Politique
C'était il y a un mois, le 24 janvier. Dans son discours d'investiture, le nouveau président congolais Félix Tshisekedi promettait la libération de « tous les prisonniers politiques ». Qu'en est-il aujourd'hui ? Maître Jean-Claude Katende, qui est avocat au barreau de Lubumbashi, est le président national de l'ASADHO, l'Association africaine des droits de l'homme. En ligne de Kinshasa, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Le 24 janvier dernier, le jour de son investiture, le nouveau président Félix Tshisekedi a déclaré : « Le ministre de la Justice sera chargé de recenser tous les prisonniers politiques, d’opinion ou assimilés, sur l’ensemble du territoire national, en vue de leur prochaine libération ». Un mois plus tard, où est-ce que nous en sommes ?
Jean-Claude Katende : Un mois plus tard, je peux vous dire personnellement que je ne sais pas où nous en sommes. Les prisonniers, qui attendaient cet avènement d’un homme de l’opposition au pouvoir, sont encore en détention en train d’attendre que le président de la République concrétise sa promesse. Je parle notamment de monsieur Franck Diongo, Monsieur Diomi Ndongala, les gens du groupe d’Eddy Kapend, qui avaient été condamnés pour l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila, sans oublier monsieur Firmin Yangambi.
Le prisonnier le plus emblématique est sans doute le patron de la Démocratie chrétienne Eugène Diomi Ndongala. Pour justifier son maintien en prison, les autorités du temps de Joseph Kabila affirmaient qu’il avait été condamné pour viol sur mineures.
Oui. Je pense que nous devons avoir de la compassion pour ces mineures et aussi pour les membres de leurs familles. Mais nous estimons qu’au-delà de ce fait, monsieur Diomi Ndongala a été victime de son engagement pour réclamer l’impérium que feu Etienne Tshisekedi, président de l’UDPS, était en train de réclamer. Parce qu’ils étaient convaincus que monsieur Etienne Tshisekedi était vainqueur de l’élection présidentielle de 2011 et monsieur Diomi Ndongala avait joué un rôle très important dans la mobilisation de la population pour la conquête de cet impérium.
Et vous vous préoccupez du sort de tous ceux qui ont été condamnés en janvier 2003 pour l’assassinat de feu Laurent-Désiré Kabila. Quel est leur sort aujourd’hui ?
Je dois vous dire qu’ils sont restés à vingt-neuf, dont vingt-huit à la prison de Makala - ici, à Kinshasa - et un, qui est à la prison de Lisala. Tous ont été bénéficiaires de la loi d’amnistie de 2003 et de celle de 2005. Mais ils n’ont jamais eu le bénéfice de quitter la prison, parce que certaines autorités estimaient que c’était une question sensible. Et le président Kabila, l’année passée, a estimé que c’était une affaire qui les concernait personnellement. Je comprends bien. Mais nous sommes dans un Etat démocratique et, quand les lois sont prises, tout le monde doit être égal devant ces lois.
Il y a les prisonniers politiques et il y a les prisonniers assimilés. De qui s’agit-il ?
Je crois que ce sont tous ceux-là dont le procès ne s’est pas déroulé dans les normes. Je prends le cas, par exemple, du procès de Floribert Chebeya. Nous avons toujours estimé que les vrais auteurs de ce forfait, de cet assassinat, n’ont pas encore été arrêtés et que les personnes qui sont en détention aujourd’hui sont innocentes. Et donc nous souhaitons que ce procès soit rouvert pour qu’on mette la main sur les véritables auteurs de ce crime. Et vous savez que nous citons régulièrement monsieur John Numbi, qui a été cité, aussi, par d’autres témoins oculaires, pour que ce monsieur comparaisse devant les tribunaux congolais et qu’il rende compte à la justice de l’assassinat de Floribert Chebeya.
John Numbi, qui est à présent inspecteur général de l’armée, n’a-t-il pas été reçu par le président Tshisekedi quelques jours après son investiture ?
Oui. Je pense que c’est dans le cadre de ses fonctions actuelles. Si effectivement, à l’issue d’une enquête indépendante, il se révèle qu’il n’y est pour rien, nous pensons qu’il va être laissé en liberté. Mais nous ne pouvons pas accepter que la fonction qu’il occupe puisse être un handicap à ce qu’il réponde des actes qui sont mis sur sa tête ou à sa charge.
Pour dire les choses franchement, Jean-Claude Katende, est-ce que vous craignez que les présumés criminels de l’ancien régime bénéficient d’un régime d’impunité ?
C’est la crainte que nous avons. Et nous avons entendu beaucoup d’interventions du président de la République, qui parle de ne pas faire la chasse à l’homme et ainsi de suite. Mais nous estimons que, sans justice, il est impossible de reconstruire ce pays.
Le 8 janvier, deux jours avant l’annonce de la victoire de Félix Tshisekedi, son état-major a reconnu qu’il existait un rapprochement Tshisekedi-Kabila qui « s’inscrivait dans la logique de la réconciliation nationale contre toute politique de règlement de compte et de chasse à l’homme ». Est-ce qu’en effet, il ne faut pas craindre une politique de chasse à l’homme ?
Je ne pense pas. Nous aurions souhaité qu’on prenne l’option de ce qui s’est passé en Afrique du Sud. Il faut, pour l’histoire, que les faits soient documentés, que ceux qui les ont commis soient bien identifiés. Le faire comme le président Félix Tshisekedi est en train de l’entendre, nous pensons que cela va se retourner contre lui un jour ou l’autre et que l’accord qu’il a passé avec le président Kabila est un accord contre les Congolais.
Et les exilés politiques comme Moïse Katumbi, qu’en pensez-vous ?
Nous pensons que les exilés politiques comme Moïse Katumbi Chapwe, comme Jean-Jacques Lumumba et les autres, ont le droit de rentrer en République démocratique du Congo, sans leur imposer quoi que ce soit comme conditions.
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