
Selon des sources politiques recueillies par l’agence de presse « Reuters », Moïse Katumbi Chapwe, le dernier gouverneur de la riche et puissante province du Katanga serait en train de courtiser les mécontents de la Majorité présidentielle, alimentant ainsi les spéculations sur sa probable candidature à l’élection présidentielle de 2016. Âgé de 50 ans, le gouverneur de l’ex-Katanga, commence aussi à avoir le soutien de certains de grands lobbyistes de Washington qui font pression pour la présidentielle en novembre 2016 dans de bonnes conditions.
Bien que le président du TP Mazembe soit resté discret sur ses ambitions lorsqu'il a été contacté par Reuters, selon un de ses proches, il va se jeter à l’eau et annoncer sa candidature à la présidence dans les prochains mois. «
Moïse se déclarera un an avant la date prévue pour le début de la campagne électorale », a affirmé la source, sous couvert d'anonymat. Or, la campagne électorale débute officiellement le 20 septembre de l'année prochaine…
Le président en exercice, Joseph Kabila, a dirigé la République démocratique du Congo depuis l'assassinat de son père en 2001, remportant successivement les élections 2006 et celles contestées de 2011. Selon la Constitution, son mandat prend fin l'an prochain. Mais jusqu’à présent, il s’est toujours abstenu de déclarer publiquement s’il va quitter ses fonctions, suscitant la colère d’opposants qui l'accusent de se comporter comme l’un des nombreux « Dinosaures » des pays africains qui se cramponnent au pouvoir au-delà de leur mandat.
En janvier dernier, et selon la version officielle, au moins 40 personnes sont mortes dans des protestations contre les révisions du code électoral que les manifestants considéraient comme un prétexte pour retarder la présidentielle.
Pour certains analystes, une candidature de Moïse Katumbi avec le soutien déclaré de certains des membres de la coalition de la Majorité présidentielle de Kabila pourrait être suffisamment lourde de conséquences pour forcer le président à se retirer. «
L'effet le plus immédiat serait une refonte totale de la base de Kabila », a expliqué l’avocat des droits de l’homme et ancien directeur pour la RD Congo de l’ONG « Open Society Initiative pour l'Afrique australe (OSISA) », Pascal Kambale.
«
S’il réagit modérément ça sera une indication qu'il n'est lui-même pas intéressé de rester au pouvoir plus longtemps que la Constitution ne le fixe ». Et, d’après le porte-parole du gouvernement, M. Mende, le président Kabila entend bien respecter la constitution.
Avec une large base de soutien au Katanga et de vastes sommes à sa disposition, le dernier gouverneur du Katanga est considéré par de nombreux analystes comme le successeur le plus crédible pour le président Kabila.
En tant que gouverneur, Moïse Katumbi a été crédité de la restauration des infrastructures de la province et du soutien au secteur minier qui était en plein essor. Néanmoins, les critiques l’ont aussi accusé de manquer de vision à long terme et d’utiliser sa fonction pour faire avancer ses propres intérêts commerciaux.
Lobbying Americain
Le camp Katumbi se serait également attaché le service d’« Akin Gump Strauss Hauer & Feld LLP », un cabinet d'avocats réputé à Washington, afin de faire du lobbying aux Etats-Unis pour des élections dans les délais constitutionnels en RDC.
Selon un rapport du Département américain de la Justice, le cabinet Akin Gump aurait déjà contacté au cours des six premiers mois de 2015, des dizaines de membres du Congrès, des organisations non gouvernementales et d'universitaires au nom de la Société minière du Katanga (MCK).
Cette entreprise minière a été co-fondée par Moïse Katumbi et est maintenant, selon les documents de ce rapport, détenue et contrôlée par sa femme, Mme Karyn Katumbi. Depuis 2011, elle fonctionne comme un sous-traitant pour les sociétés minières, selon les déclarations faites auprès du gouvernement provincial. La société minière avait tout d’abord approché le cabinet en 2013, lorsqu’elle voulait l'ouverture d'un consulat américain à Lubumbashi, la capitale du Katanga, ainsi que pour un projet de stockage de maïs.
Mais cette fois, selon le rapport, les 240 e-mails, appels téléphoniques et réunions d'Akin Gump lors des six premiers mois de cette année au nom de MCK étaient tous axés sur «
La politique américaine durant les élections de 2016 en RDC ».
Anthony Gambino, un professeur de l'Université de Georgetown (USA) et ancien directeur pour l’Agence américaine pour le développement international (USAID) à Kinshasa, a déclaré avoir rencontré un représentant d’Akin Gump la semaine dernière afin de discuter sur les moyens que les étrangers pourraient utiliser pour faire pression sur le président Kabila afin qu’il se retire en 2016.
Néanmoins, aux dires de cet ancien directeur, M. Katumbi lui-même n'a pas été mentionné au cours de ces discussions sur la volonté présumée de Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir.
Les autres contactés au nom de MCK comprennent le Directeur du personnel du Sous-Comité Afrique de la Chambre des Représentants, le Responsable du National Democratic Institute de Kinshasa, (NDLR : un think-tank américain idéologiquement lié au Parti démocrate) et le Haut Responsable en charge de la RDC au Département d'Etat américain.
Selon le conseiller politique du cabinet d’avocat, Roger Murry, la firme ne représenterait pas les intérêts politiques de Moïse Katumbi, mais «
travaille pour soutenir une implication plus proactive des Etats-Unis dans la promotion d’élections présidentielles libres, justes, transparentes et dans les délais ».
Soutien interne
Moïse Katumbi, qui a acquis des millions à travers son exploitation minière et d'autres intérêts commerciaux, a été élu gouverneur du Katanga en 2006 avec le soutien du président Kabila.
Mais depuis décembre, leur relation s’est envenimée à la suite de l’appel du gouverneur lors d’une manifestation publique organisée pour fêter son retour dans la province après une longue maladie de contester le droit à un « troisième penalty » contre la RD Congo, une référence à peine voilée à un troisième mandat pour le président.
L’homme d’affaires est également en train de perdre son poste de gouverneur du Katanga, la plus grande région productrice de cuivre du continent, suite au démembrement de celle-ci en quatre provinces. Cela fait partie du projet constitutionnel de décentralisation mais a été largement interprété comme une tentative d'amoindrissement de Moïse Katumbi. En réponse, l’ancien gouverneur se constituerait, selon des sources, un soutien à l'échelle nationale.
«
Je vous dis que l'homme travaille, » a déclaré la source anonyme proche de M. Katumbi.
« Il a même l'intention de lancer très prochainement une chaîne de télévision par satellite pour atteindre l'ensemble de la République ».
Il a également obtenu le soutien du dénommé « G7» (les 7 partis membres de la Majorité présidentielle qui critiquent le refus du président de déclarer ouvertement ses intentions), a affirmé un des chefs de file du G7 à Reuters.
« Nous allons soutenir Katumbi ouvertement une fois qu'il aura annoncé [sa candidature] », a assuré ce responsable de parti. «
Nous n’avons pas signé pour soutenir Kabila au-delà de 2016 ! », a-t-il renchéri.
Source : https://uk.reuters.com/article/2015/08/11/uk-congodemocratic-politics-idUKKCN0QG1E020150811
Reportage d’Aaron Ross (édition: Ed Cropley et Giles Elgood)
Traduit pour mediacongo.net : Dido K.