une autre révolution : désormais on ose parler du « théâtre à l’africaine » comme un parle du « théâtre à l’italienne ». Il s’agît d’une identité, d’un langage qui nous est propre et que nous pouvons partager avec le reste du monde…

En 2014 quel fut le lien entre les Récréthéâtrales et la révolution en cours ?

En 2008, notre thème était « transgression », en 2010, c’était « indépendantriste », ou le désenchantement des indépendances, en 2012 c’était « l’insoumission » et en 2014, dès janvier, nous voulions travailler au départ de la phrase suivante, extraite de Mohamed Ali : « tenir la main au futur, qu’il ne tremble pas, qu’il sourit… » De janvier jusqu’octobre les jeunes proclamaient « nous voulons ouvrir les portes de l’avenir, nous ne voulons pas payer un prix pour notre liberté mais s’il le faut, on va le faire ». Loin de la « stabilité », du « progrès » prônés par Compaoré, les gens exigeaient aussi de pouvoir « rêver à autre chose » et ils l’exprimaient sur les pancartes…

L’un des leaders du « Balai citoyen » qui joua un grand rôle durant les évènements, Serge Bambara, dit « Smokey » était impliqué comme comédien rappeur dans une des créations « nuit blanche à Ouagadougou ». En même temps, il avait créé une sorte de vigilance citoyenne sur la gouvernance. Smokey et ses comédiens déployaient un énorme effort de sensibilisation : lors du festival, le jour, ils participaient aux rassemblements sur la place de la révolution, le soir ils revenaient au théâtre ; les aller retour entre le théâtre et la rue étaient constants.

Le 29 octobre, alors que Smokey était sur la place de la révolution où il organisait les ambulanciers pour transporter les blessés, 300 personnes étaient dans la salle, attendant son spectacle. Il finit par arriver, par jouer devant une salle pleine et à la fin, il expliqua ce qui se passait, les blessés, les gaz, disant aux gens « demain, vous devez sortir : il faut empêcher le vote de la loi modifiant la Constitution. Le lendemain, 30 octobre, tout le monde y est allé et nous avons assisté à la prise de l’Assemblée nationale, suivie de la chute de Compaoré…C’est cela aussi le théâtre, cette possibilité de porter des rêves collectifs, d’inciter les gens à agir… »

Entre les Récréthéâtrales et la fureur du peuple, il y avait un lien…« Mohamed Ali » était chez lui. Soudain, il y avait adéquation entre la scène et la rue…

En 72 heures, un peuple pauvre, largement analphabète, a réussi à faire partir un dictateur riche, malin, soutenu…

C’est un exemple que l’on peut donner au reste du monde…


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