Société
61 ans après son assassinat, Patrice-Emery Lumumba a droit à des obsèques et un deuil national. Les cérémonies funèbres sont voulues grandioses. Sûrement à défaut d’une émotion nationale qui n’aurait pas manqué d’être, si son inhumation n’avait pas attendu autant de temps.
Depuis, beaucoup d’eaux ont coulé sous le pont. L’histoire retiendra que deux mausolées lui ont été construits. L’un à Kinshasa, la bouillante capitale congolaise où la mort de ce héros fut en partie décidée. L’autre à Shilatembo, une petite brousse située à 55 kilomètres de Lubumbashi. C’est là que le tout Premier ministre congolais connut une mort atroce. Et si cela était le symbole d’une nation qui ne sait se réunir, ni autour de ses vivants ni autour de ses morts ?
La légende raconte qu’un dirigeant katangais avait dit un jour à Lumumba, ”tu ne mettrais jamais les pieds au Katanga, à moins que tu ne sois mort”. Si cela est vrai, cette menace se serait réalisée deux fois. Une première fois quand il fut ramené pratiquement moribond à bord d’un avion. Et où une soldatesque ivre et droguée s’était acharnée sur lui et ses deux compagnons d’infortune. Cross de fusil, coups de pied et de poings, ceinture, tout était bon pour ces soldats à la solde du colonel Mobutu. Ainsi, ils pouvaient amocher davantage ces trois hommes qui étaient à leur merci à 10 000 pieds d’altitude.
Et une mort atroce
À leur descente d’avion, ce n’était plus que des morts-vivants. Ils seront achevés par des salves tirées par des gendarmes katangais, sous commandement d’officiers belges. C’est d’ailleurs un sergent du royaume, qui se vantera plusieurs années plus tard, d’avoir participé à la sale besogne. Il s’était permis d’emporter une ou deux dents, en guise de trophée arraché sur ”un sale nègre”. Il dira, plus tard, avoir rendu service ”au monde libre” en éliminant ”un dangereux énergumène”. Jusqu’ici, il est le seul à avoir dit sa part de vérité. D’autres versions sont toujours attendues. La deuxième fois que Lumumba a touché le sol katangais, c’est dans un cercueil. Ainsi la boucle aura été bouclée.
Haro sur le baudet
Il y a d’abord celui de la Belgique qui à demi-mot, reconnait être l’un des instigateurs de cet odieux assassinat. Les enquêtes lancées il y a quelques années par la famille de Lumumba, avancent à pas de tortue. Entre-temps, la RDC aura eu juste droit juste à des souverains ”regrets” de la part du roi Philippe et à des pâles excuses gouvernementales prononcées sans emphase par le Premier ministre du royaume.
Mais cela aura suffi pour déclencher une batterie de condamnations et de réprobations de la population congolaise. Celle-ci exige réparation. Si le pays tout entier crie haro sur le baudet, côté des officiels, les mots sont choisis pour ne pas jeter de l’huile sur le feu. Personne dans la cour n’ose dire quoi que ce soit, qui puisse gâcher une fois de plus, une amitié à peine retrouvée avec l’ancien colonisateur.
Les relations entre les deux pays ont souvent joué aux montagnes russes, avec des pics et des moments de basses conjonctures. Même côté jardin, il y a peu de membres de la classe politique qui se montre critique. Tout est fait comme si on marchait sur des œufs. Kinshasa ne veut pas prendre l’initiative d’une autre querelle comme il y en a eu tant entre les deux pays. Signe qui ne trompe pas, si en Belgique il y a quand même eu début de procès, en RDC, il n’y a jusque-là aucun magistrat sur le dossier Lumumba.
Enterrer la vérité
Le peuple congolais si avide de polémiques et de scandales, ne cesse de réclamer des coupables, dans la sphère politique, l’omerta semble être la règle. C’est comme si la vérité qui risque d’être découverte, pourrait amener plus de problèmes que de solutions. Vivant ou mort, Lumumba demeure un coûteau à double tranchant.
En l’enterrant à Kinshasa, c’est peut-être une part de vérité qui sera définitivement enfouie six pieds sous terre. En gardant un beau mausolée vide en sa mémoire en terre katangaise, on aura donné l’absolution à des katangais. Car ces derniers étaient désignés pendant des décennies, comme les coupables, d’un assassinat dont les conséquences se font sentir jusqu’aujourd’hui.
Désormais, ce sont les Belges qui portent le chapeau. À moins que lassés d’être traités de vulgaires assassins, ils disent la vérité, rien que la vérité et toute la vérité.
Il paraît qu’il ne faudra pas trop compter là-dessus. Les crimes d’Etat sont les secrets les mieux gardés du monde. Celui-ci ne fera certainement pas exception. On se contentera donc de visiter Lumumba dans deux mausolées, l’un à Kinshasa, l’autre à Lubumbashi.
Qui a dit que la RDC est un pays comme les autres ? ”RDC, eloko ya makasi”, aime-t-on dire au pays. Celui qui aura compris cette expression kinoise, aura déjà beaucoup appris sur le Congo de Lumumba.
La morale de cette histoire, c’est que d’une certaine manière, Lumumba aura tiré une vengeance posthume sur les commanditaires étrangers de sa mort, ainsi que sur les exécutants locaux. Il est le seul homme au monde, à avoir deux mausolées. Il bat le record du nombre de routes, d’universités, de place qui, lui, est dédié. Ses assassins eux sont dans les oubliettes. Quand on évoquera leurs noms, ce sera en mal.
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