Politique
Les deux principaux opposants se sont retrouvés en terrain neutre sur le continent africain les 16 et 17 décembre 2024 pour amorcer un rapprochement face « aux dérives du pouvoir actuel au Congo ».
Entre Joseph Kabila, l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), et Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur de la province du Katanga et candidat déclaré, mais empêché à la succession du premier, ces dix dernières années, les relations ont été marquées par de terribles fluctuations.
Alliés politiques jusqu’en 2015, les deux hommes ont traversé des années conflictuelles.
23 décembre 2014
Le 23 décembre 2014, il y a dix ans jour pour jour, Moïse Katumbi lançait un appel entré dans l’histoire contemporaine du Congo. Ce jour-là, place de la Poste à Lubumbashi, alors qu’il était encore membre du PPRD, le parti du président Joseph Kabila, il lançait le « non au troisième faux penalty ». Il mettait ainsi en garde le chef de l’État Jospeh Kabila contre la tentation de briguer un troisième mandat inconstitutionnel. À partir de ce jour, le divorce était devenu inéluctable.
Dans sa démarche, Moïse Katumbi sera suivi par sept formations politiques de la majorité présidentielle qui créeront le « G7 », qui appellera Joseph Kabila « à l’alternance démocratique » et donc à organiser, sans être candidat, les élections en 2016, comme le prévoyait la Constitution congolaise.
Ces dissidents, de Pierre Lumbi (MSR) à Gabriel Kyungu wa Kumwanza (UNFC), en en passant Charles Mwando Nsimba (UNDF) Olivier Kamitatu (ARC), José Endundo (PDC), Dany Banza (AC) et Christophe Lutundula (ADP) comptaient 78 élus à l’Assemblée nationale congolaise et allaient se transformer en septembre 2015 en une plateforme politique pour porter la candidature de Moïse Katumbi à la prochaine présidentielle.
Entre les lieutenants de Katumbi et de Kabila, les passe d’armes vont se succéder sans ménagement.
Accords de la Saint-Sylvestre
Les élections seront finalement retardées de deux ans, reportées en décembre 2018 après un accord politique obtenu au forceps sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) le 31 décembre 2016.
Cet accord de la Saint-Sylvestre prévoit notamment que le scrutin sera organisé en décembre 2018 et que Joseph Kabila ne sera pas candidat à sa propre succession.
En 2018, justement, Moïse Katumbi sera empêché de se présenter au scrutin présidentiel, bloqué à l’extérieur du pays par les troupes au service du pouvoir de Kabila.
Il sera pourtant le leader d’un large mouvement politique (Lamuka) regroupant l’essentiel des candidats de l’opposition. Un mouvement qui réunit non seulement tous les chefs de file du G7 mais aussi les Jean-Pierre Bemba, Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, Antipas Mbusa Nyamwesi, Freddy Matungulu ou encore Martin Fayulu. C’est ce dernier qui sera désigné candidat unique de l’opposition le 11 novembre 2018 lors d’un étonnant double tour de table à Genève. Mais cette belle unité de l’opposition congolaise tiendra moins de 24 heures.
Dès le 12 novembre, en effet, le duo Tshisekedi – Kamerhe annonce renier sa signature et se lance dans une campagne présidentielle soutenue en coulisses par le clan Kabila qui avait compris le risque de se retrouver seul face à une opposition unifiée.
Le scrutin du mois de décembre 2018 débouchera sur un nouveau bras de fer entre les deux hommes forts du Congo. Shadary, le candidat de Kabila, passe complètement à côté de sa campagne. L’opposition unifiée a le vent en poupe et porte Fayulu à la victoire. Félix Tshisekedi est encore un peu plus loin. Pourtant, c’est lui qui sera annoncé vainqueur de cette énième supercherie politique en RDC. Les fameuses « Mathématiques congolaises » si chères au romancier congolais In Koli Jean Bofane.
Trahisons en série
Katumbi et Kabila vont encore creuser leurs divergences au début du règne de Tshisekedi.
L’annonce de la victoire de Tshisekedi s’accompagnera de la mise sur pied en juillet 2019 d’une coalition entre les plateformes FCC (Kabila) et Cach (Tshisekedi).
