Politique
Suite à son adhésion au sein du Front Commun pour le Congo (F.C.C., en sigle) et du remue-ménage que cela a occasionné tant du côté des intellectuels congolais que de sa population, l'historien Elikya Mbokolo a tenu à justifier son choix et remettre les pendules à l’heure dans une lettre ouverte face aux « insultes, accusations grossières et sans aucun fondement et insinuations vénéneuses… »
Visiblement touché par cette mise au pilori, l’historien a tenu à signaler son rôle dans la recherche de solutions face à la crise que traverse actuellement la RDC : « Dans ce pays où les gens sont obsédés par "la politique", je veux dire la "politicaillerie", les "personnalités indépendantes" dont j’étais et que je reste, ont été́ les seuls participants à poser la "question sociale", c.-à-d. la question de la misère rampante dans laquelle croupit l’écrasante majorité́ des citoyens congolais et à souligner la nécessité́ d’inscrire dans le réel et dans le concret les principes de "la solidarité́" dont s’enorgueillit notre hymne national. »
Justifiant dès lors sa signature, et non une adhésion formelle, par cette recherche de solutions pour la RDC : « C’est dans le même esprit que, informé des discussions qui ont abouti à la création du "Front Commun pour le Congo", j’ai décidé́ de participer à la cérémonie de son lancement [..] C’est dire que cette pulsion de "rassemblement" ne s’enferme pas dans les rebondissements stériles et à courte vue de "la politique" congolaise. »
Considérant qu’il y a urgence d’agir et que l’heure n’était plus « à rester assis chez soi, de se répandre en injures, de squatter les bistrots ou de parader dans les rues en criant des slogans sonores mais vides » mais c’était « L’heure est venue de multiplier des "laboratoires" d’où̀ se formeront les germes du futur du Congo. Le savant doit savoir sortir de sa "tour d’ivoire" pour contribuer à l’assainissement des bourbiers et au défrichement de la forêt », explique-t-il.
Ce que, d’après lui, la plateforme du FCC permettait. « La République démocratique du Congo ploie dans une telle "m…", qu’il est presque criminel de. A mes yeux, il y a urgence. […] Dès lors, si un espace de vrais débats et d’échanges sans condition s’ouvre, pourquoi se refuser à y prendre place ? » Et d'ajouter que « je crois que quelque chose est en train de prendre forme dans cette dynamique ».
En ce sens, il critique la léthargie des opposants qui « attendent que sorte d’un chapeau magique ou tombe de quelque miraculeux nuage "le sauveur de la R.D.C." » Et dont beaucoup de membres ne sont pas blanc comme neige.
« Presque aucun des membres de la soi-disant "opposition" sortent de quelque part : qui, de la Deuxième République mobutiste chargée comme on sait des crimes de sang et des vénéneux bénéfices de la prédation internationale du Congo ; qui de l’AFDL première manière, celle de Laurent-Désiré́ Kabila ; qui des innombrables et ténébreuses "oppositions" civiles dont chacun connait la vénalité́ et la boulimie sans vergogne ; qui, enfin, des divers mouvements armés dont plusieurs ont commis sur le sol congolais des crimes de guerre et des pillages fructueux ».
Toutefois, l'historien demeure conscient que tout ne sera pas parfait : « Rien ne dit que de ce forum [F.C.C.] sortira nécessairement du beau, du sublime et de l’éternel. Mais, se croiser les bras en vouant aux gémonies et en jetant au feu tous ceux qui, loin de se "salir les mains", entreprennent de défricher la forêt et d’y éclairer les voies de sortie, ce n’est pas mon genre. » Et de prévenir déjà sur les ondes de Radio Okapi que si Joseph Kabila dépose sa candidature il va quitter le Front !
« Il y a un préalable : c’est la question constitutionnelle. Est-ce que le président Kabila sera candidat ou non, la constitution le lui interdit. Est-ce qu’il y aura des manœuvres pour qu’il se présente quand même ? Vous savez que dans tous les pays, même ceux les plus démocratiques, la règle d’or des hommes politiques est qu’une bonne magouille vaut mieux que de mauvaises élections. Donc il sera peut-être candidat. Dans ce cas, beaucoup d’entre nous qui pensons que le deuxième mandat suffit, dans ce cas on sortira de ce front. Le Front n’est pas un parti », a prévénu M. Elikya Mbokolo.
