Société
Sous un soleil de plomb, des femmes, assises à même le sol, un foulard négligemment noué sur la tête, et abritées sous des para-soleils de fortune faits de pagnes usés, cassent des pierres le long de l’ex-avenue du 24 novembre.
Au total, elles sont une dizaine, en majorité des célibataires chefs de famille. Nécessité oblige, leur nombre a augmenté ces derniers temps. Elles travaillent souvent accompagnées de leurs enfants, malgré les risques de maladies pulmonaires causées par la montée de la poussière.
INLASSABLEMENT ET SILENCIEUSEMENT, ELLES FRAPPENT SUR LA CAILLASSE
Lentement ou rapidement. Toujours concentrées sur leur dur labeur, elles ne voient pas le temps passer. Certaines sont parrainées par des plus anciennes. D’autres découvrent ce dur métier. "Je suis ici parce que le revenu de mon mari, enseignant, ne couvre pas nos charges. Nous avons six enfants. C’est une copine qui m’a emmenée dans cette carrière. Avec ce que je gagne, j’arrive à scolariser nos enfants et faire face à certains besoins primaires", explique Julienne, 59 ans. Elle casse les pierres sur ce site depuis cinq ans et affirme gagner chaque jour environ 80 à 100 000 FC (86 à 108 $) quand ça marche. Mais se contente de 15 000 à 20 000 FC les mauvais jours. Heureusement pour Julienne, elle peut toujours compter sur sa machine de Pop corn dans ces cas. "J’ai à la maison ma machine de Pop corn qui nous aide moi avec les enfants et mon mari à payer le transport, à manger quand les pierres ne se vendent pas", indique-t-elle.
Certains enfants qui accompagnent leurs mamans disent eux s’y retrouver financièrement. "J’aide maman, car quand je travaille bien, je reçois ma part lors de la vente", fait savoir Keren, 16 ans. Toutefois, ce pénible travail touche notamment à la féminité de ces adolescentes qui développent un physique plus masculin : mains fermes et fortes, épaules et jambes musclées, etc. "Avant, certaines remarques de mes amies me choquaient. A présent, peu importe ce qu’on pense de moi. L’essentiel est que je sois à l’abri de la mendicité. Ma famille, elle, m’encourage et ne fait aucune remarque désobligeante sur mon physique", témoigne-t-elle. Elle avoue, cependant, que si elle avait le choix, elle laisserait tomber ce métier pour un autre moins dur.
A quelque pas de là, Hortense, 37 ans, T-shirt trempé de sueur, est visiblement fatiguée. Mariée et mère d’un enfant, Hortense, travaille comme casseuse de pierres depuis 3 ans. Son mari est sans emploi. "Diplômée d’Etat, mon niveau d’études ne me permet pas d’avoir un bon boulot et comme je ne veux pas rester à la maison à ne rien faire, je suis venue ici…", confie-t-elle.
Hortense sait son "métier à risques. A la moindre erreur, on a les doigts ou les mains endommagés". De son coté, constate Mme Mavula, "chaque fois que je rentre à la maison, je suis obligée de prendre des médicaments pour apaiser les douleurs musculaires… "
Jeune médecin généraliste, Dr Giako prévient que ces femmes encourent plusieurs "blessures à répétitions qui peuvent entraîner des traumatismes musculaires ou squelettiques, des hernies, l’arthrite, des rhumatismes, des courbatures chroniques, etc.".
En comparaison de ces risques, les bénéfices à court terme semblent dérisoires. "Le volume de travail est très élevé par rapport à nos revenus... Ce que nous gagnons passent d’abord dans la nourriture. Faire des économies est une illusion", assure-t-elle qui se fait aider par son fils de 29 ans.
La plupart tentent malgré tout de se constituer un petit fonds de départ pour se lancer dans une autre activité, par exemple le commerce. En attendant, les casseuses de pierres continuent leur courageux combat quotidien.
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