Vital Kamerhe : l'accord de Genève fut « une sorte d'arnaque »

Vital Kamerhe s'est désisté au profit de Félix Tshisekedi pour former un ticket "gagnant" en RDC. L'ancien président de l'Assemblée nationale a fait alliance avec cet autre poids lourd de l'opposition congolaise en vue de remporter l'élection du 23 décembre. Interrogé sur le plateau de TV5 Monde au sujet de cette nouvelle coalition, le président de l'UNC n’a pu que revenir sur les événements ayant conduit à la mise en place de cette plateforme suite au rejet de l’accord de Genève.

C'était vendredi 23 novembre, dans un hôtel de Nairobi au Kenya. Les deux hommes forts de l'opposition congolaise se retrouvent pour négocier. Quelques heures plus tard, un accord est trouvé.

Vital Kamerhe se désiste en faveur de Félix Tshisekedi pour briguer la présidentielle. « Nous avons décidé aujourd'hui de former un ticket. A Dieu et au peuple qui me regarde, je décide aujourd'hui de soutenir M. Tshisekedi dans sa campagne pour la présidence du Congo », annonce le chef de l'UNC (Union pour la Nation Congolaise) depuis Nairobi.

La contrepartie pour Vital Kamerhe : en cas de victoire, Félix Tshisekedi lui garantit le poste de Premier ministre. Pourquoi avoir choisi de devenir le deuxième homme ? Réponse de Vital Kamerhe sur le plateau de TV5 : « Je voudrais voter utile pour mon pays parce que nous nous sommes tous fixés comme objectif l'alternance. Il y a un seul fauteuil présidentiel et nous savions tous qu'il fallait départager deux hommes, l'UDPS et l'UNC. Nous ne pouvions pas sans continuer à dérouter le peuple congolais à privilégier nos propres ambitions. J'ai toujours dit : "je n'ai pas l'obsession de la présidence de la République, j'en ai la vocation". Et je suis convaincu qu'on honorera ainsi [avec cet accord] la mémoire d’Etienne Tshisekedi, qui n’est pas encore enterrée à ce jour. »

L'accord de Genève fut « une sorte d'arnaque »

Afin de comprendre son rejet de l'accord de Genève et la création de sa plateforme en duo avec Félix Tshisekedi, fraîchement baptisée « Cap pour le Changement », Vital Kamerhe a tenu à expliquer pourquoi il s'était retiré.

Pour le président de l’UNC, 2 chapitres importants de cet accord n’ont pas été respectés lors de la signature de Genève : « L'accord de Genève avait été paraphé en Afrique du Sud et il y avait notamment 2 chapitres : Celui qui fixe le profil du candidat commun et celui qui parle des critères, ces deux chapitres importants n'ont pas été respectés. »

Selon lui, l'accord a été « violé », évoquant « une sorte d'arnaque ». Et d'ajouter qu'au moment de signer l'accord : « Nous étions tous convaincus que c'était soit Félix Tshisekedi, soit moi-même. Moi j'étais indifférent entre les deux noms. Et finalement, la désignation s'est faite par vote. » Or si vous parcourez le document de Genève datant de l’Afrique du Sud, il n’y a aucun chapitre qui parle de vote ! Et ça serait étonnant d’avoir perdu autant de temps alors qu’on aurait [s’il ne s’agissait que de vote] pu dès lors faire ce vote à Kinshasa. Et nous disons que dans les négociations politiques de ce genre on n’a jamais voté… »

Pour lui, la désignation de Martin Fayulu ne fut pas un choc mais, plutôt une déception car n’ayant pas la carrure d’un véritable candidat de l’opposition. « Ce ne fut pas un choc mais c’était une déception de voir combien entre nous [de l’opposition] nous pouvons continuer à jouer à ce petit jeu de l’époque qui a justement plongé notre pays dans le désastre ».