Ci-après la réponse d'Elikya Mbokolo à ses détracteurs :
Elikya Mbokolo : FCC MA RÉPONSE
Que de brouhaha, que de vacarme, que de cris d’orfraie, autour de la signature que je viens d’apposer sur l’acte fondateur du Front Commun pour le Congo (F.C.C., en sigle) ! Dans l’ordre des signatures, je suis le numéro 100, sur une longue liste de quelques centaines de personnes, de « partis », associations et divers « mouvements ». Les comptes rendus de la presse kinoise me mettent systématiquement en n°1, devant les ténors et détenteurs du pouvoir actuel ! Vive la soi disant « objectivité de la presse congolaise ! Si j’étais vaniteux – Que les dieux m’en préservent !- j’y trouverais une sorte de consécration, certes négative, de ma notoriété. Du côté des « réseaux sociaux », dont je ne suis pas un client assidu, il n’y a qu’insultes, accusations grossières et sans aucun fondement, insinuations vénéneuses...
De quoi s’agit-il exactement ?
Il se produit en R.D.C, depuis une dizaine d’années, des rencontres ouvertes au cours desquelles les partis, associations et rassemblements en tous genres se rencontrent pour, proclament-ils en chœur, discuter en profondeur, des affaires du pays, des problèmes auxquels il se trouve confronté, des perspectives et des issues auxquelles on peut espérer poser durablement pour en sortir. Je n’ai pas été partie de plusieurs de ces rencontres, dont les « Accords de Lusaka » (199) et l’Accord de Sun City (2002), qui ont eu, de toute évidence, des effets positifs dans le sens de la cessation des hostilités armées entre Congolais, dans le sens de la « décrispation » politique et de la relance du vivre ensemble, le tout chargé certes de lenteurs, de retours en arrière. Mais, finalement, tout cela n’a abouti qu’à de nouveaux conflits armés entre Congolais, au soulagement et à la joie de tous les prédateurs en opération sur le sol congolais ou à l’affût un peu partout dans le monde.
J’ai, en revanche, été appelé, sans l’avoir sollicité, à participer, en tant que « personnalité indépendante » aux « Concertations Nationales » de 2011 ainsi qu’au débats et échanges de la Cité de l’Union Africaine en septembre-octobre 2016. La clarté de mon positionnement (« personnalité indépendante ») m’a permis, sans être accusé ou même simplement soupçonné de jouer un rôle de « sous-marin », de soulever des questions et de proposer des solutions de principe, en même temps que pratiques, sur une série de problèmes et de pièges qui empoisonnent la vie des Congolais : le statut, les droits et le rôle des « Congolais de l’Etranger » par rapport à la RDC ; la place et le rôle des « non-originaires » dans les provinces congolaises où ils sont appelés pour diverses raisons à résider, parfois durablement.
En outre, dans ce pays où les gens sont obsédés par « la politique », je veux dire la « politicaillerie », les « personnalités indépendantes » dont j’étais et que je reste, ont été les seuls participants à poser la « question sociale », c.-à-d. la question de la misère rampante dans laquelle croupit l’écrasante majorité des citoyens congolais et à souligner la nécessité d’inscrire dans le réel et dans le concret les principes de « la solidarité » dont s’enorgueillit notre hymne national. Inutile de préciser que tous les « politiques » participant à ce « dialogue » -qu’ils fussent de la « majorité présidentielle » ou des diverses branches de l’« opposition » ou, plus exactement, de la soi-disant « opposition », tous sans exception ont balayé d’un revers de la main notre proposition au prétexte que ces exigences n’entraient pas dans les « urgences », bien sûr les urgences « politiques » du partage du gâteau. On sait combien d’entre eux se sont précipités vers les très confortables fauteuils de l’exercice du pouvoir.
C’est dans le même esprit que, informé des discussions qui ont abouti à la création du « Front Commun pour le Congo », j’ai décidé de participer à la cérémonie de son lancement auquel ont pris part plusieurs centaines de « personnalités » et associations parmi lesquelles, la spectaculaire « Ligue des petites sœurs de Kimpa Vita », un comble de bonheur pour l’historien que je suis ! C’est dire que cette pulsion de « rassemblement » ne s’enferme pas dans les rebondissements stériles et à courte vue de « la politique » congolaise. C’est une très longue dynamique, expression d’une volonté de ne pas se laisser mourir, qui porte l’ensemble de la société congolaise. Qui ose croire que ne jouent un rôle dans la société congolaise que les barons, ci-devant clochards ou presque, de la politique congolaise ?
