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Infos congo - Actualités Congo - Premier-BET - 05 mars 2024
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Afrique

Xénophobie en Tunisie: "C'est une explosion de haine"

2023-03-04
04.03.2023
2023-03-04
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Le chef d'Etat, qui s'est arrogé les pleins pouvoirs à l'été 2021, a qualifié l'immigration de menace pour l'identité tunisienne. Plusieurs associations dénoncent une "stratégie du bouc émissaire", en pleine crise politique et économique. Prière de ne pas sortir de chez soi, "au moins jusqu'au 6 mars 2023". Cette sombre consigne, donnée par l'Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie, circule ces derniers jours sur les réseaux sociaux. En cause : "une hausse des agressions" envers les étudiants noirs dans le pays, comme l'explique son président, Christian Kwongang. "Cela existait avant, mais le discours présidentiel a aggravé les problèmes", déplore-t-il.

Le "discours" en question, c'est une déclaration polémique de Kaïs Saïed, président élu en 2019, qui gouverne seul depuis juillet 2021, après avoir limogé son Premier ministre et neutralisé le Parlement. Lors d'un conseil de sécurité organisé le 21 février, le dirigeant a évoqué une "entreprise criminelle (...) pour changer la composition démographique de la Tunisie" à travers l'immigration venue d'Afrique subsaharienne.

Depuis cette prise de parole, les immigrés noirs subissent une vague de violence inédite à travers le pays, comme le rapporte RFI. Des passages à tabac, des attaques à l'arme blanche et des expulsions sommaires ont été signalées par des associations antiracistes. Embourbée dans une crise économique, en pleine impasse démocratique, la Tunisie se crispe. Et beaucoup craignent désormais que les minorités ne soient accusées de tous les maux.

"Le président a donné le feu vert aux violences"

Déjà aux prises avec une xénophobie latente en Tunisie, les ONG du pays se seraient bien passées de la sortie du président Saïed. "Son discours est basé sur la peur, il parle d'une menace floue, qui vient de l'intérieur comme de l'extérieur", pointe Ghaydâa Thabet, de l'Association tunisienne de soutien aux minorités (ATSM). "Sans aucune preuve, ni aucune logique, on fait croire aux Tunisiens qu'ils sont menacés. C'est très dangereux !"

Dans sa déclaration du 21 février, le dirigeant tunisien assure que des "partis" auraient reçu de "fortes sommes d'argent" après la révolution tunisienne de 2011, "afin de faire venir des immigrés d'Afrique subsaharienne" et transformer la Tunisie en "un pays africain uniquement, au lieu d'une nation arabe et islamique." A ses yeux, ces "hordes de migrants clandestins" venus du sud du désert sont aussi responsables "de crimes et d'actes inacceptables".

Une accusation "insupportable" pour l'ATSM, qui trace un lien direct entre ces propos et les violences commises ces derniers jours à l'encontre d'immigrés noirs, comme à Sfax, dans le centre-est du pays. Insultes, coups de couteaux, vols à l'arrachée, incendies de logements : sur les réseaux sociaux, de nombreux immigrés dénoncent des attaques perpétrées par des Tunisiens.

"C'est une explosion de haine que nous-mêmes n'arrivons pas à expliquer", se désole Saadia Mosbah, présidente de l'association M'nemty, qui combat les discriminations raciales en Tunisie. Des propos racistes envers les Noirs du pays, la militante en entendait ici et là, dans la rue ou dans les médias, "lors des rencontres sportives notamment". Sur internet, des groupes de "patriotes tunisiens" accusant l'immigration de favoriser chômage et délinquance avaient aussi gagné en ampleur ces derniers mois, "passant d'une centaine à plusieurs milliers de membres", souligne Saadia Mosbah. "Mais voir ce discours arriver au sommet de l'Etat, dans la bouche du Président, c'est extrêmement grave", s'étrangle celle qui dénonce une "stratégie du bouc émissaire".

"En désignant les Subsahariens comme une menace, le président Saïed a donné le feu vert aux violences. Il semble dire aux Tunisiens : 'C'est légitime, faites ce que vous voulez !'"

Saadia Mosbah, présidente de l'association M'nemty à franceinfo

Quelques jours après ses déclarations incendiaires, Kaïs Saïed a tenté de "rassurer" les immigrés subsahariens, sans toutefois revenir sur ses accusations de complot migratoire, comme le rapporte le média tunisien La Presse. Samedi 25 février, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Tunis contre les propos "haineux et racistes" du dirigeant, lors d'un week-end marqué par une nouvelle flambée de violence xénophobe. Dans un entretien accordé lundi 27 février à l'AFP, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Nabil Ammar, a appelé à "l'apaisement", tout en assumant la position du gouvernement. "Il n’est pas question d’excuses du tout, nous n’avons porté atteinte à personne", s'est-il défendu.

Un pays en plein "virage populiste et autoritaire"

Si la Tunisie s'embrase au sujet de l'immigration, c'est parce que le président Saïed "joue sur des tensions fortes et anciennes" selon Brahim Oumansour, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques, dont il dirige l'Observatoire du Maghreb. "La région est depuis longtemps une zone de transit pour les migrants d'Afrique subsaharienne, qui veulent notamment rejoindre l'Europe, rappelle-t-il. Mais dans un pays fragilisé, la crise migratoire pèse beaucoup plus lourd, surtout après de telles déclarations."