Pour l'opposant, il y a certes le vote utile mais il faut soutenir le bon candidat. « Quand nous voulons gagner face au président Kabila et son candidat Shadary [...] Nous devons placer le cheval qu'il faut à l'avant-plan et nous tous nous le soutenons et tout le monde savait et on n’a même pas besoin de sondage pour le dire : l’UDPS a 41 ou 42 députes à l’Assemblée Nationale, UNC en a 18 (bien qu’au départ il y en avait 22) et Vital Kamerhe a été candidat président de la République et il est arrivé 2ème après Etienne Tshisekedi en 2011. Or selon l’accord de Genève, qui provient au fait de l’accord de l’Afrique du Sud, on parle du nombre de députés ainsi que du nombre de candidats députés à la prochaine législature or aucun de ses critères n’a été respecté ». C'est ce qui explique qu'il aurait non pas « renié sa signature mais retirer ».

« Je n'ai pas renié ma signature mais je l'ai retiré parce que l’accord fut lui-même violé par l’acte portant désignation du candidat commun. Ça aurait été Félix, Matungulu ou moi-même, dès lors que cela a été fait par vote ; mode n’ayant pas été convenu par l’accord cela aurait été tout simplement une sorte "d’arnaque". Nous devons apprendre à être sérieux et travailler selon nos propres règles. Si dès le départ nous ne respectons pas nos propres accords, comment allons-nous gérer le pays ? », se justifie-t-il.  

D’autre part, renchérit-il, « je ne savais pas - alors que nous avions combattu cette clause de restreindre le mandat qui est prévu dans la Constitution à 2 ans – que cet accord devait permettre à Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi de "revenir rapidement dans le jeu" ».

« Fatshi-Vit », le ticket gagant

Au sujet des chances du ticket « Fatshi-Vit » de remporter les suffrages, et notamment ses chances à lui de briguer la Primature (car pour ce faire il devrait remporter les législatives), Vital Kamerhe s’est montré confiant.

« Comme le président de la République, nous sommes logés à la même enseigne puisque le président de la République est élu au suffrage universel direct. Nous allons non seulement remporter la présidentielle, les législatives nationales et provinciales parce que le ticket "Fatshi-Vit" - c’est ainsi qu’on l’appelle – et le ticket que tout le peuple congolais attendait. Il suffit de voir la liesse sur l’ensemble du territoire national ».

Quant à savoir si ce duo ne privilégierait pas d'une certaine manière le camp Shadary tout en assassinant l’alternance politique en RDC en faisant de l’éparpillement des voix de l’opposition. Le président de l’UNC voit les choses différemment puisque, selon lui, l’opposition incarne l’espoir pour le peuple congolais.

« Aujourd’hui le peuple congolais doit choisir entre le désastre, la pauvreté et continuer à souffrir ou alors l’espoir que nous apportons avec la rupture et le changement […] or du côté du régime actuel, on doit défendre un bilan désastreux : des morts dans le grand nord, au Kasaï ; la pauvreté endémique ; et une poignée de personnes qui se sont enrichies outrancièrement dans un pays où 98 % de la population est pauvre ».

Jeu d'alliances

Par ailleurs, il relève, d'après lui, la force territoriale de cette alliance. « Félix Tshisekedi est de l’UDPS, un parti qui a une base bien identifiée sur l’ensemble du territoire congolais et notamment dans les 2 Kasaï ; Vital Kamerhe a aussi une base bien identifiée notamment à l’Est mais aussi sur l’ensemble du territoire congolais et donc quand ces deux-là se mettent ensemble ! ... »

Néanmoins, « Cap pour le Changement » se dit ouvert à d'autres ralliements. Et d’après lui, certains membres de la coalition Lamuka seraient déjà prêts à les rejoindre. « Il n'y a jamais eu de rupture », explique-t-il. « Nous sommes des frères et des amis et nous nous parlons. Mais aujourd’hui le ticket c’est "Fatshi-Vit"! », Assure-t-il tout en faisant un appel du pied à Moïse Katumbi dont on sait qu’il a toujours soutenu Félix Tshisekedi.

« Vous voulez Félix, je vous le donne ! Maintenant revenez et soyons fort ensemble ! », a-t-il lancé comme appel envers le président d’« Ensemble pour le changement ».