Joseph Kabila dans tout cela ? Il n’a jamais cessé d’y être présent tout en étant absent, en s’obligeant de regarder de loin les inévitables combats de coqs. De même, il n’a jamais été le conducteur de ces locomotives incontrôlables, ni le deus ex machina partout présent et sans cesse bénéficiaire. Peut-être même s’est-il révélé assez habile pour, sans y participer, en recueillir les fruits comme on l’a vue à la suite des « Concertations Nationales » où, à la sortie, des ténors de l’opposition, y compris ceux de l’opposition armée, se sont massivement précipités pour se rallier à lui ! L’« opposition » congolaise, y compris l’« opposition » actuelle ? Laissez-moi éclater de rire !
Je ne suis pas de l’avis de la plupart des analystes de la scène politique congolaise. Beaucoup attendent que sorte d’un chapeau magique ou tombe de quelque miraculeux nuage « le sauveur de la R.D.C. » Presque aucun des membres de la soi-disant « opposition » dont on parle aujourd’hui n’est un « homme nouveau ». Tous sortent de quelque part : qui, de la Deuxième République mobutiste chargée comme on sait des crimes de sang et des vénéneux bénéfices de la prédation internationale du Congo ; qui de l’AFDL première manière, celle de Laurent Désiré Kabila ; qui des innombrables et ténébreuses « oppositions » civiles dont chacun connaît la vénalité et la boulimie sans vergogne ; qui, enfin, des divers mouvements armés dont plusieurs ont commis sur le sol congolais des crimes de guerre et des pillages fructueux. A propos de tout cela, ils ne se sont jamais expliqués publiquement ni fait la moindre amende honorable. A voir la vacuité actuelle de leurs « programmes », il y a tout lieu de craindre que demain soit comme hier, sinon pire. Si, celui qui n’est pas de cette soi-disant « opposition » venait demain à gagner cette élection qui fait bouillir le sang de tout le monde, on les verrait courir en grand nombre, tels des affamés, vers la table du prince.
Dès lors, si un espace de vrais débats et d’échanges sans condition s’ouvre, pourquoi se refuser à y prendre place ? Des hommes et femmes, celles-ci en grand nombre, que j’ai rencontrés samedi dernier au lancement du FCC, jeunes, vieux et très vieux, personnalités encartées ou, comme moi, indépendantes, des premiers échanges que j’ai eus avec les uns et les autres, je crois que quelque chose est en train de prendre forme dans cette dynamique.
On dit qu’Elikia est un savant. Oui, certes, c’est un travail que je fais avec passion et plaisir depuis un demi- siècle et qui, exclusivement, me fait vivre dans les meilleures conditions de l’aisance d’aujourd’hui. J’entends des gens insinuer ou clamer que je suis venu « chercher à manger », « chercher de l’argent » à Kinshasa. C’est simplement imbécile ! S’ils prétendre me connaître, comment se fait-il qu’ils ne sachent pas que je travaille dans l’enseignement supérieur français depuis 1971 et que j’y ai terminé ma carrière comme « professeur d’université de classe exceptionnelle » ? Quel besoin aurait-une telle personne de venir ramasser à Kinshasa les miettes de cette prédation généralisée qu’elle a toujours combattue ?
Un « savant », oui je le suis. Mais, comme d’autres savants avant moi, en Afrique et en dehors de l’Afrique, je pense qu’il est des moments où le savant doit savoir sortir de sa « tour d’ivoire » pour contribuer à l’assainissement des bourbiers et au défrichement de la forêt. Rien ne dit que de ce forum (F.C.C.) sortira nécessairement du beau, du sublime et de l’éternel. Mais, se croiser les bras en vouant aux gémonies et en jetant au feu tous ceux qui, loin de se « salir les mains », entreprennent de défricher la forêt et d’y éclairer les voies de sortie, ce n’est pas mon genre.
La République Démocratique du Congo ploie dans une telle « merde » (désolé, je ne vois pas d’autre mot), qu’il est presque criminel de rester assis chez soi, de se répandre en injures, de squatter les bistrots ou de parader dans les rues en criant des slogans sonores mais vides. A mes yeux, il y a urgence. L’heure est venue de multiplier, au Congo comme en dehors du Congo, ces laboratoires d’où se formeront les germes de ce futur et les fondations de ce « pays plus beau qu’avant » dont nous rêvons, sans aucun effet concret, depuis plus d’un demi-siècle.
Kinshasa, 16-07-2018
Elikya M’BOKOLO
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