D'après les chiffres cités par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, une ONG créée après la révolution de 2011 en Tunisie, le pays compte environ 21 000 immigrés subsahariens pour 12 millions d'habitants, soit à peine 0,2% de la population. Parmi eux se trouvent une majorité de personnes en situation irrégulière ainsi que de nombreux travailleurs non déclarés, mais également des étudiants invités et des expatriés en règle. "Le président Saïed fait un grand amalgame de toutes ces populations, il les désigne comme une cible en pleine crise économique et sociale", estime Brahim Oumansour, qui cite un taux d'inflation à plus de 10%, des pénuries à répétition, et des "dérives politiques" constatées ces deux dernières années en Tunisie.

Après avoir été largement élu président en octobre 2019, Kaïs Saïed, juriste de métier, a secoué les institutions d'une démocratie à peine installée. En juillet 2021, il a limogé son gouvernement et suspendu le Parlement, avant de faire adopter par référendum une Constitution controversée, qui a considérablement réduit les prérogatives des parlementaires. Lors des dernières élections législatives, fin décembre 2022, l'abstention a atteint un niveau record de 92%.

"Le président gouverne depuis par décrets", souligne Luis Martinez, directeur de recherches au Centre de recherches internationales de Sciences Po Paris. "Il a opéré un virage populiste et autoritaire, pour faire écho à ce que pense une partie de la 'base', comme il l'appelle." Pour le chercheur, Kaïs Saïed ne fait que suivre sa feuille de route. "Il a été élu parce qu'il était hors système, contre les élites et l'islam politique, rappelle le chercheur. Mais c'est aussi quelqu'un qui est marqué par des figures comme Mouammar Khadafi [ancien dictateur libyen, tué en 2011]. Il croit à la nécessité d'un chef fort, face aux politiciens qu'il juge tous corrompus."

Comme le relève Luis Martinez, la transition démocratique de la Tunisie, débutée après la chute du dictateur Ben Ali en 2011, est loin d'avoir profité à tout le pays. "Les agriculteurs n'ont pas accédé aux marchés européens, le tourisme a souffert du terrorisme, et beaucoup de Tunisiens vivent dans le dénuement", note-t-il. Endettée à plus de 80%, sans réel partenaire international, la Tunisie a peut-être trouvé sa planche de salut : un prêt d'environ 2 milliards de dollars (1,87 milliard d'euros), que le pays espère bientôt obtenir auprès du Fonds monétaire international.

"Les Tunisiens sont inquiets, les immigrés sont terrifiés"

En attendant cette hypothétique perfusion financière, la situation reste très tendue en Tunisie concernant les discriminations raciales. "Nous assistons à une chasse aux sorcières, alerte l'ATSM.

Les gens dénoncent des Subsahariens à la police, certains patrons ont été intimidés, des propriétaires ont dû expulser leurs locataires, malgré les contrats." Victimes ou témoins d'actes de violences racistes, des dizaines d'immigrés subsahariens ont quitté leur logement pour se réfugier aux abords de bâtiments officiels, comme l'antenne des Nations unies ou l'ambassade de leur pays d'origine.

"Certains n'ont presque plus rien, alors qu'ils vivaient ici depuis quatre ou cinq ans", déplore Saadia Mosbah, qui évoque des "pillages" et du racket en pleine rue – une "nouvelle étape" dans la persécution des immigrés noirs. "Nous étions déjà malheureusement habitués aux affaires de viols, car toutes les semaines, des aides ménagères, des employées d'hôtel ou de restaurant sont agressées sur leur lieu de travail, relate-t-elle. Mais désormais, chacun a peur pour sa sécurité physique."

"Les Subsahariens nous disent qu'ils ont peur de la police, mais aussi des citoyens tunisiens."

Saadia Mosbah, présidente de l'association M'nemty à franceinfo

Après une vague d'arrestations d'opposants politiques le mois dernier, les interpellations d'immigrés noirs s'enchainent depuis les déclarations du président tunisien, rapporte Saadia Mosbah.

"On les ramasse sans rien leur demander", dénonce la présidente de l'association M'nemty. "Tout tient à la couleur de leur peau, et des personnes en situation régulière, tout comme des Tunisiens noirs, font partie du lot." Pour la militante, un "climat de peur" se répand à grande vitesse à travers le pays. "Les Tunisiens sont inquiets, les immigrés sont terrifiés", résume-t-elle.

Interrogés sur les moyens de résoudre ces crises, ONG et chercheurs se montrent pessimistes. "Kaïs Saïed s'affiche de plus en plus avec l'armée et la police, il incarne une autorité difficile à contester", fait remarquer une politologue tunisienne, qui tient à rester anonyme "par peur d'être arrêtée".

"Le président a détruit les corps intermédiaires et s'attaque désormais à l'opposition", poursuit-elle. Plusieurs fois invité à quitter le pouvoir, Kaïs Saïed ne veut ni lâcher du lest, ni lâcher les rênes. Doit-il craindre un revers lors de la prochaine élection présidentielle, prévue pour 2024 ? "Sans alternative politique, ce scrutin ne devrait créer aucune surprise", tranche Luis Martinez.

Pierre-Louis Caron
franceinfo / MCP , via mediacongo.net
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