Encore une fois, c’est le mois de décembre qui sera crucial. Deux ans après le scrutin présidentiel, et 17 mois après cet accord de coalition, Félix Tshisekedi renie une fois de plus ses engagements et liquide le partenariat.
Ce divorce ouvre la porte à une entrée de Moïse Katumbi dans l’Union sacrée, la plateforme qui se cristallise autour de Félix Tshisekedi.
Mais entre ces deux-là, qui se sont longuement côtoyés pendant la campagne de 2018, l’union sera tout sauf sacrée. D’emblée, Moïse Katumbi refuse le poste de Premier ministre que lui propose Tshisekedi, qui cherche ainsi à étouffer toutes les velléités de l’ancien gouverneur. Un refus qui enrage le président de la République qui n’aura de cesse de chercher à humilier l’homme d’affaires katangais, le rejetant à des tables anonymes lors d’un mariage à Kinshasa, privant son club de football, le Tout-Puissant Mazembe, des aides de l’État.
La greffe ne prendra donc jamais. Les trahisons multiples de Tshisekedi interdisent toute saine collaboration.
Ébauche de réconciliation en 2022
Les trois grands acteurs politiques congolais se retrouvent donc chacun de leur côté. Félix Tshisekedi et son clan vont alors profiter de ces dissensions pour asseoir sans frein leur mainmise sur les structures de l’État et les leviers de l’économie du pays.
Parallèlement, les nuages s’amoncellent au-dessus des deux éphémères « collaborateurs » de la présidence, tandis que le torchon brûle entre les familles Kabila et Katumbi dans le grand Katanga.
C’est alors qu’entre en scène l’archevêque de Lubumbashi, Monseigneur Muteba. Conscient que ces tensions risquent d’amener encore plus de violence dans la province cuprifère, le prélat met en branle le processus de réconciliation katangaise. Une semaine où toutes les tendances de la société de l’ex-grande province sont invitées à débattre de la situation. « À crever l’abcès », nous dira un des participants. La première journée fut terrible !, poursuit un autre participant, « des vérités ont été dites sans ménagement. Les Katangais parlent peu, mais quand ils sont poussés à le faire, c’est souvent sans gants ».
De l’avis de plusieurs participants, « ce dialogue a permis d’éteindre des incendies qui auraient pu embraser la province, dégénérer en violence physique ».
Le dimanche 22 mai 2022, en guise de symbole, lors de la messe qui clôture cette semaine de discussions, Joseph Kabila et Moïse Katumbi se retrouvent pour une poignée de main inimaginable quelques semaines plus tôt.
« Ce n’est pas encore la paix entre ces deux-là, mais cette poignée de main aura des lendemains », prédisaient un avocat katangais.
Depuis ce jour, les nuages se sont encore faits plus nombreux au-dessus des deux opposants, contraints de vivre de facto en exil et de voir se répéter l’histoire récente de leur pays.
Retrouvailles
Dix ans jour pour jour après l’annonce du refus d’un « troisième faux penalty », le risque de voir un pouvoir en place chercher à violer la constitution pour se maintenir est plus vif que jamais. Les déclarations contradictoires de Félix Tshisekedi et de ses lieutenants sur ses intentions ont sans conteste pesé sur la nécessité pour Joseph Kabila et Moïse Katumbi de se retrouver et de lancer les bases d’une collaboration qui doit parvenir à mobiliser le peuple congolais pour faire respecter la Constitution qui, dans la forme et le fond, a cherché à se prémunir contre toute tentative d’un homme politique de confisquer le pouvoir.
La réunion de la semaine dernière n’était pas qu’une simple poignée de main. Les deux chefs de file sont venus avec leurs principaux lieutenants pour commencer un travail de fond sur plusieurs thématiques. Parmi eux, on retrouvait notamment Raymond Tshibanda, Néhémie Mwilanya, Barnabé Kikaya ou Moïse Ekanga dans les rangs du FCC, tandis que Salomon Kalonda, Olivier Kamitatu, Hervé Diakiese, notamment, représentaient le parti Ensemble à côté duquel on retrouvait aussi Claudel Lubaya.
Félix Tshisekedi et sa soif d’un troisième mandat susceptible d’embraser la RDC auront au moins réussi à remobiliser et réunir deux opposants que tout semblait séparer. 2025 s’annonce comme une nouvelle année de vives tensions sociales et politiques en RDC.
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